par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Les dernières données économiques en provenance des Etats-Unis ne font que confirmer la gravité de la situation. Les ventes au détail se sont contractées de 2,8% m/m en octobre (en termes nominaux), quatrième baisse consécutive et surtout plus fort recul depuis que la série est publiée sous sa forme actuelle en 1992. La production industrielle a certes rebondi en octobre, avec une progression de 1,3% m/m, mais la tendance de fond reste négative avec un recul de plus de 12% en données annualisées pour les trois derniers mois.
Les indicateurs avancés ne plaident pas pour une amélioration de la situation à court terme. Ainsi, en octobre, l’indice PMI synthétique pour le secteur manufacturier a atteint son plus bas niveau depuis la récession de 1982. En outre, les enquêtes régionales des Feds de New-York et de Philadelphie, premières informations portant sur novembre, suggèrent la poursuite de la détérioration de l’activité manufacturière. Enfin, les premières inscriptions au chômage (données hebdomadaires) ont atteint leur plus haut niveau depuis 1992, à plus de 540 000 au cours de la semaine du 15 novembre, signe supplémentaire après le rapport emploi d’octobre, de la rapidité de la détérioration à l’œuvre sur le marché du travail.
Dans la zone euro, la situation économique continue également de se détériorer rapidement. Ainsi, selon les estimations flash des enquêtes PMI pour novembre, l’activité s’est littéralement effondrée dans le secteur manufacturier, l’indice global abandonnant 5 points par rapport au mois précédent, et elle a continué de se contracter dans les services.
L’indice composite d’activité est tombé à son plus bas niveau historique, à 39,7, ce qui annonce une contraction du PIB d’environ 0,5% t/t au T4. En outre, ce recul de l’activité est appelé à se poursuivre dans les prochains trimestres, si l’on se fonde sur la composante relative aux nouvelles commandes, tombée, elle aussi, à un plus bas historique.
Le PIB devrait progresser de seulement 1% pour l’ensemble de l’année 2008, soit une nette décélération après une croissance de 2,6% en 2007, et pourrait se contracter d’un peu plus de 1% l’année prochaine.
Le ralentissement de l’activité et le recul de l’inflation ont relancé le thème de la déflation, alors que celui d’une envolée durable de l’inflation vient tout juste de disparaître. En effet, aux Etats-Unis, l’inflation totale s’est repliée à 3,9% en octobre, contre 4,9% le mois précédent et un pic de 5,4% en août. La baisse mensuelle a atteint 1%, soit un record depuis 1947.
Si la chute de la composante énergie (-8,6% m/m) est la cause essentielle de ce résultat, il convient de ne pas négliger l’effet de la hausse du dollar, d’une part, et de la détérioration marquée de l’activité, d’autre part. Ainsi, l’inflation sous-jacente a reculé de 2,5% en septembre à 2,2% en octobre, l’indice hors énergie et alimentation diminuant pour la première fois depuis 1982, certes de manière très modeste (-0,1% m/m).
L’ensemble de ces facteurs vont demeurer à l’œuvre au cours des prochains mois et trimestres et, par conséquent, l’inflation totale pourrait revenir vers 1% dès le mois de novembre, puis s’inscrire nettement en zone négative durant l’été (compte tenu de la comparaison avec l’été 2008 lorsque les prix du pétrole avaient atteint leur pic), avant de rebondir en fin d’année. Au total, après 3,9% cette année, l’inflation devrait être nulle en moyenne l’année prochaine.
Dans la zone euro également l’inflation devrait nettement reculer au cours des prochains mois, quoique dans une moindre mesure qu’aux Etats-Unis, compte tenu du poids des prix administrés et d’une moindre flexibilité des salaires. Néanmoins, elle pourrait s’approcher de zéro à la mi-2009, avant de rebondir, comme aux Etats-Unis, en fin d’année.
Compte tenu de l’importance des effets de base liés aux prix de l’énergie dans ce fort recul de l’inflation aux Etats-Unis, comme dans la zone euro, il parait dès lors inapproprié de parler de déflation. Celle-ci désigne en effet une période longue de recul du niveau général des prix. Or, en 2009, de nombreuses composantes des indices de prix continueront de progresser et ceux-ci ne baisseront que durant quelques mois.
Néanmoins, les Banques centrales vont être attentives à éviter un effondrement des anticipations de prix, comme elles se sont attachées il y a quelques mois à maîtriser leur hausse. Les taux directeurs vont donc de nouveau être abaissés en décembre, l’objectif des Fed funds à 0,50% étant ramené et le refi à 2,50% . Celui-ci pourrait même passer sous 1,5% avant la mi-2009. De son côté, la Fed pourrait recourir encore davantage aux mesures quantitatives d’assouplissement monétaire.