par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
La défaite des démocrates aux élections mid-term avait provoqué l’émergence de craintes sur la capacité des Etats-Unis à mener des réformes et prendre des décisions d’envergure au cours des deux prochaines années. En effet, entre un Congrès partagé (majorité républicaine à la chambre des représentants et majorité démocrate au Sénat) et le droit de véto du Président, toute décision devait nécessairement résulter d’un accord bipartisan.
Cette difficulté théorique à trouver des compromis était d’autant plus importante que les baisses d’impôt mises en place par Bush en 2001 et 2003 arrivaient à échéance en fin d’année 2010, ayant potentiellement un impact négatif de l’ordre de 2pts sur le revenu des ménages. En conséquence, l’un des principaux risques mis en avant par les économistes américains courant novembre consistait en un resserrement de la politique budgétaire, qui aurait hypothéqué le mouvement de reprise. Cette crainte a d’ailleurs été relayée par B. Bernanke dans son discours le 19 novembre à Francfort.
Les annonces d’Obama depuis le début de la semaine semblent suggérer que ces craintes étaient infondées. En effet, même si pour le moment, le compromis obtenu n’est pas voté, il semble qu’un consensus entre républicains et Obama ait été trouvé et que ce dernier résulte en une expansion de la politique budgétaire et non en un resserrement fiscal.
Les grandes lignes du projet sont les suivantes :
- L’extension pour deux ans des baisses d’impôt de Bush sur l’impôt sur le revenu (toutes les tranches), les dividendes et les plus-values (toujours taxés à 15%).
- La prolongation de l’ensemble des crédits d’impôt du stimulus de 2009.
- Le prolongement des prestations chômage pour une durée de treize mois.
- Une baisse de la « payroll tax » payée par les ménages.
Si de notre côté, nous pensions que l’extension était le scénario le plus probable (nous l’avions intégrée dans nos prévisions pour 2011), nous n’imaginions pas que pourrait émerger un consensus sur de nouvelles baisses d’impôt qui ne soient pas compensées par des réductions de dépenses. Au total, les baisses d’impôt supplémentaires seraient de 180Md$ (comparé à notre scénario central), ce qui ferait passer notre prévision de déficit public de 8,2% à 9,4% en 2011 (vs 8,8% du PIB en 2010).
Si il était mis en place, ce nouveau stimulus budgétaire aurait un impact non négligeable sur le revenu des ménages, leur consommation et donc en corollaire sur la croissance. Avec une hypothèse d’un multiplicateur budgétaire de 0,6, nous obtenons un effet sur le PIB de 0,7 pt/0,8 pt en 2011. Enfin, un tel stimulus rendrait moins probable une éventuelle troisième vague de politique quantitative par la Réserve Fédérale (QE3) à partir de juillet 2011.
Déjà amorcé depuis quelques semaines, le mouvement de remontée des taux d’intérêt s’est poursuivi à l’annonce de ces mesures, les investisseurs accentuant les ventes de titres du Trésor. Le taux 10 ans a atteint 3,2% alors qu’il était de 3% la semaine dernière et de 2,5% début novembre. Ce phénomène peut s’expliquer par des anticipations de croissance plus favorables résultant des nouvelles baisses d’impôt, par la hausse du déficit budgétaire (effet d’offre sur le marché) et enfin par l’amoindrissement de la probabilité de nouvelles mesures de la part de la Fed. Par ses conséquences sur les taux, la politique budgétaire pourrait diminuer l’effet attendu de la politique non conventionnelle de la Fed.
En tout cas, même si elles sont critiquables d’un point de vue normatif (manque de consolidation budgétaire, augmentation du bilan banque centrale), les décisions de politiques économiques prises récemment sont révélatrices de l’activisme des autorités américaines et du fait qu’il est impensable pour les américains de capituler face au risque de déflation.