par Will Ballard, Head of Emerging Markets and Asia Pacific Equities chez Aviva Investors
Pour les investisseurs en actions qui réclament un meilleur accès au marché chinois, 2018 a débuté avec de bonnes nouvelles. La Commission chinoise de réglementation des valeurs mobilières (China Securities Regulatory Commission, CSRC) a confirmé la mise en place d'un projet pilote indiquant que trois sociétés continentales seront autorisées à libérer une partie de leurs actions ‘‘H’’, actions non négociables aujourd’hui en circulation à la Bourse de Hong Kong. [1]
Bien que l'annonce ait été faite discrètement, elle pourrait avoir des implications majeures pour le marché boursier chinois. Si le projet est couronné de succès, il pourrait être étendu à d'autres sociétés continentales cotées à Hong Kong, dont beaucoup ont actuellement une part importante de leur capital social immobilisée en raison d'une réglementation stricte. Selon une enquête d'UBS, 154 entreprises chinoises détiennent des actions ‘’H’’ (non négociables) d'une valeur totale de 2,6 billions de dollars HK$ (332 milliards de dollars).
Le temps nous dira si le CSRC autorisera la libération gratuite de toutes ces actions ‘‘H’’, étant donné la réticence habituelle du régulateur à assouplir le contrôle des flux de capitaux transfrontaliers. Néanmoins, le projet semble prometteur. La libération du capital social des sociétés continentales devrait, entre autres avantages, stimuler la liquidité et accroître l'alignement entre contrôle et investissement. Mais toute expansion du marché chinois des actions pourrait également affecter la performance des actions déjà cotées.
Réformes du marché chinois
Avant d’examiner ces conséquences potentielles, il est utile d’explorer les réflexions qui sous-tendent le projet pilote de CSRC, qui devraient être considérées dans le contexte des efforts plus larges de réforme du marché chinois. En l'absence de marchés obligataires et boursiers parvenus à maturité, les entreprises chinoises dépendent fortement des prêts bancaires et les autorités chinoises sont désireuses de trouver d’autres sources de financement.
C'est ce qui a motivé les tentatives du gouvernement d'étendre et de libéraliser le marché des actions du pays en 2015, même s'il espère une meilleure issue cette fois-ci. Le processus de 2015 a été mal géré, provoquant des ventes massives et entrainant des bouleversements sur les marchés mondiaux.
Le projet pilote du CSRC est une initiative plus modeste, mais l’objectif est le même qu’il y a trois ans : donner aux entreprises chinoises une plus grande liberté d'accès aux marchés des actions et des obligations pour obtenir un financement à plus long terme et plus durable.
Comme l'a indiqué le président Xi Jinping lors de la 19e session plénière du parti en octobre 2017, le gouvernement est également désireux de réformer les entreprises d'État chinoises. L’administration de Xi reconnaît que la prépondérance des entreprises d’État complexes et non compétitives entrave le transfert de capitaux et de ressources vers des secteurs plus productifs et, en fin de compte, compromet la stabilité économique. Permettre aux entreprises d'État d'émettre davantage d'actions ‘‘H’’ pourrait les aider à ouvrir leur capital à encourager une plus grande culture du rendement et de l’efficacité.
Développer le marché
Pourtant, si le projet pilote de CSRC pourrait apporter certains avantages aux investisseurs et aux décideurs politiques, il pourrait également avoir un impact sur les performances. Afin de comprendre pourquoi, il faut examiner la dynamique de l'expansion du marché.
Les marchés boursiers peuvent croître, notamment de deux façons. Tout d’abord, les valorisations des sociétés qui les composent peuvent augmenter et faire monter l’ensemble de l'indice. C'est ce qui s'est produit dans la phase de marché haussier des actions américaines au cours des dernières années. La « destruction d’actions cotées » a aussi joué un rôle ; en raison de la pratique généralisée des rachats de leurs propres actions par les compagnies, de sortie de cotations et d’OPA. De ce fait, le nombre d’actions cotées a diminué et le prix de celles qui restaient listées a eu tendance à monter.
L’autre moyen pour un marché de croître est, notamment l’émission d’actions nouvelles. Cela est plus fréquent dans les économies émergentes à croissance rapide. Prenons l'exemple de la Turquie. Le marché turc devrait connaître cette année une émission d’environ 4 à 4,5 milliards de dollars d’actions, comprenant à la fois des introductions en bourse et de nouvelles émissions de sociétés déjà cotées, dont beaucoup cherchent à convertir en actions des titres de créance libellés en euros afin de les refinancer.
Le problème, c'est que seulement 3 à 3,5 milliards de dollars de nouveaux capitaux d'investissement sont entrés sur le marché turc des actions l'an dernier. Si ce chiffre n’augmente pas fortement en 2018, les investisseurs devront probablement vendre des actions qu'ils détiennent déjà pour acheter les nouvelles émissions, ce qui pourrait avoir un impact sur le cours des actions et entraîner une performance relative faible sur l'ensemble du marché.
Des vents contraires à la performance
C'est le risque que les investisseurs sur le marché chinois devraient prendre en compte au fur et à mesure que le projet pilote de CSRC progressera. Le nombre d'actions du marché chinois augmente déjà à un rythme fulgurant (voir figure 1), alimentant une demande constante de liquidité pour soutenir simplement le niveau global de l'indice.
Figure 1. Part des actions dans MSCI Amérique du Nord vs MSCI Chine
La figure 2 montre comment le nombre d'actions de l'indice ‘‘Hang Seng China Enterprises Index’’ (HSEI), qui suit les sociétés continentales cotées à Hong Kong, a augmenté au cours de la dernière décennie. La ligne pointillée indique la mesure dans laquelle le nombre d'actions pourrait augmenter encore, si le montant total des actions ‘‘H’’ devait être débloqué.
Figure 2. Nombre d'actions HSCEI et performance de l'indice
En période d'appréciation rapide du marché, une augmentation de 10 à 15 % du nombre total d'actions en circulation n'aurait probablement pas d'effet radical sur l'appréciation globale des prix du marché, et une vente massive semble peu probable. Toutefois, si l'année 2018 s'avérait plus faible que l'année 2017 pour le marché boursier chinois, ce type d'offre additionnelle pourrait être un coup de vent supplémentaire sur la performance.
Ainsi, selon nous, les investisseurs désireux d’investir dans davantage d'actions ‘‘H’’ devraient se méfier de la manière dont leur portefeuille existant pourrait être affecté en fonction des événements qui se produiront à Hong Kong.
NOTE
- ‘CSRC gives nod to pilot programme for full H-share convertibility’, GlobalCapitalAsia, Janvier 2018