par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Les craintes sur les dettes souveraines des pays « périphériques » de la zone euro se sont un peu dissipées cette semaine à la faveur de levées de fonds réussies. Après déjà deux succès en juillet, le Trésor espagnol a levé 3 milliards d’euros sur une maturité de 15 ans, jeudi dernier. Si le taux (5,12 %) a été plus élevé qu’en avril lors de la précédente opération de même (4,43%), il n’en était pas moins inférieur de 12 pb au rendement sur le marché secondaire avant l’opération, ce qui a permis une légère détente (10 pb) du rendement de l’emprunt de référence à 10 ans, revenu vers 4,60% en fin de semaine.
En outre, la demande a représenté 2,57 fois l’offre, contre 1,79 fois en avril, et, last but not least, plus de la moitié des achats auraient été le fait d’investisseurs étrangers. L’Espagne était le quatrième pays « périphérique » à se refinancer cette semaine, après la Grèce, le Portugal et l’Italie.
Certes, l’émission réalisée par le Trésor hellénique n’était que d’une maturité de six mois, mais le rendement payé (4,65%) n’a été que très légèrement supérieur à celui d’avril (4,55%) et bien moins élevé qu’attendu. Grâce à une forte demande (4,5 milliards), la Grèce a finalement émis 1,625 milliard, contre un objectif initial de 1,25 milliard. De son côté, le Portugal a pu lever 1,68 milliard à 2 et à 9 ans, alors que la fourchette annoncée avant l’opération était de 1 à 1,5 milliard.
Enfin, l’Italie, toujours cette semaine, a émis 6,75 milliards, là encore saluée par une très forte demande.
Par ailleurs, les officiels européens se sont voulus rassurants quant à la transparence qui prévaudra lors de la publication des stress tests menés au sein de l’Eurosystème, qui se fera sur une base agrégée le 23 juillet et banque par banque dans les quinze jours qui suivront. Les incertitudes demeurent, bien sûr, quant aux montants éventuels de recapitalisation nécessaire. A cet égard, le directeur du Fonds Européen de Stabilisation Financière (FESF, dispositif qui sera opérationnel d’ici la fin du mois d’août) a indiqué que rien ne s’opposait à ce qu’une part des fonds demandés par un pays soient utilisés pour recapitaliser le système bancaire, si nécessaire.
Tout ce qui précède a contribué à rassurer les investisseurs au sujet de l’Europe, amplifiant le mouvement de bascule des doutes vers les Etats-Unis, où l’ampleur et la solidité de la reprise suscitent des interrogations.
Celles-ci n’ont pu qu’être confortées par la teneur des Minutes de la réunion du Comité de Politique monétaire (FOMC) de la Fed des 22 et 23 juin, qui ont confirmé la grande prudence des banquiers centraux américains dans la phase actuelle du cycle. A l’horizon du T4 2010, les prévisions de croissance et d’inflation des membres du FOMC ont été révisées à la baisse par rapport à avril (respectivement de 3,2/3,7% à 3,0/3,5% et de 1,2/1,5% à 1,0/1,1%), tandis que la projection en matière de chômage évoluait dans l’autre sens (marginalement à cet horizon, mais plus nettement à l’horizon du T4 2011 et du T4 2012). Le compte rendu des discussions montre que les risques ne sont plus appréciés de la même façon au sein du FOMC. La diffusion d’indicateurs économiques globalement décevants depuis le 23 juin n’a sans doute fait que renforcer la prudence des membres du FOMC depuis cette réunion (ce que l’audition de Ben Bernanke devant le Congrès devrait prochainement confirmer).
Dans ces conditions, le rebond de l’euro face au dollar s’est poursuivi, la parité EUR/USD repassant même au dessus de 1,30 au cours de la séance de vendredi.
Toutefois, une semaine d’émissions réussies ne saurait signifier que les difficultés rencontrées par certains pays de la zone euro pour se refinancer ont disparu. Par ailleurs, le tassement probable de la reprise aux Etats-Unis ne devrait pas empêcher le PIB américain de progresser de près de 3% tant cette année qu’en 2011, contre une croissance limitée à 1,2% et 0,6%, respectivement, dans la zone euro. Enfin, la remontée de l’euro compromet la matérialisation d’un des seuls effets favorables des problèmes européens : une compétitivité prix plus porteuse pour les exportations de l’UEM. Cela serait pourtant bien nécessaire pour compenser, même très partiellement, l’incidence défavorable sur la demande intérieure du processus de consolidation budgétaire engagé dans la quasi-totalité des pays de la zone euro. Une reprise de la baisse de l’euro reste donc tout à fait envisageable à terme, qui ramènerait la monnaie européenne vers 1,10 dollar d’ici à la fin de l’année.
A moins que l’évolution relative des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique ne change profondément la donne sur le marché des changes (mais pas seulement). En effet, alors que les moyens de normaliser la situation (baisse des réserves des banques) paraissaient précédemment au centre des préoccupations du FOMC, l’idée d’apporter un stimulus supplémentaire en cas de détérioration plus marquée de la conjoncture est désormais discutée. En revanche la BCE pourrait bien n’avoir marqué qu’une pause, début mai, dans sa sortie des politiques non conventionnelles quand il s’est agi de faire face à la crise des dettes souveraines dans la zone euro.
Retrouvez les études économiques de BNP Paribas