France : la conjoncture entre chaud et froid

par Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas

•  Les indicateurs conjoncturels portant sur la fin de 2015 sont mitigés.

•  L’hiver exceptionnellement doux, ainsi que les attaques terroristes du 13 novembre, auraient entamé la croissance du quatrième trimestre de 0,1 à 0,2 point.

•  Celle-ci devrait néanmoins être restée positive : +0,2% en rythme trimestre selon nos estimations.

  Le climat des affaires dans l’industrie manufacturière et le bâtiment reste, en effet, favorable. La reprise s’appuie aussi sur les gains de pouvoir d’achat des ménages et le redressement en cours des marges des entreprises.

  En moyenne annuelle, la croissance française aurait été de 1,1% en 2015.

L’année 2015 s’est terminée moins bien qu’elle n’avait commencé. Elle s’annonçait, en effet, sous de meilleurs auspices que les trois années précédentes, grâce à la baisse conjointe des prix du pétrole, de l’euro et des taux d’intérêt, à laquelle s’ajoutaient les mesures de soutien prises dans le cadre des pactes de compétitivité et de responsabilité. La croissance devrait atteindre environ 1% en moyenne annuelle, ce qui est effectivement mieux que les trois années précédentes de quasi-stagnation économique. Mais la reprise reste fragile et sa dynamique n’est toujours pas bien assurée : les difficultés économiques de nombreux pays émergents (Chine, Russie et Brésil en tête), les attentats du 13 novembre et un hiver exceptionnellement doux sont notamment passés par là. Cependant, si les répercussions du ralentissement émergent devraient perdurer en 2016, les effets négatifs des attentats et de la météo sont, eux, de nature plus ponctuelle. L’activité au quatrième trimestre 2015 en porte la trace.

Les températures supérieures aux normales saisonnières en novembre ont, en effet, entraîné une forte baisse de la consommation et de la production d’énergie. Elles ont également pesé sur les dépenses d’habillement. D’où le net recul de la consommation des ménages en biens et de la production industrielle (respectivement -1,1% et -0,9% m/m). Dans la mesure où la météo est restée clémente en décembre, ces deux indicateurs devraient encore enregistrer une baisse marquée ce mois-là. Sur l’ensemble du quatrième trimestre 2015, les dépenses de consommation des ménages en biens devraient donc fortement reculer1 (acquis de -0,9% t/t en novembre), tandis que la production industrielle devrait à peine progresser (acquis de +0,7% t/t en novembre). Les effets des attentats de novembre sont, quant à eux, visibles dans la chute de l’indicateur du climat des affaires de l’INSEE dans le commerce de détail (-4 points en décembre, à 105) et, dans une moindre mesure, dans le repli de l’enquête dans les services (-2 points, à 101). Ces évolutions négatives sont, toutefois, contrebalancées par la bonne tenue de nombreux autres indicateurs.La production manufacturière est ainsi orientée en hausse, même si c’est encore modestement (+0,4% m/m et +2,8% a/a en novembre), soutenue notamment par le redressement du marché automobile. Il en va de même pour les exportations de biens (+3% m/m et +4,2% a/a en novembre).

Les mises en chantier sont aussi en légère hausse sur un an, pour la première fois depuis 2013 (+0,5%, variation mesurée par le glissement annuel du cumul sur 12 mois). Et leur redressement devrait se poursuivre à en juger celui du solde d’opinion des industriels du bâtiment sur les perspectives d’activité. A propos de confiance, celle des ménages est restée stable en décembre (à 96), faisant preuve de résistance à la baisse. Et le climat des affaires dans l’industrie et le bâtiment s’est, légèrement, amélioré en décembre (+1 point à, respectivement, 103 et 92). Les dernières nouvelles sur le front du chômage sont également positives. Le nombre des demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A a baissé de 0,5% m/m en novembre. Par ailleurs, Eurostat a nettement abaissé son estimation mensuelle du taux de chômage français (à hauteur de -0,3 point de pourcentage en moyenne entre juillet et octobre). Ce dernier se retrouve ainsi orienté à la baisse, et non plus à la hausse : encore de 10,6% en août, il est retombé à 10,1% en novembre. Et il reste, ce faisant, en deçà du niveau moyen de la zone euro (10,5%).

Plus globalement, le rebond du pouvoir d’achat des ménages (+0,9% t/t, +1,6% a/a) et la poursuite du redressement du taux de marge des sociétés non financières au troisième trimestre (+0,3 point, à 31,2%, un plus haut depuis 2011) viennent également consolider les bases de la reprise. Enfin, nous voyons d’un bon œil le fait que l’inflation ait, légèrement, surpris à la hausse en décembre: elle reste inconfortablement faible mais elle l’est un tout petit peu moins (hausse de 0,2% sur un an de l’ensemble des prix à la consommation et de 0,8% de l’indice sous-jacent de l’INSEE). C’est un autre signe, nous semble-t-il, que la croissance se renforce.

En conclusion, quel chiffre de croissance attendre au quatrième trimestre ? Sur la base des données d’activité disponibles, notre modèle de nowcasting aboutit à une croissance de 0,3% t/t (comme au troisième trimestre). C’est aussi la prévision de la Banque de France (inchangée par rapport à celle de novembre mais 0,1 point plus basse que celle d’octobre). L’INSEE a également abaissé sa prévision entre octobre et décembre, de 0,4% à 0,2%, estimant à -0,1 point chaque l’impact sur la croissance des attentats et de l’hiver doux. Nous avons ajusté notre propre prévision pour les mêmes raisons, à hauteur de -0,1 point, et tablons désormais sur 0,2% de croissance. Verdict le 29 janvier lors de la publication des comptes nationaux préliminaires du quatrième trimestre.

NOTES

  1. La consommation de services marchands devrait aussi reculer, sous l’effet de la baisse des dépenses, due aux attentats, dans l’hébergement-restauration, les loisirs et les transports. Ces données ne sont toutefois disponibles qu’en trimestriel. Il faudra donc attendre le 29 janvier et la première estimation des comptes nationaux pour le quatrième trimestre pour en savoir plus.

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