par Estelle Honthaas, économistes au Crédit Agricole
• La plupart des grandes banques américaines ont publié leurs résultats annuels cette semaine.
• Bien que souvent supérieurs au consensus, ces résultats laissent transparaître des faiblesses majeures.
Des résultats en hausse…
Après une année 2008 calamiteuse, les résultats de l’année 2009 des grandes banques américaines sont en apparence plus que satisfaisants. Elles ont quasiment toutes remboursé les injections de capital reçues du Trésor, et leur solvabilité s’est considérablement améliorée. Le coût du risque, qui menaçait d’absorber la majeure partie de leurs résultats d’exploitation, semble en voie de stabilisation. Il a même diminué pour certains acteurs entre le troisième et le quatrième trimestre 2009. Globalement enfin, les grandes banques américaines ont affiché des performances supérieures à celles attendues par le consensus, certaines d’entre elles enregistrant des niveaux de profit proches de ceux de 2007.
… mais des fragilités qui persistent
Pourtant, les interrogations qui avaient accompagné l’amélioration des résultats des trimestres précédents, sont plus que jamais d’actualité.
Le coût du risque tout d’abord a diminué sur un an, mais il reste toujours à un niveau très élevé. Et ce d’autant plus que les encours de crédit ont eux aussi diminué, de 10 % sur un an pour les quatre principales banques commerciales. Rapporté aux encours de crédit, le coût du risque ne semble ainsi pas sur la voie d’une diminution franche.
Or les perspectives macro-économiques ne laissent guère présager d’amélioration dans les mois à venir.
Dans le meilleur des cas, le taux de chômage devrait se stabiliser à un niveau élevé, impactant donc durablement la qualité du crédit à la consommation et celle de l’immobilier résidentiel. Ce dernier segment pourrait par ailleurs continuer à souffrir, dans l’hypothèse où le redressement du marché immobilier tarderait à se confirmer.
Dans le même ordre d’idées, la faiblesse de la reprise économique laisse supposer que la demande de crédit restera faible en 2010. En plus de cette pression sur les volumes, les banques sont par ailleurs de plus en plus vulnérables à une remontée des taux d’intérêt, qui pourrait alors exercer une pression à la baisse sur leur marge d’intérêt et leur PNB.
Une dépendance marquée à la banque d’investissement
Les revenus des grandes banques ont été au quatrième trimestre 2009, comme sur l’ensemble de l’année 2009, très dépendants des performances des métiers de la banque d’investissement. Or la pérennité de ces revenus est loin d’être acquise. Ils ont ainsi baissé de plus de 40 % entre le troisième et le quatrième trimestre 2009 pour les cinq leaders (Goldman Sachs, Morgan Stanley, JP Morgan Chase, Bank of America et Citi). Dans le détail, les revenus en fixed income chutent de 53 % par rapport au troisième trimestre 2009, et de 30 % sur le trading actions. Les bonnes performances de la banque d’affaires (conseil en fusions et acquisitions, émissions actions), en hausse de 34 % sur le trimestre, n’ont pu compenser ces contreperformances.
Quel impact du durcissement de la régulation ?
A l’approche des élections de mi-mandat, les pouvoirs publics multiplient les initiatives visant à réguler de façon plus contraignante l’activité des banques d’investissement. La dernière en date, annoncée le 21 janvier par le Président Obama (dite « règle Volcker »), vise à limiter la taille des banques et leurs activités de marché. Si elles sont fondées du point de vue de la stabilité financière, ces initiatives risquent progressivement d’impacter significativement les revenus des principales banques, les obligeant à modifier en profondeur leurs business models.
Pour toutes ces raisons, à la fois réglementaires et macro-économiques, la plus grande prudence s’impose donc quant aux perspectives de revenus des banques américaines.
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