Avec un euro en baisse face au dollar, un prix du pétrole plus bas et des taux d’intérêt réels très faibles, les conditions en Europe sont favorables à la consommation, composante essentielle de l’activité. Mais l’investissement peine à démarrer. Aux Etats-Unis, après sept ans d’expansion, le ralentissement menace. Ce qui signifie qu’il faut compter plus que jamais sur les pays émergents pour tirer l’activité.
La consommation représente 50% à 70% du PIB dans les pays développés. Mais, comme le souligne Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis AM, « depuis les années 1980, les ménages ont dû s’endetter davantage pour accroître puis maintenir leur niveau de consommation. »
Il y a par conséquent peu de marge de progression d’autant que le vieillissement de la population se traduit par des besoins différents, avec un poids prépondérant des dépenses de santé de soins et de services à la personne. Et comme les pays développés ne semblent pas prêts à accueillir davantage d’immigration ni à investir massivement dans la robotisation, il sera extrêmement difficile d’enrayer la baisse de la productivité et donc à redonner du pouvoir d’achat à la population active.
De passage à Paris récemment, Mark Mobius, président exécutif de Templeton Emerging Markets Group, a présenté quelques éléments qui ne laissent aucun doute sur le basculement en cours : l’âge médian est de 20 ans en Afrique, de 29 ans pour l’ensemble de la planète et de 40 ans pour les pays développés. L’Allemagne et le Japon approchent les 45 ans tandis que les Etats-Unis se situent juste au-dessus de 35 ans.
Tout ceci se traduit dans la consommation : sur une population de 7 milliards de personnes, plus de trois milliards utilisent Internet. Et 70% des smartphones sont vendus dans les pays émergents où les habitants n’ont pas besoin d’ordinateur pour accéder au Web. Le taux de pénétration du mobile était de 30% en Chine et de 10% en Inde en 2005. Il est aujourd’hui de plus de 90% en Chine et de 70% en Inde.
Mark Mobius ne méconnait pas les difficultés. Ainsi, il explique la forte hausse du marché boursier chinois depuis le début de l’année (+50% pour le Shanghai Composite Index) par le fait que face aux enquêtes sur des affaires de corruption, des Chinois investissent en bourse comme ils le feraient dans des casinos de Macau.
Mais il souligne les atouts de la Chine. Quand certains se lamentent sur le « ralentissement » de la croissance dans ce pays, il rappelle qu’en 2010 quand le PIB était en hausse de 10%, environ 844 milliards de dollars étaient ajoutés à l’économie chinoise. En 2013, avec un taux de 7,7%, on en était à 986 milliards.
Il juge que la Russie est un pays « pas cher » promis à un « fort redressement » si les sanctions occidentales sont levées et voit de « grandes opportunités » au Brésil malgré les risques politiques et les multiples enquêtes sur la corruption.
En arrière plan de ces changements, il y a l’émergence d’une classe moyenne dans les pays émergents avec un pouvoir d’achat élevé qui va prendre le relais de la croissance.
Françoise Lafitte, gérante du fonds AAA (Actions Agro-Alimentaire) chez Natixis AM, souligne que cette classe moyenne est « avide de consommer ».
Elle note qu’en moyenne 37% des ventes des grandes entreprises du secteur des biens de consommation et de l’agro-alimentaire sont réalisées dans les pays émergents.
On avait tendance à dire jusqu’ici que la dynamique mondiale dépendait du consommateur américain. On peut sans trop se tromper assurer que c’est le consommateur des pays émergents qui donnera le tempo demain.