La Grèce parée pour un nouveau départ

par Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas

Les vicissitudes qui, depuis plusieurs semaines, ont marqué les relations entre la Grèce et ses principaux partenaires européens, ont pris fin lundi 20 février. Un accord tripartite sur le second programme de financement a finalement été trouvé. Il engage l’Etat grec, les créanciers officiels rassemblés au sein de la Troïka (Union européenne, FMI, BCE) et les créanciers privés de la Grèce. Ces derniers ont accepté de participer à un échange de dette volontaire (appelé PSI, pour Private Sector Involvement) permettant une réduction de la dette grecque de plus de 100 milliards d’euros (voir plus bas). De leur coté, les créanciers officiels ont promis une enveloppe pouvant aller jusqu’à 130 mil- liards d’euros. Au total, il s’agit donc de 230 milliards d’euros qui doivent permettre à la Grèce d’être financée jusqu’en 2014.

 La participation du secteur privé (PSI)

Lors du sommet du 26 octobre, les créanciers avaient accepté le principe d’un échange de dette volontaire incluant une décote de 50% de la valeur faciale des titres détenus (206 milliards d’euros). L’accord du 20 février a finalement abouti à un abandon de créances plus important, la décote étant fixée à 53,5% avec une participation de 15% du FESF (Fonds européen de Stabilité financière). Ainsi pour 100 de dette apportée à l’échange, les créanciers privés obtiendront, d’une part, 20 nouveaux titres grecs, d’une valeur de 31,5 et ayant des maturités comprises entre 11 et 30 ans et, d’autre part, des titres de court terme émis par le FESF d’une valeur de 15. La perte en valeur actuelle nette (i.e. prenant en compte non seulement la perte sèche sur les titres mais également celle liée au fait de souscrire de nouveaux titres grecs de plus longue maturité et portant un coupon moindre) avoisinerait les 74%. Au total, l’abandon de créances devrait atteindre 107 milliards d’euros. La réussite du PSI est la clé de voûte du plan de financement. D’une part, elle est cruciale pour répondre au diagnostic d’insolvabilité de l’Etat, d’autre part, de son succès dépend le montant de l’aide publique qui sera versée à la Grèce, cette dernière étant plafonnée à 130 milliards d’euros.

Le prêt de 130 milliards d’euros de la Troïka

L’échange de dette devrait ouvrir la voie au déblocage du second prêt officiel de 130 milliards d’euros. Il n’y a pas encore d’information sur le montant qui sera financé par le FMI mais, selon toutes vraisemblances, sa quote-part devrait être inférieure aux (presque) 30% du premier plan de mai 20101. Les pays membres de la zone euro apporteront les fonds via le FESF. Les 130 milliards d’euros permettront de couvrir cinq besoins de financement : i/ 30 milliards d’euros serviront au PSI (15% de 200 milliards de dettes échangées) ; ii/ 35 milliards serviront à garantir les titres grecs utilisés comme collatéraux au sein des banques centrales de la zone euro, lorsque ces derniers seront placés en défaut sélectif par les agences de notation suite à l’échange ; iii/ 5,7 milliards d’euros serviront à payer les intérêts courus sur les titres grecs échangés ; iv/ 23 milliards d’euros serviront à recapitaliser les banques grecques ; v/ 36,3 milliards d’euros serviront à couvrir les besoins de financement de l’Etat grec post PSI (déficits primaires et paiements d’intérêts).

Le renforcement du contrôle du programme

Lors du premier plan, la Grèce a manqué ses objectifs de résultats mais aussi ses objectifs de moyens. Pour assurer une mise en œuvre effective des mesures conditionnelles, le nouveau plan prévoit une surveillance accrue des politiques économiques menées en Grèce. Dans l’immédiat, le déblocage du deuxième bail out est conditionné à la mise en oeuvre sous 10 jours d’une douzaine de mesures préalables incluant, notamment, la libéralisation des professions réglementées (notaires, avocats, pharmaciens) ou le durcissement de la lutte contre la corruption. A plus long terme, un groupe de travail (Task Force) de la Commission européenne sera présent en permanence sur le sol grec afin d’apporter un soutien technique renforcé au gouvernement. Enfin, l’aide internationale sera versée sur un compte sous séquestre, ce qui permettra le paiement prioritaire des intérêts de la dette. Le principe de prééminence du service de la dette sera, à terme, inscrit dans la Constitution grecque.

La soutenabilité de la dette grecque

L’objectif du programme est de donner à la Grèce les moyens de retrouver la maîtrise de ses finances publiques. Il s’agit d’atteindre un ratio d’endettement public de 120,5% du PIB en 2020. Le PSI est clé puisqu’il devrait permettre un allégement de dette instantané de plus de 100 milliards d’euros. A cela, il convient d’ajouter la contribution des créanciers officiels. La BCE et les banques centrales nationales de la zone euro vont redistribuer aux Etats membres leurs profits sur les titres grecs nés du remboursement au pair de titres achetés décotés dans le cadre du Security Market Porgramme (SMP). Ces derniers utiliseront ces fonds pour réduire rétroactivement le coupon des prêts du premier plan d’aide. Grâce à cette opération, le ratio de dette publique grec sera allégé de 2,8 pp d’ici à 2020. Les Etats membres se sont également engagés à reverser à la Grèce les revenus supplémentaires futurs issus du portefeuille obligataire grec détenu pour compte propre par leur banque centrale nationale. D’après le communiqué officiel, cela pourrait permettre une baisse supplémentaire de 1,8 pp du ratio d’endettement public d’ici à 2020. Enfin, si l’accord a été signé par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, il reste encore à être approuvé par certains parlements nationaux dont le Bundestag qui doit se prononcer le 27 février.

NOTE

  1. Le FMI avait apporté 30 milliards d’euros sur le prêt total de 110 milliards d’euros.

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