par Avinash Vazirani, gérant du fonds Jupiter GF India Select chez Jupiter Asset Management
Deux facteurs alimentent notre optimisme concernant les actions indiennes. En effet, selon nous, les marchés indiens devraient voir se poursuivre le rallye initié l’année dernière et qui a permis au BSE IndiaSensex30 (l’indice représentatif du marché actions indien) de gagner plus de 25% en 20121. Tout d’abord, la décision récente de la Reserve Bank of India (RBI) de baisser son taux directeur de 8% à 7.75% a envoyé aux investisseurs un signal fort sur sa volonté de relancer la croissance économique en réduisant les pressions inflationnistes.
Pour nous, il n’est d’ailleurs pas exclu qu’une nouvelle baisse des taux ait lieu rapidement, éventuellement en Mars, puisque la RBI estime que l’inflation est susceptible de « rester bloquée aux niveaux actuels en 2013-2014 »2. L’autre décision de la RBI, aussi positive qu’inattendue, a été d’abaisser le taux de réserves obligatoires des banques (i.e. les montants qu’elles doivent déposer auprès de la RBI). Cette décision va permettre de libérer près de 180 milliards de roupies3 qui pourront alimenter les montants octroyés par les banques comme crédits.
Le plan de versements directs change la donne
En second lieu, mais d’une importance égale, vient le plan gouvernemental longtemps attendu qui remplace les subventions aux ménages les plus pauvres par des versements directs. Ce plan a été mis en place dans 20 districts (sur approximativement 600) et va être étendu progressivement à tout le pays en 20134, calendrier qui nous semble ambitieux. Il remplace un système dans lequel, la plupart du temps, les leaders des conseils de village (gram panchayats) contrôlaient le versement des subventions aux ménages les plus pauvres. Ce système était cependant une porte ouverte aux abus perpétrés par des officiels,en position de préempter un pourcentage de ces subventions avant de les verser aux bénéficiaires légitimes ou d’augmenter les subventions qu’ils recevaient du pouvoir central en enregistrant des demandeurs factices5 (ou des doublons). Cet argent finissait rarement par bénéficier à l’économie domestique, et se retrouvait immobilisé dans les marchés parallèles de l’immobilier, de l’or ou du diamant.
Suppression des intermédiaires
Avec le versement direct des subventions, la faculté pour les officiers civils corrompus ou pour les intermédiaires de prélever leur part de cet argent est largement amoindrie et le nombre de faux (ou les doublons des) bénéficiaires a significativement baissé, si ce n’est devenu nul. Les subventions sont versées directement sur les comptes bancaires des bénéficiaires, comptes liés chacun à un numéro d’identification biométrique unique donne par les autorités. En conséquence, selon nous, plus d’argent ira dans les mains de gens ayant la plus grande propension, et le plus besoin, de dépenser, et les dépenses de l’Etat seront réduites, puisque les « fuites » seront colmatées.
L’impact sur les valeurs financières et les biens de consommation est sous-estimé
Les répercussions de ces changements, du point de vue de l’investissement, sont selon nous les suivantes : les entreprises indiennes ayant pour clientèle le consommateur devraient être les principales bénéficiaires de cette réforme. Ceci se reflète dans notre portefeuille par les 30% que représente maintenant le secteur des biens de consommation. Nous pensons que les analystes sous-estiment l’impact positif sur les entreprises se retrouvant face à des millions de ménages pauvres ayant plus d’argent que jamais en leur possession. Pour nous, il en résulte que les prévisions de croissance des bénéfices de ce type d’entreprise devraient être revues à la hausse.
Les banques, quant à elles, devraient bénéficier d’un nombre accru de nouveaux détenteurs de comptes, donc une base de dépôt importante, et une augmentation des transactions sans numéraire.
A bon entendeur
Cependant, l’incertitude concernant l’économie mondiale vient tempérer ce scénario. Le marché actions indien n’évolue pas dans une bulle et reste vulnérable aux chocs extérieurs, quelles que soient les réformes mises en œuvre pour améliorer la situation domestique. Un nouveau pic de la crise en zone Euro, ou une décision de la Réserve Fédérale de stopper sa politique d’assouplissement quantitatif auraient très certainement des répercussions sur les marchés financiers indiens, plus que sur l’économie.
De plus, le scepticisme concernant la faculté du gouvernement indien à faire passer, et à mettre en place, des réformes a souvent pesé sur les perspectives d’investissement, mais nous croyons que nous allons enfin voir des mesures concrètes. Cette impulsion gouvernementale est largement due aux calendriers électoraux : dans les 12 prochains mois, de nombreuses élections vont se tenir dans les différents Etats du pays, avec pour point culminant des élections nationales au premier semestre 2014. Le gouvernement indien actuel fera tout ce qui est son pouvoir pour s’assurer que les résultats de ces élections aillent dans son sens.
NOTES
- Source: Bloomberg 31/12/11-31/12/12
- Source: Reserve Bank of India: Q3 Review of Monetary Policy 2012-2013 29/01/13
- Source: Citi Research Note : India Macro View 29/01/13
- The Hindu Business Line – print and online (9/1/13)
- Source: UBS Investment Research: India Market Strategy – The politics of cash…and the economics (15/01/13)