par Denis Girault, Responsable Dette émergente à l’Union Bancaire Privée (UBP)
Alors que la Fed s’apprête à baisser ses taux, les économies émergentes, qui ont relevé la tête après des années difficiles, présentent à nouveau un profil relativement attractif. Les investisseurs européens pourront se concentrer en particulier sur la dette d’entreprise («corporate») émergente notée «investment-grade», ainsi que sur les obligations à duration courte.
Le nouveau contexte monétaire crée des opportunités pour les investisseurs positionnés sur la dette des marchés émergents. Cette classe d’actifs avait souffert du mouvement de hausse des taux engagé par la Réserve fédérale américaine (Fed) à partir de la fin 2015, provoquant notamment des déplacements de flux de capitaux et une appréciation du dollar largement préjudiciable pour les pays émergents endettés en dollars. L’environnement a toutefois changé. Même si la Fed et son président, Jerome Powell, sont indépendants, ils sont désormais soumis à la pression conjuguée des marchés et de l’administration Trump pour réduire les taux. La première baisse devrait intervenir le 31 juillet, avec -25 points de base (pb) attendus pour 75% des opérateurs, et -50 pb pour 25% d’entre eux. Pourtant, il est peu probable qu’une baisse limitée à 25 pb produise un quelconque effet macroéconomique. Mais ce mouvement est déjà largement anticipé par les marchés et un statu quo constituerait une déception pour les investisseurs.
Au niveau macroéconomique, cette décision intervient dans un contexte de ralentissement mondial, en partie lié à la baisse des échanges commerciaux. La croissance prévisible du PIB des marchés développés a été révisée à 1,8% pour cette année, alors que le consensus attendait encore +2,0% en décembre 2018. Certes, cet essoufflement touche aussi les pays émergents, avec une croissance de 4,4% prévue cette année (+4,5% en 2018), mais ceux-ci présentent une plus grande stabilité conjoncturelle. Ainsi, le différentiel de croissance redevient favorable aux pays émergents (2,6% en 2019, contre 2,3% en 2018).
Ces pays peuvent compter sur une conjoncture plus solide qu’en 2014/2015, avec les prix soutenus des matières premières, et vu notamment les balances commerciales assainies pour ces économies. La Russie et le Brésil, en particulier, se sont relevés des sanctions financières pour l’une et d’un scandale de corruption majeur pour l’autre, qui les avaient largement déstabilisés. Hormis les difficultés spécifiques rencontrées par la Turquie et l’Argentine, les grandes économies émergentes connaissent ainsi une évolution relativement favorable dans un environnement global incertain.
Dette émergente libellée en dollar : un coût de la couverture en baisse
Le contexte apparaît propice à la stabilité des devises émergentes. Avec l’abaissement des taux de la Fed, le dollar devrait éviter de s’apprécier fortement, ce qui constitue assurément une bonne nouvelle pour les économies émergentes. Cet environnement monétaire est favorable aux pays émergents, qui disposeront à leur tour de marges de manœuvre appréciables pour réduire leurs taux, le cas échéant, et stimuler leurs économies respectives. Un dollar baissier permet également de diminuer le coût de refinancement de leur dette publique et privée, souvent libellée en dollars. Les pays émergents devraient par conséquent continuer d’attirer les investisseurs en quête de rendement.
Pour les investisseurs exposés aux marchés obligataires, il paraît aujourd’hui, en effet, indispensable de se diriger vers des marchés présentant des rendements supérieurs à ceux distribués en Europe, tout en limitant leur prise de risque. D’autant que pour les investisseurs européens dotés d’une exposition à la dette émergente libellée en dollar, le coût de la couverture a fortement baissé. Ainsi, ils pourront notamment se positionner sur les obligations «corporate» des marchés émergents («investment-grade» et «high yield») de duration courte. Elles affichent un potentiel de rendement relatif attrayant au regard de l’évolution de la courbe des taux américains pour les investisseurs qui ne sont pas contraints par la notation de l’émetteur. En outre, les obligations «corporate» notées «investment-grade» (EM IG Corporate Bonds) apparaissent comme un investissement de choix. Elles offrent un rendement annuel moyen attractif, avec un couple rendement/risque particulièrement intéressant.