Dix convictions d’investissement pour le deuxième semestre 2021

par Stéphane Monier, Directeur des investissements chez Lombard Odier

La rapidité de la vaccination contre le Covid-19 a été remarquable dans le monde occidental développé. En six mois, les espoirs de reprise sont ainsi devenus réalité. La renaissance des perspectives économiques s’accompagne toutefois d’incertitudes, les principales étant le retrait du soutien monétaire, une surchauffe économique et un éventuel dérapage inflationniste.

Le choc économique dû au Covid-19 a conduit à un rebond conforme à nos attentes. Grâce au soutien monétaire et budgétaire, l’embellie conjoncturelle et l’amélioration des bénéfices ont soutenu des rallyes sur la plupart des marchés boursiers. Par conséquent, les valorisations absolues sont élevées tant sur les marchés actions qu’en matière de crédit. Nous avons reflété cette reprise dans les portefeuilles en privilégiant les actifs risqués, notamment les actions cycliques et de style « valeur », ainsi que les stratégies de portage et les classes d’actifs alternatives, plus particulièrement l’immobilier et les infrastructures. 
 
A ce stade, le risque le plus important reste l’évolution de la pandémie. Malgré le déploiement rapide de la vaccination dans la plupart des économies développées, les vaccins sont moins nombreux et d’une moindre efficacité dans une grande partie des pays émergents. Cette disparité donne lieu à des reprises économiques inégales et augmente le risque de nouveaux variants. 
 
L’inflation demeure un sujet d’inquiétude. Cependant la flambée des prix restera limitée aux secteurs touchés par la pandémie, et nous ne percevons aucun signe indiquant que l’inflation fasse plus que se normaliser. Les banques centrales en général, et la Réserve fédérale en particulier, utiliseront une approche plus large, comprenant notamment une reprise plus complète de l’emploi, avant de relever les taux directeurs. 
 
La géopolitique conserve son potentiel d’influence sur les marchés. L’administration Biden a renoué avec les engagements américains au niveau international et nous constatons un apaisement des tensions commerciales avec l’Union européenne, ainsi que l’amorce d’un nouveau dialogue avec la Russie. D’autre part, un accord nucléaire avec l’Iran ouvrirait la voie à son retour sur les marchés pétroliers internationaux. Néanmoins, les relations à long terme entre les États-Unis et la Chine resteront compétitives et potentiellement volatiles. 
 
À court terme, nous nous concentrons sur l’équilibre entre reprise et pandémie, inflation et soutien politique. Ces tensions créeront plus de volatilité sur les marchés. 
 
Pour les investisseurs qui cherchent à préserver leurs gains, les stratégies optionnelles sur indices actions de type « put spread » peuvent être attrayantes. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’indice VIX, qui mesure la volatilité actions (S&P 500), est à environ 15%, c’est-à-dire proche de ses niveaux d’avant la pandémie, offrant la possibilité d’acheter des options à un niveau abordable. En cas de recul des marchés, qui pourrait à notre avis être de l’ordre de 5 à 10%, les stratégies « put spread » peuvent constituer une couverture de portefeuille efficace. Cette approche est cohérente dans un contexte où il fait sens de tirer parti des baisses des marchés boursiers afin de renforcer l’exposition aux actions.
 
Enfin, la pandémie met en lumière les inégalités sociales et les menaces pesant sur notre climat. À long terme, nous voyons pour nos clients des opportunités sans précédent d’investir dans la transition vers une économie à zéro émission nette.
 
 
Dix convictions pour le deuxième semestre 2021
 
1. Rester investi dans les actifs risqués
La forte reprise macroéconomique et les mesures de relance soutiennent les actifs risqués, plus spécialement ceux qui sont sensibles au cycle conjoncturel. Bien que cette dynamique risque de s’essouffler en 2022, ce stade du cycle continue à favoriser les actions par rapport aux obligations, tant que les bénéfices des entreprises restent robustes et les valorisations attrayantes.
 
2. Poursuite de la surperformance des actions cycliques et de type « valeur »
Cet environnement de solide croissance et d’inflation transitoire laisse présager pour l’année à venir des rendements s’inscrivant dans le haut de la fourchette à un chiffre, avec un possible regain de volatilité en réponse à l’évolution de la politique monétaire américaine. Les niveaux de valorisation seront encore mis à l’épreuve par la hausse des taux, mais nous continuons à tabler sur une progression des bénéfices. Ce scénario soutient les secteurs bon marché qui se redressent, en particulier l’énergie, la finance et l’automobile. Tandis que la plupart des valeurs cycliques se négocient actuellement à des niveaux plus élevés et offrent un rapport risque/rendement plus équilibré, les titres « valeur » seront soutenus par une croissance économique supérieure à la tendance, une hausse des taux et une pentification de la courbe des taux américains. 
 
3. Préférence pour les actions européennes et britanniques 
Résultat, nous concentrons nos surpondérations en actions sur les titres paneuropéens sensibles à la conjoncture. En effet, ces derniers devraient profiter le plus de la réouverture des économies, de l’accélération de la hausse des bénéfices ainsi que des valorisations attrayantes. Les actions de la zone euro et du Royaume-Uni se négocient encore à des multiples relativement bon marché, en dépit de leur exposition à la reprise mondiale et au thème de la reflation.
 
