par Hélène Baudchon, Economiste chez BNP Paribas
• Le redressement de l’inflation reste progressif et alimenté par la contribution des prix de l’énergie, désormais légèrement positive. L’inflation sous-jacente est, quant à elle, légèrement orientée à la baisse.
• Ces tendances devraient se poursuivre à l’horizon 2017 et se traduire par une remontée contenue de l’inflation (+1,3% en glissement annuel fin 2017 contre +0,5% aujourd’hui).
• L’inflation, moins basse, réduira les gains de pouvoir d’achat des ménages. Un net ralentissement de leur consommation devrait s’ensuivre, entraînant avec lui la croissance.
Il y a un an, à la même époque, nous observions que, plus encore que la croissance, l’inflation restait inconfortablement basse en France. Cela reste vrai aujourd’hui. Au troisième trimestre 2016, la croissance s’établit, en effet, à 1,1% en glissement annuel, un rythme identique à celui du troisième trimestre 2015. S’agissant de l’inflation, il y a une apparence de mieux : elle était nulle en glissement annuel en novembre 2015, elle se monte à 0,5% un an plus tard (selon l’estimation préliminaire de l’INSEE). Mais cette accélération est d’ampleur limitée et imputable à la contribution des prix de l’énergie, d’abord de moins en moins négative sur un an et désormais légèrement positive (-0,5 point de pourcentage en novembre 2015, +0,2 point en novembre 2016). L’inflation sous- jacente a, elle, légèrement décéléré sur la période, passant de 0,8% en glissement annuel en novembre 2015 à 0,5% en novembre 2016.
D’après nos prévisions, ces tendances se poursuivraient à l’horizon 2017. Le redressement attendu de l’inflation (0,2% en moyenne annuelle en 2016, 1% en 2017) n’est dû qu’à l’effet de la remontée anticipée des prix du pétrole tandis que l’inflation sous-jacente fléchit légèrement (0,6% en 2016, 0,4% en 2017). Deux facteurs expliquent cette faiblesse de l’inflation sous-jacente. Il y a tout d’abord l’effet du change, l’appréciation passée de l’euro exerçant pour quelques mois encore des pressions baissières sur le prix des biens manufacturés durables. Les effets, inverses, inflationnistes, de la dépréciation récente de la monnaie unique interviendront plus tard, et dans un contexte qui restera caractérisé par d’importantes capacités de production inutilisées. C’est la deuxième explication à la faiblesse de l’inflation.
On ne peut certes pas mesurer précisément l’écart de production (la différence entre le PIB réel et le PIB potentiel), la fourchette large des estimations en atteste (-1,4% en 2016 d’après l’estimation de la Commission européenne ; -1,8% d’après le FMI ; -2,3% d’après l’OCDE). Sa véritable ampleur pose question, avec notamment l’idée que la crise économique et financière de 2008-2009 et la lenteur de la reprise qui a suivi ont non seulement abaissé la croissance potentielle mais aussi le niveau du PIB potentiel. L’écart de production ne serait, en conséquence, pas si grand. Sauf que la faiblesse de l’inflation plaide, au contraire, pour un écart de production encore assez nettement négatif. D’après nos prévisions, il le resterait à l’horizon 2017, le rythme de la croissance attendue égalant à peu près celui de la croissance potentielle (1,1% en moyenne annuelle).
L’ampleur des capacités de production inutilisées s’illustre aussi sur le marché du travail. Le chômage a commencé à diminuer mais il reste élevé. La progression des salaires devrait donc rester très modérée (+1,2% sur un an pour le salaire mensuel de base au troisième trimestre 2016, un plus bas historique). Les salaires ne trouveront, de plus, qu’un soutien limité dans la revalorisation annuelle automatique du SMIC. Etant donné la faiblesse de l’inflation et des hausses de salaires, nous l’estimons à +0,9% au 1er janvier prochain, sans coup de pouce si le gouvernement suit l’avis du comité d’experts. La boucle prix-salaires fonctionne ainsi au ralenti, la faiblesse de l’inflation et la modération salariale s’auto-entretenant.
La faiblesse de l’inflation est ambivalente : symptôme d’une croissance à la peine, c’est aussi un soutien du pouvoir d’achat des ménages, de leur consommation et donc de la croissance. En effet, les gains de pouvoir d’achat observés depuis 2014 (+0,7% en moyenne annuelle, +1,6% en 2015, +2% en glissement annuel au deuxième trimestre 2016) sont largement imputables à l’absence d’inflation. Sa remontée viendra donc réduire ces gains (+1,2% en 2017 selon nos prévisions), qui ne bénéficient par ailleurs que d’un soutien limité de la progression de l’emploi et des salaires. D’où, dans notre scénario, un net ralentissement de la consommation des ménages (en hausse de 1% en 2017 en moyenne annuelle après +1,5% en 2016). Le tassement des gains de pouvoir d’achat pourrait être absorbé par une baisse du taux d’épargne mais le contexte de chômage élevé n’y est pas propice. L’hypothèse la plus probable, d’après nous, est que le taux d’épargne reste à peu près stable, à environ 15% du revenu disponible brut.
Ce scénario est fortement conditionné à l’évolution des prix du pétrole, ce qui introduit une incertitude de taille. Mais, au-delà de sa remontée récente, la balance des risques nous semble pencher en direction de prix du pétrole possiblement moins élevés que prévu à l’horizon 2017, et donc, toutes choses égales par ailleurs, d’une croissance possiblement plus forte.