France : collectif budgétaire 2012 et premiers éléments sur le déficit 2013

par Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole

• Le gouvernement a présenté le 4 juillet un collectif budgétaire, avec des économies à hauteur de 7 milliards.

• L’objectif est de respecter l’objectif d’un déficit public de 4,5% du PIB en 2012 et de compenser un manque à gagner en termes de recettes fiscales (la croissance et l’élasti- cité des recettes s’avérant plus faibles que prévu).

• Dans le même temps se dessinent les grandes orientations du budget 2013, qui seront présentées en septembre, avec un objectif de déficit ramené à 3% du PIB.

• Ceci nécessitera un nouvel effort structurel très marqué en termes de dépenses et de recettes, à hauteur de 33 Mds environ.

Un déficit 2012 potentiellement plus fort que prévu

Dans le projet de loi de finance 2012 (présenté en septembre 2011), le déficit public était prévu à 4,5% du PIB en 2012. Cet objectif avait d’ailleurs été confirmé en novembre 2011, lors de l’adoption d’un plan d’économies supplémentaires de 7 milliards, destiné à compenser les effets d’une révision en baisse de la croissance 2012 (1%, contre 1,75%).

Dans le programme de stabilité 2012-2016, présenté en avril dernier, l’objectif de déficit 2012 a été légèrement modifié, à 4,4% du PIB. Pourtant, la prévision officielle de croissance 2012 a été à nouveau révisée en baisse, à 0,7%. Mais un élément a joué en sens inverse : le déficit 2011 s’est avéré plus bas que prévu, 5,2% et non 5,7% du PIB, ce qui donne une base plus favorable pour 2012.

Cet objectif de 4,4% était fondé sur une forte réduction du déficit structurel, de 3,7% à 2,6% : hausses de prélèvements fiscaux et sociaux, réductions de niches fiscales et très faible hausse de 0,3% en volume des dépenses publiques.

Toutefois, le déficit 2012 devrait a priori être supérieur à l‘objectif initial, à hauteur de 6 à 10 milliards, au vu de l’audit de la Cour des Comptes rendu public lundi 2 juillet. Plusieurs raisons expliquent ce dépassement :

  • La croissance 2012 va être encore plus basse que prévu, 0,3% au vu des nouvelles prévisions officielles et de nos propres prévisions, au lieu de 0,7%. Ceci dégrade le déficit conjoncturel de 0,15% du PIB, soit 3 Mds €.
  • L’élasticité des recettes fiscales à la croissance s’avère moins élevée que ce que prévoyait la loi de finances 2012. En particulier, les recettes de l’impôt sur les sociétés sont moins fortes que prévu sur les quatre premiers mois de l’année. De même, avec la correction en cours du marché immobilier, les droits de mutation vont être revus en baisse. Selon la Cour des Comptes, le manque à gagner serait de 3 à 7 Mds.
  • Les dépenses de l’État auraient une croissance un peu plus forte que prévu, à hauteur de 1,2 à 2 milliards avec notamment une sous-évaluation des crédits de l’allocation adulte handicapés et l’absence de financement de la prime de Noël pour les bénéficiaires du RSA. En sens inverse, la charge d’intérêts est allégée par le très bas niveau des taux longs.

Par ailleurs, l’État doit rembourser 4,3 milliards à des OPCVM situés à l’étranger. Les dividendes versés par des sociétés résidentes à des OPCVM étrangers étaient taxés à 25%, tandis que ceux versés aux OPCVM français étaient exonérés.

Ceci a été jugé constituer une entrave à la libre circulation des capitaux par la Cour de justice européenne. Ce remboursement pèsera toutefois surtout sur les comptes 2013.

Nouvelles mesures de rigueur pour 2012

L’objectif 2012 est donc fixé à 4,5% du PIB (et non plus 4,4%). Il est indispensable de respecter cet objectif, sans quoi le niveau de 3% en 2013 sera très difficile à atteindre. Pour compenser le dépassement décrit ci-dessus, une série de mesures ont été décidées, dans le cadre du collectif budgétaire présenté mercredi 4 juillet, permettant un gain de 7 milliards en 2012.

Les mesures portent essentiellement sur les recettes :

  • Alourdissement de l’ISF et des droits de succession (gain : 2,3 Mds) ;
  • Fin des exonérations de cotisations salariales et patronales sur les heures supplémentaires, sauf pour les très petites entreprises (gain : 1 Md) ;
  • Hausse des prélèvements sociaux sur les revenus de l’épargne (gain : 0,8 Md) ;
  • Surtaxe exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés (gain : 0,8 Md) ;
  • Hausse du forfait social, de 8 à 20%, sur l’épargne salariale, l’intéressement et la participation (gain : 0,6 Md) ;
  • Prélèvement à la source de 3% sur les dividendes versés (gain : 0,3 Md).

