De « transitory » à « fragmentation »

par Ibrahima Kobar, CFA, Directeur des gestions chez Ostrum Asset Management

Plus vite, plus haut, plus fort. L’activité frénétique des Banques centrales a déplacé les courbes et les attentes de marché à un rythme effréné. Au début de l’année, les marchés attendaient trois hausses de taux de la Fed en 2022 : ils sont maintenant à quatorze ! Pour la BCE, on est passé d’une hausse de taux à sept. La SNB, la RBA, la BoE, parmi beaucoup d’autres, ont suivi.

Pour l’instant, les Banques centrales sont monomaniaques : elles ne se préoccupent que de l’inflation et ont mis de côté les problèmes de croissance – ou même de stabilité financière. À court terme, donc, le chemin semble tout tracé avec des taux qui ne peuvent que monter.

En termes économiques, il nous semble évident qu’un ralentissement devient inévitable. C’est le but des Banques centrales qui doivent réduire la demande pour que l’inflation baisse. Elles sont aidées en cela par les actifs risqués qui, ayant perdu le support des politiques monétaires laxistes, voient leurs primes de risque rebondir. Il s’agit donc d’un resserrement général des conditions monétaires et le marché, avec son ajustement là aussi très rapide, fait en quelque sorte le travail des Banques centrales.

Jusqu’où aller trop loin ? Si le court terme, disons jusqu’à la fin de cet été, semble balisé, l’atterrissage de fin d’année est beaucoup plus délicat à appréhender. Nous faisons deux hypothèses pour la fin de l’année, qui conditionnent notre scénario à moyen terme.

Première hypothèse : l’économie devrait souffrir avant la fin de l’année. Une récession, à la fois aux États-Unis et en zone euro, nous semble maintenant très probable, tant il nous semble difficile pour les économies d’absorber autant de chocs négatifs simultanés. Un accident de marché nous semble également une éventualité que l’on ne peut pas écarter.

Seconde hypothèse : dans ce cas, les Banques centrales abandonneront leur attitude « monomaniaque » et prendront en compte la croissance dans leur décision. Dans ce scénario, le rythme de resserrement devrait s’estomper et les attentes de marché sont probablement trop élevées. Cela conduirait alors à une détente sur les taux en fin d’année.