par Isabelle Job, économiste au Crédit Agricole
La cible des Fed funds reste inchangée à 0-0,25 % et le taux directeur devrait être maintenu à un niveau exceptionnellement bas pour une période prolongée.
Quelques retouches ont été apportées au communiqué. La Fed reconnaît implicitement la sortie de récession tout en se montrant toujours très prudente. Le risque inflationniste est jugé toujours faible.
La stratégie de sortie se précise et tout est fait pour que la transition se fasse en douceur, avec un report de la date d’expiration des programmes de rachat de MBS et de titres d’agences.
Le FOMC des 22-23 septembre n’a pas réservé de grande surprise. La cible des Fed funds reste inchangée à 0-0,25 % et le constat suivant lequel les conditions économiques justifient de maintenir le taux directeur à un niveau exceptionnellement bas pour une période prolongée reste valide.
Autrement dit, en ce qui concerne la remontée des taux, il n’y a aucune urgence et la Fed peut selon nous patienter jusque début 2011.
Une transition toute en douceur
Du côté de la politique non conventionnelle, le montant des programmes de rachats de titres privés et publics n’a pas été étendu ce qui était largement anticipé. Seule la date d’expiration des achats de MBS et de titres d’agences (Fannie Mae et Freddie Mac) a été repoussée dans le temps avec une fin désormais programmée au premier trimestre 2010. Ce report fait écho à celui déjà concédé sur le front des achats de titres du Trésor avec une logique commune, celle d’assurer une transition toute en douceur. Autre petite nuance, la taille des achats de MBS (USD 1250 mds) paraît bien calibrée alors que la Fed semble se réserver la possibilité de ne pas aller jusqu’au bout de son programme de rachat de USD 200 mds de titres d’agences. Cette légère subtilité ne change en rien la ligne directrice de la Fed qui compte toujours œuvrer pour soutenir le marché immobilier américain.
Les médias relaient également la teneur des discussions entre la Fed et ses primary dealers. Il a été aussi question de stratégie de sortie avec un possible recours à des opérations de « reverse repo » pour drainer la liquidité. On a une vision plus claire sur les moyens qui seront employés pour neutraliser les effets potentiellement indésirables du gonflement des réserves excédentaires, même si le calendrier, lui, demeure encore incertain.
Le mieux est fragile
Si les actes ne changent pas fondamentalement, le discours lui évolue. Quelques retouches ont été apportées au communiqué. Sur le front de la croissance, la Fed reconnaît, à demi-mot, la fin probable de la récession pour immédiatement après souligner la fragilité de la reprise naissante.
Il est fait explicitement mention d’une amélioration sur le front du marché immobilier, ce qui est nouveau et sans doute une manière de conforter le diagnostic selon lequel l’économie américaine s’est extirpée de la récession.
L’inflation n’est pas un danger
Du côté de l’inflation, le constat général n’évolue pas fondamentalement avec une Fed qui insiste toujours sur l’ampleur des ressources inemployées comme facteur inhibiteur de futures tensions inflationnistes. Cependant, cet argument est quelque peu balancé par la mention, nouvelle, du bon ancrage des anticipations d’inflation à moyen terme. C’est sans doute une manière subtile pour la Fed de reconnaître le débat interne sur la question du lien entre écart de production et risque inflationniste, un sujet aussi débattu à la BCE et la BoE. La forte crédibilité de la Fed a aidé à ancrer les anticipations d’inflation à des niveaux compatibles avec la stabilité des prix à moyen terme. Elles n’ont pas décroché lorsque le risque déflationniste était à son maximum, ce qui in fine a permis d’éviter l’enclenchement d’une spirale baissière sur les prix.
Mais de facto, le lien entre inflation et écart de production aurait pu se distendre au point de surestimer les forces désinflationnistes insufflées par le ralentissement économique, le bon ancrage des anticipations pouvant jouer un rôle compensateur. Autrement dit, si les anticipations d’inflation d’aujourd’hui sont le reflet de l’inflation de demain, le rythme d’inflation pourrait ne pas décélérer autant que ne le suggère l’écart de production.
Au bénéfice du doute, la Fed rappelle qu’elle reste attentive à l’évolution des anticipations d’inflation pour juger du risque de dérapage des prix dans un sens ou dans l’autre.
En guise de conclusion, ce n’est pas parce que la Fed ne va pas toucher à ses taux directeurs avant longtemps qu’elle ne va pas durcir sa politique monétaire. Arrêt progressif des facilités de financement et de rachat d’actifs, drainage de la liquidité seront au menu de 2010 avec en toile de fond une remontée des taux courts de marché, synonyme de conditions monétaires plus restrictives quoique toujours accommodantes.