Europe : Episode nuageux… se dissipant ?

par Caroline Newhouse et Jean-Luc Proutat, économistes chez BNP Paribas

Les élections au Parlement européen, si elles ont confirmé la montée des partis eurosceptiques, ont été plutôt bien accueillies par les marchés.

D’abord parce que la nouvelle assemblée de Strasbourg reste dominée par les partis traditionnels de centre droit et les sociaux-démocrates (53% des sièges à eux deux, 70% avec les verts et les centristes). Le pouvoir d’entrave des nouveaux élus eurosceptiques est donc faible, seraient-ils en mesure de former un groupe.

Pour l’heure les tractations vont bon train. S’il semble aisé de réunir vingt-cinq députés (le Front National français en envoie déjà 24 à Strasbourg), un groupe parlementaire doit représenter au moins sept états membres. Or, outre les alliés naturels du FN (FPÖ autrichien, Ligue du Nord italienne et PVV néerlandais), les élus eurosceptiques sont loin de pouvoir parler d’une seule et même voix. Leur présence renforcée à Strasbourg pourrait ainsi amener les tenants du fédéralisme au sein des partis traditionnels à clarifier leurs positions et à former des alliances au centre de l’hémicycle.

Ensuite parce que, dans certains pays « sous tension » disposant d’une majorité politique fragile, le séisme n’a pas eu lieu. En Italie, le Premier ministre, Matteo Renzi, a remporté une large victoire avec plus de 40% des voix, tandis qu’en Grèce, le Pasok ne s’est pas effondré. En outre, en dépit du score du parti de la gauche radicale Syriza (26,6% des votes), les électeurs grecs n’ont pas saisi l’occasion des européennes pour sanctionner les candidats issus de la majorité gouvernementale au niveau local (élections des maires et des préfets des treize régions). Seule la région de l’Attique a élu un préfet du Syriza.

Dans ce contexte, les écarts de rendements ou spreads de la Grèce et de l’Italie, qui s’étaient creusés à l’approche de l’échéance du 25 mai, s’inscrivent à nouveau en baisse. Ceux de l’Espagne suivent le même chemin. Cette dynamique ayant largement soutenu la conjoncture jusqu’à présent, il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle. Le climat des affaires continue d’ailleurs d’évoluer favorablement, si ce n’est en France (voir « Episode nuageux », Ecoweek du 23 mai 2014), du moins dans un certain nombre de pays. Il témoigne d’un mieux dans l’ensemble des secteurs, de l’industrie manufacturière aux services. En « périphérie » de la zone euro et notamment au sud, les exportations ne sont plus le seul moteur ; la consommation privée, après s’être effondrée, se stabilise, au même titre que le marché de l’emploi.

L’Espagne pourrait presque servir de cas d’école. Si la situation reste très difficile de l’autre côté des Pyrénées, elle n’a pas empêché le Parti populaire au pouvoir de remporter, d’une courte tête, les élections européennes ; en outre, elle s’améliore. L’économie du Royaume a été l’une des plus dynamiques de la zone euro au premier trimestre 2014 et les derniers indices de conjoncture (enquêtes auprès des directeurs d’achat ou ventes au détail du mois d’avril, indices du sentiment économique de la Commission du mois de mai) sont encourageants. Le Fonds monétaire international, qui vient de rendre les conclusions de sa «mission annuelle», se montre franchement plus optimiste. Il estime que l’Espagne a pris un [bon] tournant, celui à partir duquel l’amélioration des conditions financières finit par faire redémarrer l’ensemble des moteurs l’économie. Hier sanctionné à de multiples reprises, le pays retrouve les faveurs des agences de notations ; toutes ont relevé le rating attaché à sa dette souveraine, la dernière en date étant Standard & Poor’s. Désormais notée BBB, l’Espagne voit s’éloigner le risque de tomber en catégorie « spéculative ».

Les efforts commencent donc à payer, ce qu’indique aussi l’évolution des comptes extérieurs. Avec l’Irlande et la Portugal, l’Espagne fait partie des pays de la zone euro où les entrées nettes d’investissements directs étrangers (IDE) sont les plus nourries (graphique). Une dynamique qui fait écho à une étude récemment publiée par le cabinet de conseil Ernst & Young. Celle-ci montre que le secteur manufacturier européen attirait, il y a dix ans, encore la moitié des investissements directs étrangers à destination de l’Europe. Les services, représentent désormais deux tiers des IDE. En particulier les projets d’investissement dans le numérique et les biotechnologies ont progressé de près de 60% entre 2012 et 2013 et offrent d’importantes perspectives de développement. Avec 514 nouvelles implantations en 2013, en hausse de 9% par rapport à 2012, la France demeure la troisième terre d’élection des IDE en Europe derrière l’Allemagne (+701, +12% g.a.) et le Royaume- Uni (+799, +15% g.a.). A contrario les IDE ont reculé de 2% dans les autres pays d’Europe de l’Ouest et de 5% dans les pays d’Europe centrale et orientale dont la Russie et la Turquie. A cet égard, les progrès des discussions entre les Etats-Unis et l’Union européenne dans le cadre de l’accord de partenariat transatlantique représentent un signal positif envoyé par l’UE à l’attention des investisseurs étrangers.

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas