A la croisée des chemins

par Andy Warwick, Gérant au sein de l’équipe « Real Return » de Newton IM (boutique de BNY Mellon Investment Management)

La question de l’inflation étant au centre des préoccupations, les investisseurs auront des choix importants à faire dans les mois à venir. En effet, grâce à la réaction rapide des gouvernements du monde entier, le rebond des indicateurs économiques a été bien plus important que ce qu’on aurait pu imaginer en mars 2020. 

Par ailleurs, les banques centrales continuent d’appliquer des politiques monétaires extrêmement accommodantes, en injectant d’importantes liquidités dans le système. Néanmoins, le chômage reste élevé, et de nombreux pays maintiennent les plans de licenciements et plans de soutien. 

Dans ce contexte, la principale question pour les investisseurs est de savoir s’il faut s’attendre à un scénario déflationniste d’effondrement causé par un volume extraordinaire de dette publique ou s’il faut tenir compte des attentes d’un régime inflationniste alimenté par un excédent de liquidités, une forte demande et une offre limitée. Les portefeuilles d’investissement devront s’adapter selon le scénario retenu. 

Une vision constructive à court terme

Le déploiement des vaccins aux États-Unis et au Royaume-Uni a été impressionnant – et l’Europe rattrape son retard. S’il se poursuit à ce rythme, il ne fait aucun doute que les adultes de ces pays pourraient être entièrement vaccinés d’ici la fin du troisième trimestre. Malgré cela, les décideurs politiques continueront à offrir des liquidités et les augmentations d’impôts seront probablement reportées à 2022. En d’autres termes, il faudra que les sociétés commencent à revenir à la normale avant que nous puissions commencer à crier victoire sur ce virus.

Un autre point positif est la solidité des bilans. Contrairement à 2008, il ne s’agit pas d’une crise financière car les bilans des banques et des entreprises – en particulier aux États-Unis – sont en pleine santé, ce qui est incroyable compte tenu de l’ampleur de l’arrêt de l’économie ces derniers mois. La reprise devrait donc être assez rapide. 

Cependant, cet optimisme a été tempéré par la tendance haussière du marché en général – qui pourrait éventuellement servir de catalyseur à la Fed pour resserrer sa politique monétaire – mais aussi par la vitesse à laquelle le virus continue de muter, en particulier dans les pays émergents. Cela pose également des questions sur l’efficacité des futurs vaccins.

À plus long terme également, les investisseurs ont été confrontés à un changement structurel : la fin du consensus de Washington 1 ouvrant potentiellement la voie à une nouvelle ère d’intervention gouvernementale, d’érosion du libre-échange et de monétisation de la dette. Une hausse de l’inflation, une augmentation des rendements des obligations d’État et une rotation cyclique continue vers des actifs jusqu’ici mal aimés pourraient en être les conséquences.

Les risques d’inflation à court terme

À court terme, cependant, les indicateurs d’inflation à la hausse restent au premier plan dans l’esprit de nombreux investisseurs. Cela s’explique en partie par l’envolée du taux d’épargne aux États-Unis et l’explosion de la masse monétaire. Cela suggère que la demande refoulée des consommateurs se traduira par une inflation soutenue. 

Pourtant, plutôt que de considérer cela comme la preuve d’un nouveau super-cycle des matières premières, un tableau plus nuancé apparaît dans lequel de nouveaux impératifs, comme le “verdissement” de l’économie, sont responsables de certaines des contraintes d’approvisionnement les plus pressantes. Toutefois, comme les gouvernements et les entreprises canalisent les fonds vers la reprise économique, certaines de ces contraintes pourraient être résolues par une augmentation des investissements mais avec une augmentation générale des prix des matières premières.

NOTE

1 Le Consensus de Washington peut être défini comme un ensemble de politiques de libre échange promues par les démocraties occidentales pendant et après la guerre froide.