France : beaucoup de bruit pour rien ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Un an après sa première mise en garde, l’agence de notation Moody’s passe à l’acte en dégradant la note de la France d’un cran à Aa1. L’Etat Français perd ainsi son deuxième AAA après la baisse de notation par S&P en janvier dernier. Moody’s évoque trois principales raisons pour justifier sa décision.

  • Les perspectives économiques de la France à long terme sont affectées par plusieurs problèmes structurels, en particulier son manque de compétitivité et les rigidités de ses marchés du travail et des biens et services.
  • Les perspectives budgétaires de la France sont incertaines en raison de la dégradation de l’environnement économique.
  • La résistance de la France en cas de futur choc européen est moins prévisible en raison des risques croissants sur la croissance, les finances publiques et le coût de financement. L’exposition de la France à la zone euro via les flux commerciaux et financiers est très importante et ses obligations envers la zone euro (EFSF, MES,…) ont augmenté. Enfin, la France n’a pas, contrairement aux autres Etats ne faisant pas partie de la zone euro, accès à une banque centrale nationale pour se financer en cas de choc sur les marchés.

Nous partageons le point de vue de Moody’s sur la situation de la France, les points mis en avant n’ont rien de nouveau et font consensus. Le dernier argument évoqué sur l’absence d’une banque centrale nationale pour se financer, probablement pour justifier le maintien du AAA du Royaume-Uni, ne nous semble guère pertinent. C’est également oublier les déclarations de la Banque Centrale Européenne qui avec les OMT1 peut intervenir en cas de crise de liquidité d’un pays de la zone euro.

La baisse de notation n’est guère une surprise, l’économie française étant confrontée à des défis de taille (réduction de l’endettement public, restauration de la compétitivité, …). D’ailleurs, la prime de risque payée par l’Etat français depuis mi-2011 reflétait déjà la perception des investisseurs que la dette française était de moins bonne « qualité » que celle des autres AAA de la zone euro. En effet, la Finlande comme les Pays-Bas se financent à des taux plus faibles que la France, sans parler évidemment de l’Allemagne. Comme nous le mettions en avant il y a un peu plus d’un an2, la France était le pays, parmi les pays AAA de la zone euro, dont la situation était la plus dégradée que ce soit en termes d’endettement public, de déficit public total et primaire ou en terme de solde courant.

Le timing de la décision est en revanche plus étonnant puisque la dégradation intervient alors que le nouveau gouvernement vient d’annoncer un certain nombre de mesures visant à améliorer la profitabilité des entreprises et qu’il s’est engagé à réduire le déficit de 1,5pts en 2013. Si ces mesures peuvent apparaître insuffisantes et ne vont pas régler les problèmes français rapidement, elles vont néanmoins dans le bon sens.

Quelles conséquences ?

En terme de coût de financement sur les marchés, il n’est pas sûr que la décision de Moody’s modifie la perception des investisseurs. Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’Etat français se finançait déjà avec une prime de risque reflétant une qualité de crédit plus faible comparée aux autres AAA de la zone euro. A titre de comparaison, la Belgique qui est un peu moins bien notée (AA chez S&P et Aa3 chez Moody’s) payait une prime de 20pb comparée à la France ces dernières semaines. Par ailleurs, rappelons que la France s’est financée en 2012 à un taux moyen de 1,90%, ce qui est extrêmement faible. Une hausse modérée de son coût de financement ne serait donc pas dramatique. Enfin, les entreprises françaises avec garantie étatique sont ou vont être également dégradées (c’est déjà le cas de la SNCF et RFF) mais l’impact sur leur coût de financement dépendra de celui de l’Etat.

Les craintes sur des ventes massives de titres d’Etat français liées à la dégradation nous semblent exagérées : les investisseurs institutionnels n’investissent rarement que sur des titres AAA (pas de contraintes réglementaires mais parfois des politiques d’investissement ciblées) et par ailleurs, on l’a bien vu dans la période récente, les alternatives d’investissement sont peu nombreuses : les titres allemands sont très chers (les rendements sur les titres courts sont même négatifs …), les marchés des autres pays AAA sont de petite taille et beaucoup moins liquides.

Au total, il ne faut probablement pas surestimer l’impact de la décision de Moody’s mais cela n’enlève rien au fait que la France a encore beaucoup de défis à relever dans les prochaines années.

NOTES

  1. Outright Monetary Transactions.
  2. Edito Eco Hebdo du 21 octobre 2011 « La France au pied du mur ».

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