par Isabelle Job, économiste au Crédit Agricole
Face à un risque de contagion systémique, les Européens font bloc et se montrent à la hauteur des enjeux (et des risques) en proposant un plan de soutien financier, conjoint avec le FMI, d’un montant global annoncé de EUR 750 Mds.
Il s’agit d’acheter du temps, afin d’éviter que la crise actuelle de refinancement des Etats membres de la zone euro trop endettés se transforme en crise de solvabilité, avec des effets potentiellement dévastateurs pour la zone euro d’abord, puis pour la stabilité financière globale.
Dans le sillage de ce plan d’envergure, la BCE prend des mesures historiques d’accompagnement. Elle réactive son dispositif non standard avec des enchères à 3 et 6 mois illimitées et à taux fixe. Elle verse également dans le non conventionnel en décidant d’intervenir sur les marchés de dettes publiques et privées pour apporter de la liquidité et du financement sur les marchés endommagés par la crise. Les accords de swaps entre banques centrales sont également rétablis.
Les marchés semblent, cette fois-ci, juger ce programme de stabilisation bien calibré pour faire face aux problèmes de refinancement des Etats, au moins pour les deux années à venir. Cependant, afin de remettre les dettes publiques sur une trajectoire soutenable et garantir la solvabilité des Etats à moyen terme, les gouvernements des pays de la zone euro vont devoir fournir des efforts conséquents et crédibles pour assainir au plus vite leurs finances.
La réaction européenne se veut à la hauteur des enjeux face au risque de contagion systémique sur fond de spéculations contre les Etats de la zone euro les plus endettés.
Après des semaines d’atermoiements, les leaders européens ont en effet décidé de frapper un grand coup avec la création d’un fond de stabilisation totalisant EUR 500 Mds. Ce dernier comporte une ligne de financement de EUR 60 Mds, à utiliser par les Etats membres de la zone euro en difficulté assortie d’une forte conditionnalité dans le cadre d’un programme FMI.
S’y adjoint la création d’une structure de financement ad hoc de EUR 440 Mds (de type Special Purpose Vehicle) garantie à proportion par les Etats membres de la zone euro et devant expirer au bout de trois ans. Le FMI devrait compléter ce dispositif en apportant une contribution financière de l’ordre de EUR 250 Mds, ce qui porte le montant global de l’enveloppe à EUR 750 Mds. Ceci est à mettre en rapport avec les besoins de financement du Portugal, de l’Espagne et de l’Irlande réunis qui totalisent environ EUR 600 Mds jusqu’à 2012.
Ce mécanisme d’urgence est un premier pas vers une forme de « coopération », pour ne pas dire d’union budgétaire, qui manque à la zone euro et ce afin que les pays de la région partagent un peu plus qu’une monnaie.
Du non conventionnel pour la BCE
La BCE participe à l’effort conjoint et s’engage à acquérir des titres de dettes publiques et privées afin d’apporter de la liquidité et du financement sur les marchés endommagés par la crise.
Le conseil des gouverneurs a également décidé de réactiver ses mesures non standards, en menant jusqu’à fin juin des opérations de refinancement à 3 et 6 mois illimitées et à taux fixe. Les accords de swaps entre banques centrales, mis en place au plus fort de la crise financière, afin de fournir de la liquidité en USD sont également rétablis.
L’intervention de la BCE sur le marché obligataire est une décision de dernier ressort face à une menace systémique suffisamment importante et ce quitte à écorner son image d’indépendance. Afin de ne pas menacer la stabilité des prix en zone euro, il est question de stériliser ses interventions pour limiter les effets potentiellement inflationnistes de cette monétisation indirecte des déficits publics. Ceci est le principal point de différenciation avec les rachats de titres publics opérés par la Fed ou la BoE qui n’ont pas fait l’objet, en leur temps, d’opérations de stérilisation mais il reste à préciser la manière dont la BCE compte opérer pour drainer la liquidité. La BCE n’a pas à ce stade dévoilé la manière dont elle va agir mais elle devrait racheter des titres publics au prorata de la participation de chaque pays membre de la zone euro à son capital. Il s’agit donc à la fois d’agir sur le taux sans risque, celui des Bund allemands (qui devraient constituer le cœur des achats de la BCE), que d’aider au dégonflement des primes de risque sur les autres obligations souveraines. Concernant les achats de dettes privées, cela devrait essentiellement consister en l’extension du programme de Covered Bonds afin d’apporter de la liquidité aux banques européennes qui sont les principales intervenantes sur ce marché.
Les marchés veulent y croire
En définitive, les Européens envoient un signal fort aux marchés avec une réaction pour le moment positive : l’euro s’est redressé après l’annonce du plan et s’échange au-delà des 1,30 ce lundi. Parallèlement, les bourses européennes ouvrent en forte hausse, preuve que cette fois-ci les investisseurs jugent ce programme de stabilisation dûment calibré pour faire face aux problèmes de refinancement des Etats, au moins pour les deux prochaines années. Il est surtout question d’acheter du temps dans le but de permettre aux gouvernements de fournir les efforts budgétaires suffisants pour remettre les dettes publiques sur des trajectoires soutenables sans être sous le joug des humeurs du marché.
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