par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Pour le moment, la Banque Centrale Européenne ne semble guère décidée à aller plus loin dans l’assouplissement de sa politique monétaire. Début janvier, M. Draghi avait annihilé les anticipations de baisse du taux refi en se montrant raisonnablement confiant sur la zone euro, mettant en avant les améliorations de l’environnement financier et précisant que la question d’une baisse de taux n’avait pas été discutée lors de la réunion.
Par ailleurs, il a également déclaré que le risque de guerre des monnaies était faible et qu’en conséquence c’était un non sujet. Pour autant, lors de la dernière réunion de politique monétaire, l’évolution du taux de change a été mentionnée comme un facteur de risque à la baisse sur l’inflation de la zone euro et le ton du discours s’est révélé un peu plus prudent avec le retour de la discussion sur le niveau du taux refi.
Il semble que la baisse de taux soit considérée comme une dernière cartouche à n’utiliser qu’en cas de gros problème. La BCE est également réticente à faire passer le taux de dépôt1 en territoire négatif même si les systèmes sont maintenant opérationnels pour une telle éventualité. La question du taux de dépôt négatif nous paraît toutefois être un faux problème dans la mesure où le corridor pourrait très bien être à nouveau abaissé (à 50pb). Nous voyons plusieurs intérêts à faire baisser davantage le taux refi.
- Avec les remboursements anticipés de VLTRO2, la taille du bilan de la BCE se réduit naturellement, absorbant une partie des excès de liquidités dans le système bancaire, qui restent cependant encore importants (plus de 400Md€). Ceci a eu pour conséquence de tirer à la hausse les eonias anticipés. La baisse du refi maintiendrait toute la partie courte à des niveaux très faibles.
- Rendre les conditions monétaires plus accommodantes. Avec la baisse de l’inflation, les taux d’intérêt réels ont tendance à augmenter. Associés à une appréciation du taux de change effectif de l’euro, les conditions monétaires se sont quelque peu resserrées. L’euro a d’ailleurs eu tendance à s’apprécier avec l’affaiblissement des anticipations de baisse de taux en janvier.
- Apporter du soutien aux banques, surtout celles des pays périphériques qui viennent toujours se financer directement auprès de la BCE. Si le stress bancaire a beaucoup diminué avec les actions de la BCE (VLTRO, covered bonds, annonce OMT…), les banques européennes, principalement celles des pays périphériques restent dans une situation compliquée avec la poursuite de l’augmentation des taux de défaut sur les prêts. Par ailleurs, la transmission de la politique monétaire n’est pas complètement restaurée avec toujours des taux d’intérêt sur les crédits bancaires élevés dans les pays périphériques.
- Le risque inflationniste est extrêmement faible. L’excès de capacités va continuer d’avoir un effet baissier sur l’inflation européenne dans les trimestres qui viennent. Elle restera durablement sous la cible de 2% de la BCE.
- Les ajustements macroéconomiques vont se poursuivre en zone euro pesant sur la croissance durablement3. Si le recul du PIB devrait être moins prononcé début 2013 que fin 2012, la zone euro ne devrait pas afficher de taux de croissance positif avant la seconde partie d’année 2013. Comme nous le mettions en avant la semaine dernière, la BCE anticipe encore une reprise de la croissance en zone euro en 2014 (1,2% attendu) qui pourrait s’avérer beaucoup plus modérée (0,5% selon nos prévisions).
Si une nouvelle baisse du taux refi ne changera pas la face du monde et n’est clairement pas la solution miracle aux problèmes de la zone euro, il nous semble néanmoins qu’elle ne pourrait pas faire de mal à une économie encore bien fragilisée, d’autant plus que la BCE reste réticente à mener des politiques moins orthodoxes.
NOTES
- Taux de dépôt : rémunération des réserves excédentaires à la facilité de dépôt de la BCE.
- VLTRO very long term refinancing operations
- Cf. Edito d’Eco hebdo du 15 février « Zone euro : la vague de révisions en baisse devrait se poursuivre »