par Philippe Weber, Responsable Etudes et stratégie chez CPR AM
« Faites-moi de bonne politique, je vous ferai de bonnes finances » Baron Louis.
La situation politique dans plusieurs pays – Etats-Unis, Italie, Allemagne – prend un peu le pas sur l’économie. Cela peut-il avoir des conséquences ? Le risque existe. Aux Etats-Unis, la poursuite de l’affrontement entre républicains et démocrates (ou plutôt entre « Tea Party » et tous les autres) sur la prorogation du budget et surtout sur le plafond de la dette peut finir par avoir des effets économiques sensibles, tout en influant sur la politique de la Réserve fédérale. Quant à la situation politique européenne, même si les plus récents événements sont encourageants, elle pourrait conduire, si elle dégénère, à une nouvelle crise ou, à tout le moins, à un immobilisme durable.
Commençons par les Etats-Unis ; quelle est la situation, et quels en sont les dangers ? La politique budgétaire se trouve confrontée, presque en même temps, à deux écueils. D’une part, comme tous les ans depuis 2009, le Congrès n’a pas voté de budget. Dans ce cas, la procédure normale (si l’on peut dire) est une prorogation du précédent budget, qui permet à l’Etat de fonctionner. Cette fois-ci, la majorité républicaine de la Chambre des représentants a tenté d’échanger cette prorogation contre des modifications substantielles de la réforme de l’assurance-maladie dite « Obamacare » – proposition inacceptable pour le président Obama. L’administration fédérale a donc été conduite à fermer les services « non indispensables », mettant au chômage technique quelque 800 000 fonctionnaires. Dans un premier temps, cela n’aura qu’une incidence minime mais, à la longue, cela freinera la croissance, sans compter l’impact sur la confiance des agents économiques. Pour le moment, les marchés réagissent avec tempérance.
Quel est l’enjeu du plafond de la dette ? Le 17 octobre, la dette fédérale des Etats-Unis devrait atteindre son plafond réglementaire, exprimé en dollars courants et régulièrement réévalué par le Congrès. L’Etat ne pourra alors plus emprunter, ne pourra donc dépenser qu’à hauteur de ses recettes et ne pourra émettre des obligations qu’à hauteur de l’arrivée à échéance de titres anciens. Là encore, la faction proche du mouvement Tea Party n’envisage de relever ce plafond qu’en échange de concessions inacceptables pour la présidence. Le risque est que le Trésor ne puisse pas payer les intérêts sur la dette – ce qui serait, techniquement et juridiquement, un défaut. Nul ne sait quelles conséquences cela aurait sur les marchés – pour le secrétaire au Trésor, M. Jack Lew, ce serait pire que la faillite de Lehman Brothers en 2008.
C’est un peu effrayant ! Pas de solution en vue ? La situation est mouvante et ne permet pas de proposer autre chose qu’un instantané. M. Boehner, président républicain de la Chambre, a déclaré qu’il ne voulait à aucun prix d’un défaut, et certains républicains modérés commencent à hésiter. De plus, selon certains juristes, le Président Obama pourrait relever le plafond de sa propre initiative mais, selon son porte-parole, il n’y songe pas. Ce plafond, exprimé en dollars courants et non en pourcentage du PIB, est, à dire vrai, une étrangeté mais il est là, bien qu’il ait été relevé plus de 90 fois depuis 1940 par des présidents et des Congrès des deux bords. En attendant, on peut imaginer que l’incertitude sur la politique budgétaire a été un des arguments conduisant la Réserve fédérale à s’abstenir de ralentir ses achats de titres dès le mois de septembre.
Et en Europe ? La situation est sans doute moins dangereuse mais les risques existent. En Italie, le gouvernement de M. Letta a obtenu la confiance du parlement et devrait pouvoir se maintenir un certain temps, d’autant que M. Berlusconi a subi un échec cinglant. Mais il n’est pas pour autant tiré d’affaire et la situation reste instable. Une rechute, ou la paralysie du gouvernement entre les souhaits parfois contraires de ses deux principales composantes, pourrait ranimer les tensions.
La situation allemande est-elle plus simple ? On en parle moins, mais la vie politique allemande n’est pas facile en ce moment ! Certes, la démocratie chrétienne de Mme Merkel (CDU-CSU) a obtenu un remarquable succès aux élections législatives mais elle n’a pas la majorité absolue et son partenaire récent, le parti libéral, ne sera plus au parlement. Mme Merkel doit donc chercher à constituer une coalition ; la solution traditionnelle serait une alliance avec les sociaux- démocrates du SPD mais une fraction de ce parti n’en veut pas, une autre a des exigences difficilement acceptables. Aussi, la CDU-CSU a- t-elle fortement entamé des discussions avec les Verts, ce qui pourrait amener à une coalition inédite au niveau fédéral mais déjà expérimentée localement. Pareille nouveauté pourrait apporter des surprises, même si les Verts sont sans doute les plus pro-européens de tous les partis allemands. Néanmoins, le principal risque est l’enlisement des négociations avec l’un ou l’autre des alliés possibles qui traînent en longueur (certains évoquent le début 2014 pour la formation d’un gouvernement !) ou un échec conduisant à de nouvelles élections. Ce ne seraient évidemment pas de bonnes nouvelles.