Premiers éléments sur le déficit 2013

Le projet de loi de finances 2013 sera présenté fin septembre. Le détail des mesures n’est pas encore arrêté. Les grandes priorités et les contraintes qui pèsent sur ce budget sont toutefois déjà connues. Le déficit public français doit être ramené de 4,5% à 3% du PIB, compte tenu des engagements récents en faveur d’une discipline budgétaire renforcée en zone euro, du poids très élevé de la dette publique et des tensions latentes sur le marché des dettes souveraines en zone euro. La croissance du PIB devrait être plus forte qu’en 2012, mais resterait modeste, 1,2% selon la nouvelle prévision du gouvernement (3 juillet). Cette croissance se situant en deçà de son rythme potentiel (1,7%), le déficit conjoncturel va continuer à se creuser, de 0,2% du PIB. Le déficit structurel doit donc être fortement réduit, de 1,7 point de PIB, pour permettre une réduction de 1,5 point de PIB du déficit global.

Cet effort de 1,7 point de PIB représente 33 milliards environ, ce qui est considérable. Rappelons toutefois que les efforts structurels ont déjà été très marqués en 2011 (1,9% du PIB) et en 2012 (1,3% du PIB).

Comment atteindre cet objectif ? La Cour des comptes recommande une répartition équilibrée entre les dépenses et les recettes.

– Dépenses

Pour que le volet dépenses conduise à une réduction de 0,85% du déficit structurel, il faut que les dépenses publiques croissent de 0% en volume (l’écart entre cette stagnation des dépenses et la hausse de 1,7% du PIB potentiel permet de réduire le déficit structurel). Une croissance « 0 volume » a été obtenue en 2011, mais ceci représente un effort très marqué, la croissance moyenne des dépenses en 1999-2007 ayant été de 2,4% par an en volume. Compte tenu de la hausse plus rapide des dépenses sociales et notamment des dépenses de santé, celles de l’État devraient être en légère baisse en volume. Ceci signifie une croissance nulle, voire faiblement négative en valeur hors charge de la dette et dépenses de pensions des fonctionnaires. Un gel en valeur des dépenses hors dette et pensions est d’ailleurs a priori envisagé pour 2013.

Comment y arriver ? La masse salariale représente 30% environ des dépenses de l’État. Les effectifs devraient être stables, les créations d’effectifs dans l’éducation, la sécurité et la justice étant compensées par des réductions dans d’autres domaines. Une stabilisation en valeur de la masse salariale supposerait une hausse nulle des salaires par tête en valeur (gel du point d’indice et nette réduction des hausses ciblées).

L’effort devrait également porter sur les dépenses d’intervention (minima sociaux, exonérations. de charges sociales…) et subventions, qui représentent également 30% des dépenses de l’État.

– Recettes

Un certain nombre de nouvelles mesures de hausses de recettes devront être mises en place, à hauteur de 16,5 milliards si le volet recettes assure la moitié de l’effort structurel. Les nouvelles dispositions mises en place mi-2012 vont monter en puissance en 2013. D’autres mesures seront prises, notamment de nouvelles suppressions de niches fiscales et sociales.

Impact sur la croissance

Les nouvelles mesures d’économies prévues dans le collectif 2012, qui s’ajoutent aux mesures déjà planifiées dans la loi de finances initiale, jouent a priori négativement sur la croissance. L’impact d’une baisse d’un point de PIB du déficit structurel est en général estimé à une diminution de l’ordre de 0,5% du taux de croissance du PIB.

Les nouvelles mesures ne devraient toutefois affecter que modérément la conjoncture.

L’alourdissement de l’ISF et des droits de succession et la taxation accrue des revenus du capital pèsent principalement sur les ménages les plus aisés, dont le taux d’épargne est élevé et la propension à consommer plus faible. Ces mesures devraient donc peu affecter la consommation, une bonne partie des ménages concernés préférant réduire leur taux d’épargne.

La fin des exonérations de cotisations salariales sur les heures supplémentaires va en revanche affecter l’ensemble des salariés De même, les mesures sur les entreprises vont peser sur des profits déjà fragilisés. Au total, ces mesures auront un effet négatif, mais relativement limité sur la croissance 2012. Notre prévision de 0,3% prend en compte l’effet de ces nouvelles dispositions et de l’ensemble des mesures de durcissement fiscal prises ces derniers trimestres.

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