Faiblesse de la croissance potentielle : quelles implications ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Alors que le thème de la stagnation séculaire aux Etats-Unis continue de dominer les débats, le FMI publie une analyse sur l’évolution passée et les perspectives de la croissance potentielle dans les économies développées et émergentes1. Sans surprise, le FMI met l’accent sur l’affaiblissement de la croissance potentielle qui devient une caractéristique structurelle des économies, « A new reality ». Or, cette question de la croissance potentielle pourrait apparaître comme sujet d’un débat d’experts mais elle est importante pour la mise en œuvre des politiques économiques.

Pour faire rapide, la croissance potentielle d’une économie peut se décomposer en trois parties : la croissance du stock de capital, la croissance de l’emploi et la croissance de la productivité globale des facteurs. Or ces trois composantes ont contribué au ralentissement de la croissance potentielle dans les économies développées ces dernières années. Si la croissance de la productivité globale des facteurs avait déjà commencé à décélérer avant la crise, le net affaiblissement de la croissance du capital, corollaire de la faiblesse de l’investissement, s’observe plutôt depuis la crise. Enfin, le ralentissement de la croissance de l’emploi était déjà initié avant 2008 et va se poursuivre avec le vieillissement de la population. D’après le FMI, la croissance potentielle était d’environ 1,8% aux Etats-Unis en 2013/2014 et de 0,8% dans la zone euro. Il prévoit une légère progression dans les économies développées dans les années qui viennent mais pas de retour aux niveaux d’avant crise.

L’affaiblissement de la croissance potentielle a des conséquences sur l’économie réelle mais il a également des implications pour les marchés.

  • Si l’on surestime la croissance potentielle, cela signifie que l’on surestime aussi le niveau de production potentielle, et en conséquence que l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel (output gap) est plus faible que prévu (dans le cas d’un output gap négatif). Cela suggère également que le taux de chômage structurel est plus élevé. En d’autres termes, l’ampleur des surcapacités productives (capital et emploi) est moins importante.
  • En théorie, si l’output gap (négatif) est plus faible, les tensions sur les capacités de production vont revenir plus rapidement impliquant un retour des tensions inflationnistes plus précoce.
  • Le risque de surestimer l’ampleur des surcapacités productives (slack) est alors de mener des politiques monétaires trop expansionnistes trop longtemps avec les conséquences que l’on peut imaginer si l’on doit en sortir rapidement.
  • L’affaiblissement de la croissance potentielle signifie également que, toutes choses égales par ailleurs, le niveau d‘équilibre des taux d’intérêt réels est plus faible que précédemment anticipé.
  • Enfin, si la croissance potentielle de l’économie est faible, le désendettement devient une tâche compliquée.

La question de la mesure du PIB potentiel en temps réel est un challenge de longue date pour les banquiers centraux2. Quelles leçons tirer pour les banques centrales si la croissance potentielle est plus faible? Deux implications qui peuvent paraître contradictoires mais qui ne le sont pas : d’une part qu’il faudra sortir plus vite de la politique monétaire à taux zéro car finalement l’output gap est probablement plus faible qu’anticipé et d’autre part qu’il ne faudra pas trop remonter les taux car le niveau d’équilibre est plus faible.

  • Pour la Fed, la question est imminente. Même avec une croissance légèrement supérieure à 2%, l’économie américaine continue de réduire son output gap. Ceci plaide plutôt en faveur d’une sortie plus rapide de la politique monétaire à taux zéro mais également d’une remontée moins forte des taux d’intérêt à moyen terme.

Pour la BCE, étant donné la position cyclique de la zone euro (l’output gap négatif est encore important), la question peut paraître moins urgente mais elle est pourtant essentielle pour déterminer quand il faudra mettre un terme au QE.

NOTES

  1. Cf papier FMI http://www.imf.org/external/pubs/ft/survey/so/2015/NEW040715A.htm
  2. Cf http://www.federalreserve.gov/pubs/feds/1999/199938/199938pap.pdf

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