par Isabelle Job, économiste au Crédit Agricole
Lors de la deuxième opération de refinancement à trois ans, la BCE a alloué 529,5 Mds € à 800 banques.
Avec l’assouplissement des critères d’éligibilité des collatéraux, les banques de taille modeste ont pu aller au guichet de la BCE.
Les grands acteurs bancaires ont, sans doute, cherché à se constituer un volet de réserves en cash à des fins assurantielles, bien que certains établissements aient pu être dissuadés de participer de peur d’être stigmatisés.
Cette abondance de liquidité éloigne le spectre du « credit crunch », mais ne doit pas faire oublier la nécessité pour les banques d’assainir leur bilan. L’action de la BCE offre simplement l’assurance que ce processus nécessaire de désendettement se fasse dans la durée, de la façon la plus ordonnée possible et sans trop endommager la croissance.
Plus de banques…
Le résultat de la deuxième opération de refinancement à trois ans était très attendu. Le marché anticipait une participation d’un éventail plus large de banques, pour un montant quasi-équivalent à celui de la première enchère de décembre, soit environ 489 Mds €.
Le relâchement des critères d’éligibilité des collatéraux plaidait, en effet, en faveur d’un élargissement du nombre de banques participantes, en donnant la possibilité de mobiliser des gages de moins bonne qualité (tout en restant de grande qualité). Le but recherché était de donner un accès aux banques de taille modeste qui jouent un rôle important dans le financement des PME-PMI, lesquelles sont souvent les premières à faire les frais d’une raréfaction de l’offre de prêts. La forte augmentation du nombre de banques participantes (800, contre 523 lors de la première opération) laisse penser que l’objectif a bien été atteint même si cela n’offre aucune garantie, quant à la transformation de ces ressources en crédits.
… pour plus de cash
Concernant le montant alloué, certains analystes pariaient sur une augmentation importante de l’enveloppe avec des banques incitées à profiter de cette offre de liquidité quasi-gratuite, soit pour sécuriser leur plan de refinancement à moyen terme, à l’heure où le marché de la dette non sécurisée ne se rouvre que très timidement et face à de lourdes tombées d’échéances, soit pour se constituer un volet de réserves en cash à des fins purement assurantielles. Mais la tranquillité à un prix, puisque le coût d’opportunité de détention de ces réserves n’est pas nul pour les banques qui choisissent de redéposer quotidiennement cette liquidité en excès pour un rendement de seulement 0,25%. Il est cependant possible que ce matelas de sécurité offre un pouvoir de négociation suffisant sur les marchés, pour abaisser le coût moyen global de la liquidité.
Dans le même temps, alors que le patron de la BCE a cherché à ôter tout stigmate à ces opérations exceptionnelles, certaines banques ont cru bon d’annoncer ne pas avoir besoin de venir au guichet de la BCE, comme gage de leur solidité financière. Ceci a pu dissuader certains établissements à aller chercher cette sécurité, de peur que cela soit considéré comme une preuve de fragilité.
Les banques de la périphérie n’ont probablement pas eu à composer avec de tels états d’âme, puisque la BCE est le plus souvent leur plus gros fournisseur de liquidité, voire pour certaines le seul. Le détail des montants alloués par pays devrait s’en faire le reflet, avec une forte participation prévisible des banques italiennes ou espagnoles. En revanche, les banques grecques seront cette fois-ci les grandes absentes, compte tenu de l’inéligibilité temporaire des obligations souveraines grecques placées en catégorie de défaut sélectif. Elles peuvent néanmoins continuer à s’approvisionner en liquidité, en utilisant la facilité d’urgence (ELA) de la Banque nationale de Grèce plus coûteuse, mais moins exigeante quant à la qualité des titres apportés en gage.
Au final, le montant alloué de 529,5 Mds € est proche de la moyenne des estimations et le montant net de liquidité injecté (avec le recyclage de toute ou partie des opérations de refinancement de plus courtes maturités arrivant à échéance) est estimé autour de 300 Mds € d’euros.
Cette profusion de liquidité a permis de rassurer les marchés sur la capacité des banques à réduire leur bilan de façon ordonnée et sans trop endommager la croissance. Par ailleurs, une partie des ressources allouées, lors de la première enchère, semble avoir été recyclée (notamment en Espagne et en Italie) sous la forme d’achat de titres publics, ce qui a contribué à dégonfler les primes de risque et la pression sur les souverains fragiles. Surtout, l’action de la BCE a su insuffler la dose de confiance nécessaire au basculement des anticipations, aidant à rompre les interactions délétères entre risques souverains et bancaires.
L’objectif de la BCE reste bien celui d’éviter le scénario du pire d’une purge conjointe et brutale des bilans privés et publics, synonyme de forte pénurie de crédits et de récession sévère, selon un schéma cumulatif et auto-réalisateur. Mais, il n’est en aucun cas question de relancer le crédit (le trop plein de dette étant le problème et non la solution) ni de reporter (ou de dissuader) les ajustements bilanciels nécessaires pour assainir les bases d’une croissance qui s’annonce plus faible en tendance, le temps de purger dans la durée les excès d’endettement passés.