par Nick Sheridan, Gérant du fonds Henderson Horizon Euroland
Au cours du mois de février, nous avons assisté à la troisième acquisition la plus importante jamais effectuée par une entreprise. Verizon a annoncé avoir finalisé le rachat à hauteur de 45% de la participation de Vodafone dans Verizon Wireless pour un montant de 130 milliards de dollars. Cette opération, annoncée début septembre 2013, représente une immense aubaine pour les actionnaires. Malgré cet accord historique, de nombreux investisseurs continuent de s’inquiéter de l’absence d’une reprise, largement souhaitée, des dépenses en capital en Europe.
La non reprise des dépenses en capital témoigne de l’incertitude économique
La correction du marché à court-terme survenue au cours du mois de janvier ne fut pas une surprise. Elle ne fit qu’exprimer l’incessante incertitude vis-à-vis de l’économie mondiale et a permis un réajustement des valorisations qui s’étaient légèrement emballées. A l’instar des prévisions plutôt neutres des entreprises, la saison des résultats en Europe reflète une certaine prudence et un manque de visibilité. Il est plus aisé d’atteindre des objectifs moins ambitieux dirons les cyniques, de fait, la situation exprime un certain réalisme des entreprises. En effet, les dirigeants préfèrent attendre que la confiance des consommateurs s’améliore et se transforme en véritable demande domestique.
Le manque d’investissement des entreprises a entravé la reprise de la région. Dans un premier temps, leurs priorités se sont matérialisées par une réduction des coûts ainsi que par la rémunération des investisseurs, soit par le biais de rachats d’actions ou de dividendes élevés. Dans le même temps, la trésorerie et les liquidités des sociétés ont augmenté massivement. Bien que les plus grandes entreprises européennes disposent de capacités financières solides, les inquiétudes liées aux mesures d’austérité, à un taux de chômage élevé et à l’incertitude politique justifient la rétention de liquidités par mesure de précaution.
Les entreprises envisagent enfin d’autres mesures que des suppressions de postes
Les premiers signes de reprise des investissements en Europe sont encourageants mais sont-ils solides et pérennes?
Le véritable retournement dans les prévisions de dépenses en capital concerne la « rationalisation », notamment celles qui visent à réduire les coûts de production globaux. Ceci suggère que la phase du cycle propre à la réduction des coûts touche à sa fin. Les entreprises allouent désormais davantage leurs liquidités au « remplacement » dans le but de dynamiser ou de remplacer le capital social usagé. Il s’agit là d’une évolution logique, étant donné le niveau de sous-investissement enregistré au cours des dernières années, qui témoigne d’un retour de la confiance envers les entreprises européennes.
Les petites entreprises font l’objet d’acquisitions sélectives
Les entreprises se tournent également vers l’expansion. La proportion de dépenses en capital par rapport à l’allocation globale du capital est à son plus haut niveau depuis 2008. Ceci peut en partie s’expliquer par le gel, ces dernières années, des activités de fusion et acquisition. L’intérêt pour ce type d’opération devrait se prolonger grâce aux prévisions de bénéfices en hausse des entreprises en 2014.
A ce jour, les données mettent en exergue la prudence et la sélectivité des équipes dirigeantes face aux activités de fusion-acquisition. Les grandes entreprises favorisent la recherche de proies faciles au détriment de transactions historiques et significatives. En 2013, la majeure partie des transactions concernait des entreprises de petite capitalisation boursière. Seules 7.4% des transactions supérieures à 1 milliard d’Euros ont dépassé les 10 milliards d’Euros en 2013, alors que 86.2% concernaient des petites entreprises avec une capitalisation boursière entre 1 et 5 milliards d’Euros.
En termes de volume, 161 milliards d’euros ont été consacrés à des fusions-acquisitions supérieures à 10 milliards d’Euros contre 202 milliards d’Euros pour des entreprises avec une capitalisation boursière comprise entre 1 et 5 milliards d’Euros, auxquels viennent s’ajouter 236 milliards d’Euros pour les opérations concernant des entreprises avec une capitalisation boursière inférieure au seuil d’1 milliard d’Euros. Les données suggèrent que les entreprises ciblent prioritairement des acquisitions à faible coût susceptibles d’apporter immédiatement de la valeur à leurs opérations existantes plutôt que des opportunités prestigieuses. La frilosité des dirigeants face à des transactions importantes reposent, non pas seulement, sur leur coût mais également sur le risque opérationnel qui y est associé. En effet, ce type de transaction nécessite une analyse coût-bénéfice bien plus exigeante.
Il est également important de préciser qu’une gestion rigoureuse des dépenses est cruciale et nécessaire pour générer un retour sur investissement positif. Certaines entreprises, notamment celles évoluant dans le secteur des ressources de base et du pétrole et du gaz, devraient poursuivre la réduction de leurs coûts de façon prudente. En effet, les grandes entreprises pétrolières ont considérablement investi dans les activités d’exploitation et effectué de véritables efforts de développement. Néanmoins, les autres entreprises européennes disposent de liquidités importantes qu’elles sont prêtes à investir pour se développer.
Les valorisations actuelles des actions européennes ne sont peut-être pas aussi attractives qu’au milieu de l’année 2012 mais elles disposent toujours d’un réel potentiel de croissance. Le retard dans le cycle économique des économies européennes par rapport aux Etats-Unis leur permet d’envisager une progression des bénéfices et des ventes domestiques. De plus, l’absence d’une réelle reprise des activités de fusion-acquisition en Europe laisse penser que les actions n’ont pas encore atteint leur sommet.