par Eric Turjeman, Co-Directeur des gestions OPC chez OFI Investîmes Asset Management
Contrairement à l’adage, il ne fallait pas vendre les marchés actions en mai, ni en Europe, ni aux États-Unis. Les indices signent un beau rebond, sur fond de début des négociations tarifaires entre la Chine et les États-Unis. La baisse (provisoire !) des tarifs douaniers entre les deux superpuissances signe le reflux de la volatilité, et le retour des marchés sur des points hauts. Le monde prend conscience peu à peu que le pire n’est plus le scénario central.
L’administration américaine semble devenir plus pragmatique, et rassure les marchés en se préoccupant davantage des impacts économiques liés à la politique de Donald Trump. Pourtant, à l’heure d’écrire ces lignes, aucun accord en bonne et due forme n’a encore été signé…
Les publications du premier trimestre se sont avérées rassurantes. Il faut bien avouer que très peu d’entreprises américaines (moins de 10 % du S&P 500) ont à ce stade fait le choix d’intégrer les tarifs douaniers dans leurs guidances annuelles. Elles ont parfois pris la préoccupation oratoire d’élargir les fourchettes de marge et de résultats attendus sur l’exercice, tout en conservant les niveaux médians (« midpoint »). Les commentaires se veulent rassurants, mais témoignent d’une visibilité limitée, comme en attestent les indicateurs de confiance des entrepreneurs scotchés sur de bas niveaux. Les questions autour de la gestion des tarifs par « Corporate America »(2) ont éclipsé toutes les autres préoccupations.
Notre conviction est que ces tarifs finiront par se retrouver en grande partie dans les prix de vente afin de préserver les marges des entreprises. Mais malheur à celles et ceux qui sont trop ouverts sur le sujet. Amazon* et Walmart* se sont d’ailleurs fait sévèrement réprimander par Donald Trump lui-même pour avoir annoncé des hausses de prix à venir pour compenser l’inflation des tarifs douaniers.
Surveiller les taux longs
L’administration américaine prend conscience que les taux longs pourraient devenir un sujet. Et tout ce qui pourrait jeter de l’huile sur le feu, comme la perception d’une hausse à venir des prix au détail, devient un motif de préoccupation.
Pour l’instant, les marchés n’en ont cure. L’absence de réaction à la dégradation de la note américaine par Moody’s en est la parfaite illustration. Mais pour combien de temps encore ? Le projet de budget pourrait rajouter 3 300 milliards de dollars de dette au cours de la prochaine décennie. Le déficit public ne devient un problème que lorsque les investisseurs décident qu’il en est un. Jamie Dimon, le très écouté patron de JP Morgan, s’en fait de plus en plus régulièrement l’écho. Les niveaux de taux longs seront donc à scruter comme le lait sur le feu.
L’Europe résiste bien
L’Europe fait toujours figure de valeur refuge. Outre une économie qui se porte mieux que prévu au premier trimestre, les résultats des entreprises sont également ressortis 6 % au-dessus des attentes, un haut de fourchette historique. Certes, les résultats sont revus en baisse, mais ces révisions sont à mettre au compte de la vigueur de l’euro, notamment par rapport au dollar.
Et les perspectives sont plutôt favorables, à la faveur d’une Allemagne censée accélérer ses investissements d’ici à 2030. L’effet devrait être bénéfique sur l’ensemble de la zone Euro. En attendant, les entreprises européennes, comme partout dans le monde, restent suspendues à l’annonce de mesures tangibles et définitives concernant les droits de douane qui s’appliqueront sur les produits européens aux États-Unis.
Difficile d’ici là de se montrer d’un enthousiasme débordant, sachant que nous ne sommes pas à l’abri de nouveaux effets d’annonce, et qu’à près de 14 fois les résultats de l’année en cours, les bourses européennes ne sont plus vraiment bon marché de notre point de vue.
NOTES
(1) « D’America First » (l’Amérique d’abord) à « Taco », l’acronyme pour « Trump Always Chickens Out » (Trump se dégonfle toujours).
(2) Les entreprises américaines.