par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas
• Dans ses « Perspectives de l’économie mondiale », le FMI a, une nouvelle fois, révisé ses prévisions de croissance à la baisse.
• La détérioration est particulièrement marquée pour les grands pays de la zone euro, pour le Japon, le Brésil et la Russie. Par rapport à nos propres prévisions, le Fonds reste toutefois un peu trop optimiste.
• Le risque de voir la zone euro retomber en récession et/ou en déflation est important.
• Achats de dette souveraine par la BCE et relance par les dépenses d’infrastructures sont au menu des recommandations de politique économique du FMI.
Le Fonds monétaire international (FMI) a révisé à la baisse ses perspectives pour la croissance mondiale. Comparé aux prévisions de juillet, le taux de croissance mondiale estimé pour 2014 (3,3%), ne perd que 0,1 point de pourcentage (pp). L’amélioration des perspectives pour les Etats-Unis (+0,5pp) compense l’abaissement des prévisions dans les plus grands pays de la zone euro (-0,3 pp) et au Japon (-0,7 pp). Du côté des économies émergentes, les perspectives de la Russie et surtout du Brésil ont été nettement révisées à la baisse (-0,5 pp en 2015 pour la première, -1pp en 2014 et -0,6pp en 2015 pour le second). Elles sont en revanche restées quasiment inchangées pour l’Inde et pour la Chine. Par rapport à nos propres prévisions (cf. Eco Perspectives du T4 2014,), les économistes du Fonds peuvent toutefois encore être qualifiés d’optimistes. S’agissant de 2015 surtout, nos attentes sont en effet presque systématiquement un peu plus faibles.
Tout ceci a amené le chef économiste du FMI, Olivier Blanchard, à qualifier la reprise de « faible et inégale », et à insister sur les dynamiques spécifiques à pays. Dans la zone euro en particulier, il a opposé, au centre, l’économie allemande, relativement robuste, et la France où la croissance est très faible, et, à la périphérie, l’Espagne, où la reprise se consolide et un des rares pays pour lequel le Fonds a revu ses prévisions à la hausse, à l’Italie, encore en récession cette année. D’un point de vue agrégé toutefois, l’appréciation de la situation de la zone euro dans son ensemble est de plus en plus médiocre. Outre la révision à la baisse des perspectives de croissance, les économistes du FMI ont développé des indicateurs du risque, pour chaque grande zone économique, de subir une récession ou d’entrer en déflation dans les trimestres à venir. C’est pour la zone euro que ces risques sont les plus élevés (ils atteignent, et même dépassent 30% s’agissant de la probabilité de récession), et qu’ils ont nettement augmenté par rapport aux estimations d’avril 2014.
Dès lors, les recommandations de politique économique que le Fonds adresse à la zone euro sont claires : i) les dernières mesures prises par la BCE sont bienvenues, mais la Banque centrale doit être prête à se lancer dans des achats d’actifs souverains si les anticipations d’inflation continuent de s’orienter à la baisse ; ii) des mesures structurelles sont essentielles pour renforcer la croissance potentielle et éviter une « stagnation séculaire » ; iii) le ralentissement du rythme de consolidation budgétaire est une bonne chose, et la détérioration des perspectives de croissance ne doit pas conduire à renforcer les mesures d’assainissement. Mais, « si les risques de déflation se matérialisaient et une fois les options de politique monétaire épuisées » (pour notre part, nous notons cet ordre de priorité), les clauses permettant de déroger au cadre budgétaire de la zone euro devraient être utilisées.
Avant d’en arriver là, Fonds rappelle que l’Allemagne aurait les moyens de financer des investissements, nécessaires, d’entretien et de modernisation (voir aussi notre Ecoweek du 03/10/14 Que faire des excédents budgétaires ?). Plus généralement, un chapitre entier de cette édition du WEO est consacré à ce type d’investissement. Pour le FMI, le moment est particulièrement favorable pour relancer les investissements publics, à la fois parce que la faiblesse des taux d’intérêt rend leur financement très peu coûteux, et parce que plusieurs économies, et notamment la zone euro, souffrent d’une faiblesse excessive de la demande. Dès lors, ces investissements pourraient soutenir la croissance à court terme (par un effet de relance) comme à moyen terme (par un effet classique de renforcement de la croissance potentielle). Bien ciblés, ils pourraient même, selon les économistes du Fonds, s’autofinancer, et ne pas s’accompagner, à moyen terme, d’une hausse de l’endettement. En bref, et s’agissant de la zone euro, le FMI a jeté cette semaine une nouvelle pierre dans un jardin allemand, qui compte déjà pas mal de cailloux.