Actions chinoises : les craintes d’un krach chinois sont sans fondement

par Philip Ehrmann, gérant du fonds JGF China Sustainable Growth chez Jupiter Asset Management

Ceux qui craignent que la rapide expansion économique de la Chine s’arrête brusquement sous-estiment les ardeurs réformatrices de la nouvelle administration chinoise.

Les détracteurs de l’explosion économique chinoise sortent à nouveau du bois, avertissant tous ceux qui veulent bien les écouter que la croissance du pays, alimentée par la dette, finira par montrer ses limites. Leurs inquiétudes sont selon nous sans fondement. La nouvelle administration chinoise a clairement fait comprendre qu’elle était engagée dans des réformes importantes pour gérer les excès, voulus ou non, générés par ce boom économique. Parmi les excès identifiés par les autorités, le plus important problème est celui de la mauvaise allocation du capital et le déséquilibre causé par le financement de projets d’infrastructure à long terme par des programmes de prêts à court terme. Loin d’ignorer le problème, le gouvernement y fait face.

Même s’il est vrai que la croissance des prêts en Chine a atteint des niveaux sans précédent ces dernières années, celle-ci représentait une réponse à une crise financière mondiale d’une ampleur telle qu’il fallait des mesures exceptionnelles pour la combattre. Alors oui, en conséquence, la Chine a vu son économie croître de manière exponentielle mais ceux qui s’inquiète aujourd’hui de la vitesse de cette expansion semble oublier, selon nous, qu’elle a été accompagnée et soutenue par des réserves de changes et un taux d’épargne domestique sains. Nous pensons donc que la dette globale du pays est plus que gérable pour le moment.

Ceux qui critiquent la Chine aujourd’hui auraient raison si rien ne se faisait dans les prochaines années et si l’administration laissait en place les mesures de relance instaurées au plus fort de la crise mondiale en 2008/2009. Cependant, comme nous avons pu le voir depuis 18 mois, ces dernières ont déjà commencé à être réduites. Il est vrai aussi qu’implémenter les réformes structurelles nécessaires devraient aller à l’encontre des intérêts de certains, l’élément clé sera donc de voir si le gouvernement du président Xi Jinping aura le courage de les mettre en place. Pour l’instant, les signaux nous semblent plutôt positifs et il nous paraît crucial que ces changements soient effectués relativement tôt dans le mandat de la nouvelle administration.

En ce qui concerne les préoccupations qui entourent les trusts – ces véhicules d’investissement utilisés pour fournir des financements à des projets dans lesquels les banques sont réticentes à investir – elles ne devraient pas s’apaiser prochainement étant donné la publicité à laquelle nous avons assisté dernièrement lorsqu’un grand trust a pratiquement fait défaut et n’a été recapitalisé qu’in extremis. Beaucoup de ces trusts arriveront à maturité, en d’autres termes se termineront et seront dissouts entre avril et septembre prochain. Ils seront soit re-financés, réglés ou bien poseront problèmes. Certains observateurs critiques de la Chine craignent que le nombre inhabituellement important de trusts arrivant maturité prochainement amplifie le risque potentiel que ces trusts «à problèmes » ne déstabilisent le système financier du pays. Nous tenons cependant à signaler que très peu de ces trusts sont similaires à l’exemple évoqué ci-dessus et ils sont sous la vigilance étroite des régulateurs.

Enfin, nous pensons que ces préoccupations sont déjà prises en compte dans les cours de bon nombre de valeurs financières et ce, dans un marché actions qui est selon nous largement dénigré depuis 18 mois. Nous pensons que les progrès sur les réformes requises seront constants, mais inégaux, et pourraient amener de la volatilité dans les mois à venir. Toute faiblesse du marché pourrait donc constituer selon nous une bonne opportunité pour investir dans des entreprises de bonne qualité à un cours intéressant. Il faudra sans doute à un moment que les réformes politiques coïncident avec les progrès économiques qui ont été faits mais la population chinoise devrait être d’autant moins exigeante sur ce plan que ses revenus continuent de croître et qu’elle ait le sentiment de partager la prospérité globale générée par l’expansion économique de ces cinq dernières années.