par Laurent Berrebi, Directeur des études économiques de Groupama AM
Affichée à 2,8% après 1,7%, la croissance est solide en apparence mais faible structurellement : hors le restockage important, elle n’a été que de 1,0%, handicapée par l’investissement étale des entreprises, attentistes face à la crise, et par la réduction des dépenses publiques dans la défense.
La consommation qui a augmenté de 2% ne devrait plus être un moteur de la demande intérieure au 1er trimestre 2012, comme l’indiquent la montée de l’inquiétude des ménages sur l’inflation et le marché de l’emploi. Les 300 000 créations d’emplois dans le secteur privé, comme dans les années 2004 – 2006, et la diminution de 0,2 point du taux de chômage à 8,3% ont alors de quoi étonner.
En particulier, le dynamisme de l’emploi dans les services n’est pas cohérent avec la contraction de l’activité au 4ième trimestre dans ce secteur, où les carnets de commandes et les délais de livraison demeurent faibles. Un hiver plus clément et le soulagement des entreprises face à l’accalmie de la crise de la dette souveraine en zone euro ont pu gonfler provisoirement ces chiffres.
La Réserve Fédérale a même souligné la persistance des faiblesses structurelles de l’économie américaine, comme le manque de gains de pouvoir d’achat des ménages et le marasme de l’immobilier résidentiel sur le marché de la maison individuelle. L’amélioration du commerce mondial, plus précoce que prévu, laisse cependant anticiper un meilleur 1er trimestre 2012.
Zone euro : divergence entre l’Allemagne et les autres grands pays
Après un 4ème trimestre où le PIB a dû se contracter de 0,5%, les actions de la BCE et le raffermissement du commerce extérieur ont contribué à la stabilisation des indices de confiance, voire en Allemagne à l’amélioration des perspectives d’investissement des entreprises, qui devraient retrouver le chemin de la croissance dès le 1er trimestre 2012. Dans les autres grands pays de la zone, en revanche, la dégradation se poursuit en termes d’activité et d’emploi. Le creusement de cet écart avec l’Allemagne résulte notamment des conditions de crédit qui se durcissent dans tous les pays excepté en Allemagne. En Italie en particulier, les conditions de crédit sont particulièrement dures et la pénurie de crédit est une réalité, alors que la dégradation continue et très marquée des indicateurs avancés devient inquiétante.
En France, les conditions d’octroi de crédits aux entreprises et de crédits immobiliers se sont sensiblement durcies : notamment à cause de l’automobile, la consommation devrait y enregistrer une contraction marquée au 1er trimestre, ce qui sera également le cas dans l’ensemble de la zone euro, à l’exception de l’Allemagne, qui bénéficie du faible chômage, mais qui reste handicapée par le manque structurel de gains de pouvoir d’achat.
Chine : un ralentissement qui semble sous contrôle
L’activité ralentit progressivement et la croissance devrait être de 8,5% en 2012. L’extérieur subit le ralentissement sensible des exportations. La demande intérieure est affectée par l’investissement notamment résidentiel : conséquence notamment des actions politiques et monétaires, les ventes baissent sensiblement, alors que les prix réduisent leur rythme de hausse, sans s’effondrer, ce que recherchaient les autorités chinoises. Le reflux rapide de l’inflation qui était également un objectif des autorités fait alors de la progression des salaires réels le meilleur soutien de la consommation.
En fait, la Chine montre qu’elle est capable de réorienter son modèle de croissance vers la consommation, sans provoquer de crise. Dans ce contexte, il y a peu à attendre de la part de la politique monétaire qui devrait peu s’assouplir dans l’immédiat, sans choc majeur extérieur. Les autorités devraient en revanche utiliser davantage le taux de change dont le régime devrait se modifier dans le sens d’une plus grande flexibilité, avec l’internationalisation du yuan : à ce titre, l’accord sino-japonais sur l’usage du yuan dans les échanges bilatéraux donne une impulsion décisive.