par Frederik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole
- La BCE a créé la surprise en dévoilant les grandes étapes d’une stratégie de sortie plus rapide que prévu.
- Le taux de l’appel d’offres à un an du 16 décembre sera indexé au taux directeur. Les opérations de refinancement illimitées à taux fixe ne sont maintenues que jusqu’au 13 avril 2010. Un dernier appel d’offres à six mois sera conduit le 31 mars 2010. Toutes les options sont ouvertes pour la suite.
- La BCE devrait continuer de distinguer clairement gestion de la liquidité et politique monétaire, mais on est en droit d’interpréter ces changements comme une première étape vers une hausse de taux fin 2010.
La BCE a maintenu son principal taux directeur à 1 % le 3 décembre, jugeant ce niveau toujours « approprié » à ce stade. Les nouvelles projections du staff des économistes plaident toujours en faveur d’une politique monétaire accommodante. La croissance du PIB a été revue en hausse à 0,8 % en 2010 (contre 0,2 % il y a trois mois), mais cette prévision implique des taux de croissance trimestriels moyens de l’ordre de 0,1 % l’année prochaine compte tenu de l’effet d’acquis attendu fin 2009. En 2011, le PIB progresserait de 1,2 %, nettement sous le potentiel de la zone euro avant la crise. Enfin, l’inflation est attendue à 1,3 % en 2010, puis 1,4 % en 2011, nettement sous la cible des 2 %.
Rien qui ne laisse présager d’une hausse de taux à court terme, et un message plutôt « dovish » à première vue.
Si nos prévisions sont correctes, les prévisions du staff de la BCE ont toutefois une marge importante de révision à la hausse. A l’inverse, la BCE évite ainsi d’être surprise à la baisse. Plus encore qu’en 2004-2005, avant que la BCE n’entame un cycle de hausses de taux, la prudence devrait être de mise pendant la reprise.
Rapidité dans l’exécution de la sortie
Si la BCE a surpris le marché cette semaine, c’est en annonçant des mesures globalement plus rapides et plus radicales que prévu pour mettre en œuvre la sortie annoncée de sa politique non standard de soutien à la liquidité. La première décision inattendue consiste à indexer le taux du dernier appel d’offres à douze mois, le 16 décembre prochain, au taux de refinancement de la BCE. En pratique, ce type d’opération inédit (la Riksbank est une des rares banques centrales à l’avoir mise en œuvre) laisse toutes les options ouvertes à la BCE puisque toute modification du taux de refinancement qui serait décidée pendant la durée de vie du prêt serait répercutée sur le coût de ce dernier, prorata temporis.
En conséquence, la demande lors de cet appel d’offres pourrait être limitée aux banques ayant le plus besoin de cette liquidité. Quoi qu’elle dise de cette solution jugée « neutre » et prise par « consensus », la BCE prend ainsi le risque de voir cette décision interprétée par les marchés comme un signal de politique monétaire (conventionnelle), ce dont elle s’est défendue dès cette semaine. De ce point de vue, sa communication peut sembler quelque peu maladroite et ambigüe. On comprend également que certains membres du Conseil se sont probablement opposés à cette décision.
La deuxième décision, qui porte sur le calendrier et les modalités des opérations de refinancement, pourrait s’avérer bien plus radicale en pratique. D’un côté, la BCE s’engage à maintenir les appels d’offres illimités et à taux fixe à toutes les maturités au minimum jusqu’au 13 avril. Dans le même temps, le nombre d’opérations est réduit au-delà ce que nous attendions. Toutes les opérations dites supplémentaires, c’est-à-dire les appels d’offres à trois et six mois mis en place pendant la crise, ne seront pas renouvelés. Un dernier appel d’offres à six mois sera conduit le 31 mars 2010, ce qui pourrait décaler dans le temps la transition délicate vers des maturités plus courtes. Enfin, les appels d’offres à un mois, ajoutés eux aussi en 2008, sont maintenus jusqu’au 13 avril 2010, aux mêmes conditions que les appels d’offres classiques à une semaine.
Quel impact sur les taux courts ?
Deux éléments sont très clairs. La BCE n’annonce pas de hausse de taux directeur en indexant le coût de la liquidité au taux Refi. Elle n’a pas non plus l’intention de faire remonter les taux Eonia et Euribor. Mais avec ces modifications apportées aux outils de gestion de la liquidité, la BCE prépare le terrain et se donne les moyens de normaliser sa politique monétaire le moment venu. La première étape devrait bien consister en une remontée des taux interbancaires, au plus tard en septembre 2010 (lorsque le dernier appel d’offres à six mois arrivera à échéance), et plus vraisemblablement dès le premier semestre 2010 si la normalisation du marché monétaire se poursuit au même rythme qu’aujourd’hui.
Si le secteur bancaire montre des signes de mieux et si, comme nous le pensons, les prévisions du staff sont révisées à la hausse, il y aura de moins en moins de justification à maintenir une quasi-politique de taux zéro en 2010. A nos yeux, la probabilité d’une hausse de taux dès la fin 2010 a nettement augmenté, quoiqu’en dise M. Trichet.