par Laetitia Baldeschi, Responsable des études et de la stratégie chez CPR AM
Forte de la dynamique américaine soutenue par une politique fiscale pro-cyclique, la croissance mondiale en 2018 s’est maintenue alors même que l’heure était au ralentissement tant en zone euro mais aussi, et plus nettement qu’anticipé, au Japon, en Chine, et dans la plupart des pays émergents. L’année 2019 sera plus compliquée, mais dans notre scénario central, probabilisé à 55%, une stabilisation de la croissance mondiale autour de 3,5% devrait être observée. Certes, nous anticipons un affaiblissement de la croissance aux Etats-Unis, alors que les effets de la réforme fiscale s’estompent, que l’immobilier montre de vrais signes de ralentissement, traduisant les effets de la normalisation monétaire.
En zone euro, la croissance s’est sensiblement essoufflée depuis le début de l’année 2018, dans un premier temps par simple correction d’un rythme exceptionnel sur l’année 2017, puis par une accumulation de facteurs temporaires spécifiques affectant tour à tour les grandes économies de la zone, dans un contexte de tensions commerciales exacerbées. L’année 2019 devrait rester sur une tendance de croissance un peu plus modeste, restant toutefois largement supérieure au potentiel. Le Japon, affecté à plusieurs reprises par des catastrophes naturelles, a également ralenti, mais après, là aussi, une année 2017 hors norme. L’année 2019 sera marquée par le relèvement de la TVA prévu pour octobre qui pourrait se traduire, malgré les mesures d’accompagnement, par un profil de croissance très heurté, mais au total encore supérieur à la croissance potentielle. Reste la Chine. L’accumulation d’annonces des autorités politiques souligne la réalité du ralentissement à l’œuvre dans l’économie, conséquence d’une politique de désendettement mise en place depuis plusieurs trimestres.
L’année 2019 devrait poursuivre cette tendance, avec tout de même un arrêt de la dégradation ; la croissance chinoise resterait alors comprise entre 6% et 6,5%. Cette stabilisation devrait être bénéfique aux pays émergents dans leur globalité, même si des situations spécifiques devront être surveillées.
Que feront les grandes banques centrales dans cet environnement de stabilisation de la croissance mondiale ?
La Réserve fédérale est attendue encore pour une hausse de 25 pbs du taux des Fed funds en décembre 2018. Ce rythme de resserrement monétaire, à savoir 25 pbs par trimestre pourrait ralentir, voir s’interrompre courant 2019 ; c’est en tous cas la vision des marchés, et la lecture que nous faisons des dernières communications de la Fed, dans un environnement d’inflation plutôt contenue, en partie grâce au recul du pétrole, mais surtout en raison de tensions salariales encore modérées.
La Réserve fédérale aura effectivement à cœur de ne pas trop peser sur l’activité. La Banque centrale européenne n’est pas dans la même position. Elle devrait commencer à relever son taux directeur dans le courant du 2ème semestre, même si l’inflation n’atteint pas l’objectif. La BCE aura également pour tâche d’accompagner la fin prochaine des TLTRO, et de limiter ses impacts négatifs sur les ratios prudentiels des banques, en proposant très vraisemblablement des mesures alternatives de refinancement. L’année 2019 sera aussi celle du renouvellement de la moitié du directoire de la BCE, ce qui se traduira très vraisemblablement par un changement de ton de cette dernière à partir de novembre 2019. Quant à la Banque du Japon, il nous semble que son discours mettant en avant la patience plaide pour le maintien d’une politique accommodante sur l’ensemble de l’année 2019, afin de mesurer les effets de la hausse de la TVA sur la conjoncture. La Banque centrale chinoise devrait elle aussi maintenir une politique monétaire plutôt accommodante, avec des mesures attendues en matière d’abaissement des taux d’intérêt.
Les sujets de préoccupation de l’année 2018 vont-ils perdurer en 2019 ?
Selon toute vraisemblance, les questions politiques en Europe et commerciales sur le plan international vont continuer de peser sur les économies et les marchés en 2019. En effet, même si l’Italie a tout récemment adopté un ton plus conciliant, elle devrait conserver une politique budgétaire non conforme aux engagements européens, et les dernières statistiques publiées renforcent les inquiétudes quant à la capacité du gouvernement à respecter ses propres objectifs très ambitieux. Le financement de l’Etat italien pourrait être délicat dans un environnement de fin des achats de titres de la BCE, avec une situation difficile du secteur bancaire italien. Mais l’Europe devra également gérer le Brexit, avec ou sans accord, ce qui aura nécessairement un impact sur l’économie britannique mais aussi à moyen terme sur l’Europe continentale. La situation est d’autant plus complexe que 2019 est une année électorale, et donc de changement à la tête de la plupart des institutions européennes.
Pour finir, et sans qu’il soit encore possible d’en évaluer les conséquences macroéconomiques, la poursuite des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, que nous anticipons comme durables compte tenu de l’enjeu d’hégémonie dans les domaines clés, agitera à n’en pas douter les marchés dans les prochaines semaines. La question de la taxation des importations d’automobiles n’est d’ailleurs toujours pas réglée et pourrait avoir de lourdes conséquences pour l’Europe, et en particulier pour l’Allemagne, mais aussi pour le Japon. Un dernier risque doit être évoqué ici. On a longuement disserté sur les effets bénéfiques de la réforme fiscale sur l’économie américaine, mais celle-ci a un coût ! Il faut en effet compter sur un accroissement conséquent du besoin de financement de l’Etat américain, alors même que les dépenses sociales ne vont faire qu’augmenter compte tenu du vieillissement de la population.
Cette problématique sera d’autant plus prégnante que la Réserve fédérale est de moins en moins présente sur le marché obligataire. Il ne faut donc pas exclure un scénario dans lequel une forte tension sur les taux d’intérêt se matérialiserait courant 2019. On le voit : les sujets de préoccupation ne manqueront malheureusement pas, mais nous maintenons une probabilité supérieure à 50% que la croissance mondiale résiste sur l’année 2019.