Désendettement impératif

Le dicton populaire l’assure : “qui paie ses dettes s’enrichit”. Si c’est vrai, alors la plupart des pays européens vont s’appauvrir.

Le dicton populaire l’assure : “qui paie ses dettes s’enrichit”. Si c’est vrai, alors la plupart des pays européens vont s’appauvrir. Les multiples plans de relance annoncés par les gouvernements vont creuser le déficit public. Les grands pays européen ont promis de mobiliser plusieurs dizaines milliards d’euros (26 milliards en France, 28 milliards au Royaume-Uni, 80 milliards en Allemagne par exemple). Conséquence : le déficit public devrait représenter 4% du Produit intérieur brut (PIB) dans l’Union européenne en 2009, 4,4% en 2010. Il état de 1,7% en 2008. Selon les calculs des économistes de Natixis, “de 2007 à 2009, le déficit public est accru de 7 points de PIB en Espagne, 3 points de PIB en Allemagne, 2 points de PIB en Italie et en France, 4 points de PIB au Royaume-Uni”.

A l’exception des pays émergents comme la Chine ou la Russie, qui ont constitué des montagnes de réserves de change grâce aux exportations de produits manufacturés pour la première et de matières premières pour la seconde, les grandes économies sont confrontés à un dérapage des déficits du fait de moindres rentrées fiscales dues à la crise et de plans de relance nécessitant des sommes considérables.

Le cas de la France est particulièrement éclairant : les prévisions de déficit budgétaire (qui constitue la majeure partie du déficit public) pour 2009 étaient initialement de 52 milliards d’euros après 56,2 milliards pour 2008. En quelques semaines, le gouvernement a revu sa copie à plusieurs reprises et table désormais sur un déficit de 85 milliards. En ajoutant les dépenses sociales, on parviendra à un déficit public représentant 4,4% du PIB alors que l’objectif était d’atteindre 2%. Il est fort probable que le déficit public approchera et dépassera les 5% du PIB en France car la prévision du gouvernement pour la croissance économique (+0,2% à +0,5%) se révélera probablement optimiste, la Commission européenne tablant sur une contraction du PIB de 1,8%. Rappelons que le Traité de Maastricht, qui impose les disciplines financières nécessaires à la monnaie unique dans la zone euro, fixe pour limite un déficit public de 3% maximum et que les différents textes ratifiés par les gouvernements européens affirment la nécessité de viser l’équilibre.

Les déficits publics alimentent la dette des pays. Selon les données de l’Insee, la dette publique française totalisait 1.284,8 milliards d'euros fin 2008. Elle représentait ainsi 66,1% du PIB, un taux qui devrait atteindre 70% en 2009 alors que le Traité de Maastricht impose un maximum de 60%. La dette publique était de 1.100 milliards en 2005. Notons que, comme le rappelle le rapport de Michel Pébereau publié en 2006, ce montant ne tient pas compte de divers éléments, comme les engagements de l’Etat pour les pensions de retraite des fonctionnaires, qui se chiffrent en centaines de milliards d’euros.

Ce qui est le plus inquiétant, c’est l’évolution. La dette publique française a été multipliée par cinq à euros constants entre 1980 et 2005, soit une augmentation annuelle de 6%, à rapprocher d’un taux de croissance du PIB de 2%. Face à la crise et en dépit de ses marges de manoeuvre inexistantes, la France n’a pas pu faire autrement que de présenter un plan de relance de 26 milliards d’euros, ce qui augmentera automatiquement le déficit et, partant, la dette. Personne ne sait si ce plan suffira à faire repartir la machine alors que les interrogations sur les bilans des banques et par conséquent sur la solidité du système financier demeurent. Les réponses à ces questions conditionnent le calendrier de la reprise économique : soit la croissance rebondit à la fin 2009 soit il faut attendre 18 mois ou deux ans de plus.

Quelle que soit la durée de la crise, la France doit s’attaquer sérieusement à la réduction de la dette publique. C’est une tâche de longue haleine. Les moyens d’y parvenir ne sont pas nombreux : la cession d’actifs publics et la réduction du budget de l’Etat.

L’Etat est encore présent dans le capital de nombreuses entreprises (EDF, France Télécom, GDF-Suez, Air France, Renault, la SNCF, La Poste, etc.). Il y a là un gisement de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Le problème politique peut être résolu par une politique de régulation plus stricte afin de garantir le service public, selon des experts. Mais il ne peut être question de vendre ces actifs à n’importe qui. La France pourrait profiter de l’occasion pour développer l’épargne longue en actions. La retraite par capitalisation, qui vient en complément de la retraite par capitalisation, ne repose pour le moment que sur l’assurance-vie. Cet instrument n’est pas suffisant pour orienter l’épargne vers l’économie productive. Des fonds de pension pourraient remplir ce rôle mais ils doivent être fortement encadrés tant la méfiance des Français est grande vis-à-vis de ce type de placement.

A-delà, la France doit faire des économies. A tous les niveaux. Un Etat doit investir massivement dans la santé et l’éducation pour le bien-être et l’avenir de sa population. Les autres dépenses peuvent être rationalisées afin de gagner en efficacité et en coût. Cela nécessite une mise à plat. C’est un processus qui doit impliquer tous les partis politiques représentés au Parlement et toutes les composantes de la société. Sans un accord général de l’ensemble des parties prenantes, il sera difficile de régler la question de la dette. Il est donc plus que temps de mobiliser tout le monde.