par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé chez Amplegest
A l’heure où beaucoup d’économistes s’interrogent encore sur la possibilité d’une récession mondiale nous constatons que la croissance américaine ne rompt pas et pourrait même repartir à la hausse. La Chine post covid est également en expansion et devrait conserver une tendance favorable malgré ses fragilités. La croissance mondiale des prochains trimestres bénéficiera ainsi de ces deux moteurs alors que l’Europe est actuellement dans une situation moins favorable.
En dépit des hausses de taux massives décidées par la Réserve Fédérale depuis un an, la croissance américaine demeure résiliente et pourrait même retrouver du tonus dans les prochains mois. Le PIB du premier trimestre 2023 a été revu à la hausse à + 1,3%. Il est certes en décélération par rapport aux 2,6% du quatrième trimestre 2022 mais il demeure en territoire positif. Hors effet stocks il s’établit même à + 3,4% ! La politique monétaire restrictive menée par la Banque Centrale américaine n’a pas eu l’effet escompté sur l’économie. La consommation des ménages reste à des hauts niveaux et bénéficie toujours de la réserve d’épargne accumulée pendant la crise sanitaire du covid. La production manufacturière est également solide avec une progression de 1% en avril et des révisions à la hausse pour les mois précédents. L’emploi est toujours aussi vigoureux à la grande surprise de la Réserve Fédérale qui espérait le freiner pour entraîner une modération des salaires. Seul le secteur de la construction est encore à la peine, mais au moins a-t-il cessé de se dégrader
Face à ces nouvelles plus favorables que prévu la Réserve Fédérale hésite. L’inflation, bien que clairement en décélération, n’est pas encore vaincue. Elle demeure nettement supérieure aux objectifs affichés. Faut-il alors profiter de la croissance pour remonter une nouvelle fois les taux alors que le principe d’une pause semblait avoir été entériné ? Ou faut-il attendre désormais que le choc de taux des douze derniers mois produise ses effets ? Les débats promettent d’être soutenus au sein de la Banque Centrale entre les colombes et les faucons, avec en mémoire la récente crise des banques régionales américaines qui a illustré les effets collatéraux possibles d’une politique trop dure.
En Chine la problématique est différente. Loin de vouloir freiner la croissance pour contrôler l’inflation, les autorités monétaires et budgétaires souhaitent au contraire doper davantage l’activité. La Chine post covid connait une reprise économique incontestable, mais elle est très concentrée sur les services, beaucoup moins sur l’industrie qui est pénalisée par une faible demande domestique et étrangère. La Banque Centrale Chinoise pourrait donc baisser à nouveau son taux directeur et le gouvernement procéder à une relance budgétaire. Les autorités chinoises resteront vigilantes pour assurer une croissance solide dans les mois qui viennent.
Face à ces deux moteurs plus puissants que prévu l’Europe semble marquer le pas. L’activité économique est atone et l’Allemagne vient de connaitre deux trimestres consécutifs de croissance négative. L’inflation pèse sur le moral des ménages et des industriels. Toutefois, on constate une décélération sensible de la hausse des prix, en particulier en mai. Cela devrait inciter la Banque Centrale Européenne à stopper son action restrictive, même si une hausse de taux supplémentaire parait très probable. L’Europe devrait éviter une chute brutale d’activité et pourrait repartir progressivement après cette période de stagnation.
Nous restons donc partisans du scénario d’une croissance mondiale résiliente à un niveau modéré et d’une inflation en progressive décélération dans les mois qui viennent, même si l’objectif des 2% nous parait difficile à atteindre.
Ce scénario nous incite à ne pas bouger nos allocations à ce stade. Nous restons légèrement sous pondérés en actions dans nos gestions prudentes et équilibrées et sommes dans une pondération plus neutre dans nos gestions dynamiques.