par Charlie Thomas, Gérant, Jon Wallace, Analyste sur l’investissement environnemental chez Jupiter Asset Management, et Ulrika Hasselgren, Directrice Générale et Responsable de l’Investissement Durable & Responsable chez ISS-Ethix
Les derniers évènements qui secouent le secteur automobile nous rappellent que les normes réglementaires concernant les émissions de CO2 des véhicules est un enjeu plus difficile à relever que la gestion des émissions directes dues à la construction des véhicules en question.
Cependant les méthodologies de mesure des empreintes carbone et les produits d’investissement estampillés «faible carbone» se concentrent aujourd’hui presque exclusivement sur les émissions directes déclarées dans le « champ d’application 1 » et le « champ d’application 2 », alors que les émissions indirectes du « champ d’application 3 » (phase d’utilisation du produit ou du service incluse) sont souvent prises en compte quand les risques liés à l’environnement sont les plus manifestes.
Se concentrer sur les impacts carbone directs montre bien le manque de profondeur et la faible qualité des données généralement déclarées par les entreprises. Une récente étude de Corporate Knights, intitulée Measuring Sustainability Disclosure – Ranking the World’s Stock Exchanges 2015, montre que seulement 37% des plus grandes entreprises cotées, soit 1847 sur 4969, fournissent des données sur leurs émissions de CO2, et que le taux de progression baisse dramatiquement. Les investisseurs peuvent jouer un rôle central pour améliorer la transparence, aussi bien individuellement que collectivement. La règlementation à venir qui obligent les investisseurs institutionnels à un reporting sur l’empreinte carbone de leurs investissements, comme la Loi sur la Transition Energétique française, est selon nous une excellente opportunité pour la communauté des investisseurs de s’intéresser aux objectifs des mesures de l’empreinte carbone, et aux données et obligations d’information qui peuvent rendre cet objectif réalisable.
En attendant, nous pensons qu’un engagement actif auprès des entreprises reste le moyen le plus simple et le plus efficace d’appréhender les impacts générés tout au long du cycle de vie du produit. Cela ne devrait pas être vu comme un fardeau ou uniquement comme un exercice de gestion des risques. En fin de compte ce sont bien les technologies à faible intensité carbonique qui offrent la meilleure réponse aux enjeux du changement climatique et donc qui peuvent représenter aussi la plus belle opportunité en termes d’investissement.
Les ruptures technologiques s’enchaînent de plus en plus rapidement et seule une véritable compréhension des impacts du cycle de vie pourra permettre aux investisseurs d’identifier les technologies ayant véritablement de faibles émissions de CO2. Par exemple, les reporting qui correspondent aux champs d’application 1 et 2 du protocole des GES ne comprennent tout simplement pas l’importance des énergies renouvelables et des technologies à haute efficacité énergétique alors que ce sont pourtant elles les premières bénéficiaires de règlementations telles que le « Clean Power Plan » américain. On peut dire la même chose à propos des entreprises qui produisent les composants éco-énergétiques pour les constructeurs automobiles : paradoxalement leurs impacts carbone directs sont plus élevés que ceux des constructeurs et elles sont donc sous pondérées par les méthodologies low carbon passives au profit d’entreprises présentant un risque carbone bien plus élevé dans « la vraie vie ». Au final, l’évaluation du cycle de vie et l’engagement permettent de mettre en évidence ces entreprises, facilement identifiables dans le secteur de l’électricité par exemple, qui sont en train de réaliser des transitions rapides entre des activités à impact élevé vers des solutions à faible intensité carbonique.