4. La hausse des rendements devrait entraîner une pentification de la courbe au cours du second semestre
Durant les 12 à 18 prochains mois, nous tablons sur une hausse progressive des rendements des obligations gouvernementales à long terme, à mesure que le contexte économique se normalise. Etant donné qu’il est peu probable que la Fed resserre sa politique monétaire avant mi-2023, nous nous attendons à ce que ces hausses soient d’abord visibles dans les taux longs, ce qui devrait entraîner une pentification de la courbe des taux. À un horizon de 12 mois, les bons du Trésor américain et les Bunds allemands à dix ans devraient atteindre 2,25% et 0,25% respectivement. Dans ce contexte, nous privilégions une faible exposition aux obligations souveraines ainsi qu’une duration défensive. L’amélioration de la croissance économique est susceptible de soutenir les fondamentaux de crédit, tant sur les marchés développés qu’émergents.
 
5. Utiliser des stratégies de portage pour générer des revenus 
Malgré un récent resserrement des spreads de crédit, nous continuons à identifier de la valeur dans les stratégies de portage, le crédit à haut rendement et la dette des pays émergents en devises fortes. Nous continuons à privilégier le risque de spread par rapport au risque de duration, avec une dette chinoise en renminbi offrant des vertus de diversification, des fondamentaux solides, une bonne qualité de crédit et un rendement attractif, ainsi qu’une faible corrélation avec les taux américains. Nous apprécions également les obligations d’entreprise émergentes, qui devraient bénéficier de l’amélioration des fondamentaux économiques et d’une réduction du levier financier, tout en offrant des rendements et des spreads solides. 
 
6. Le dollar américain se dépréciera alors que l’euro bénéficiera de la dynamique de croissance
Malgré les projections d’une hausse des taux directeurs de la Fed, nous tablons toujours sur une dépréciation modérée du dollar américain au second semestre. Nous fondons cette analyse premièrement sur le fait que selon nos estimations le dollar reste surévalué de 20% et deuxièmement sur l’amélioration continue de l’activité mondiale et du commerce international, deux facteurs qui ont historiquement entraîné un affaiblissement du billet vert. La rotation de la dynamique de croissance vers l’Europe, la réouverture des économies de la région et le fonds « Next Generation » de l’UE devraient soutenir l’euro avec une amélioration de la confiance et une augmentation des flux de portefeuille. Une Fed moins accommodante, et/ou tout retard dans les réouvertures européennes suite à l’apparition du variant « delta », compromettraient ces perspectives. 
 
7. Les conditions restent réunies pour un renforcement du renminbi
Nous maintenons notre opinion positive sur le renminbi compte tenu des flux de portefeuille toujours positifs et de la solidité des exportations. L’augmentation récente des exigences en matière de réserves de change par la Banque populaire de Chine suggère qu’elle vise à ralentir, plutôt qu’à inverser, le rythme d’appréciation de la monnaie chinoise. Nous pensons que cela reflète l’accumulation importante de dépôts en devises onshore durant 2020, qui pourraient être reconvertis en renminbi, et nous maintenons donc notre prévision de fin d’année pour le taux de change USD/RMB de 6,22. Cela suppose une amélioration des relations commerciales sino-américaines. Les risques principaux découlent d’un ralentissement des exportations ou de la perspective de tarifs douaniers encore plus élevés.
 
8. Le cours de l’or baissera en raison de la hausse des taux réels
Nous continuons à sous-pondérer l’or car la remontée des taux et le regain d’appétit pour le risque devraient se poursuivre parallèlement à la reprise économique. Bien que les pressions inflationnistes aient poussé le cours du métal jaune à la hausse durant le deuxième trimestre 2021, le récent changement de cap de la Fed nous a rappelé que les taux réels restent le principal moteur de l’évolution des prix de l’or dans le cadre de la reprise. Étant donné que ces pressions inflationnistes devraient s’avérer transitoires et que les attentes en matière de taux nominaux augmentent, il subsiste un risque de chute des cours. Compte tenu des positions spéculatives longues qui pourraient se détendre, et malgré une dépréciation modeste attendue du dollar, nous voyons l’or à 1 600 USD l’once (USD/oz) d’ici la fin de l’année.
 
9. Les dépenses d’infrastructures offrent la possibilité de « reconstruire en mieux »
Les actifs alternatifs continuent à jouer un rôle important en termes de rendement et de diversification des risques. Les plans de dépenses historiques de l’administration Biden et le programme de relance « Next Generation » de l’UE promettent de forts afflux de capitaux et un intérêt des investisseurs pour des infrastructures durables. Nous conservons notre surpondération des infrastructures, car cette classe d’actifs devrait être l’un des principaux bénéficiaires des dépenses gouvernementales post-pandémie. En outre, l’immobilier européen devrait continuer à se redresser, offrant ainsi des opportunités supplémentaires aux investisseurs.
 
10. Investir dans la transition vers une économie zéro émission nette
Les investisseurs intègreront toujours plus la transition vers la neutralité carbone dans les cours des actifs financiers, engendrant ainsi des changements dans le sentiment de marché à l’égard des gagnants et des perdants à long terme. Le comportement des consommateurs transforme déjà de nombreux secteurs et nous pensons qu’une approche thématique favorisant les entreprises les plus avancées sur la voie de l’économie zéro émission nette fait sens pour les investisseurs. Les stratégies d’investissement doivent refléter cette transition en privilégiant les fournisseurs de solutions, ainsi que les modèles d’affaires dans les secteurs à forte intensité de carbone qui travaillent à réduire leurs émissions afin d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris.