L’euro a besoin d’une gouvernance économique

L’Union européenne vient de plonger dans un débat aussi houleux qu’inutile.

L’Union européenne vient de plonger dans un débat aussi houleux qu’inutile. Faut-il un Fonds monétaire européen (FME), bâti sur le modèle du Fonds monétaire international (FMI) et pouvant aider les pays traversant des difficultés financières ? Certains dirigeants politiques jugent que c’est inutile parce que cela déresponsabiliserait certains Etats dépensiers. D’autres, dont le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, ont peur de perdre une partie de leur pouvoir au profit d’une institution dont les contours demeurent flous.

Ce débat sur un FME est né suite à la crise financière grecque. Plusieurs responsables européens ont poussé des hauts cris quand le FMI a proposé son aide à la Grèce. Cela serait, paraît-il, une humiliation car le FMI vole généralement au secours des pays du tiers monde, en apportant de l’argent et en imposant des réformes structurelles particulièrement douloureuses.

Le problème est que la zone euro ne dispose pas de mécanisme pour aider un pays à régler des difficultés financières. Le Traité de Maastricht de 1992 impose des critères de convergence, comme des limites en matière de déficits publics et de dette, et le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) adopté par les Etats membres renforce en principe les dispositifs pour les faire respecter. 

Toutefois, on a observé ces dernières années que nombre de pays membres, dont l’Allemagne et la France, ne respectaient plus ces critères. Les mesures prévues par le PSC, en particulier la procédure pour déficits excessifs, n’a pas été déclenchée. Cela se comprend : quelles sanctions prendre ? Doit-on expulser de la zone euro un pays ne respectant plus les critères ?

Les dirigeants politiques européens comprennent aujourd’hui seulement qu’ils ont mis la charrue avant les boeufs en quelque sorte : à quoi bon avoir une monnaie unique s’il n’y a pas un gouvernement économique ? On a transféré la souveraineté monétaire à une institution technocratique (la BCE) sans mettre en place un cadre permettant une harmonisation économique.

Face à la tragédie grecque, on est confondu par les atermoiements. Quand les banques ont failli disparaître, les Etats ont immédiatement réagi en apportant des centaines de milliards d’euros de garanties. Quand un Etat membre de la zone euro est sur le point de faire faillite, personne ne réagit. Pis, l’idée est que la Grèce doit être punie car elle a pêché doublement en laissant déraper ses finances publiques et en mentant. C’est notamment la vision de l’Allemagne.

Les Etats membres de la zone euto se rendent compte enfin que s’ils laissent tomber la Grèce, la spéculation les visera ensuite à tour de rôle en fonction de leur vulnérabilité, certains investisseurs ayant parié massivement sur la chute de l’euro. D’où, l’idée du FME – avancée par le ministre allemand des Finances – mais un organisme ne pourrait pas intervenir dans la crise grecque.

A plus long terme, l’idée paraît séduisante mais il faut régler deux questions principales : quels seront les moyens du FME et quelle sera sa mission exacte ? Sur les moyens, le plus simple serait de fixer une taxe payable par les Etats membres de la zone euro ne respectant pas les critères du Pacte de stabilité. Cela responsabiliserait des gouvernements qui estiment qu’ils n’ont pas à se soucier du lendemain. Que pourrait faire le FME ? Il pourrait apporter son aide technique et financière aux pays qui auraient des difficultés tout en exerçant en permanence une surveillance des pratiques des uns et des autres.

Prenons le cas de la Grèce : il prêterait l’argent nécessaire et imposerait un plan d’économies dont il s’assurerait de l’exécution. Le FME cumulerait ainsi les rôles de banquier, d’agence de notation et de gendarme. Son conseil d’administration pourrait coordonner les politiques économiques et disposeraient de moyens pour imposer des mesures de redressement. Ce faisant, le FME dépouillerait la Commission européenne et la BCE d’une partie de leurs missions. D’où des crispations politiques prévisibles. On en revient donc au sujet de fond : le FME n’est qu’un outil. Et il ne pourra être utile que les Européens se dotent enfin d’une vraie politique économique, c’est-à-dire qu’ils acceptent de discuter de la finalité de la zone euro.