Irlande : du mieux, à confirmer

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

En 2011, la reprise irlandaise devrait être vigoureuse (l’acquis de croissance pour 2011 était de 2% à la fin du deuxième trimestre, et nous anticipons une croissance du PIB de l’ordre de 1,6% sur l’ensemble de l’année), différenciant l’île d’émeraude des deux autres pays de la zone euro, la Grèce et le Portugal, bénéficiant de l’aide internationale.

Par ailleurs, les premières étapes du plan de consolidation des finances publiques et de restructuration du système bancaire ont été franchies en avance sur l’agenda. Toutefois, certains risques obèrent la poursuite du redressement économique. Le ralentissement de la demande mondiale, dont l’Irlande est très tributaire, et la baisse ininterrompue des prix sur le marché immobilier pourraient, notamment, nécessiter un renflouement supplémentaire des banques.

Revenue de loin…

Après avoir connu une expansion économique remarquable dans les années 2000 (supérieure à 5% à comparer avec 2% pour la zone euro), le retournement du marché immobilier en 2007 couplé à la crise des subprimes de l’été 2007 a contribué à plonger l’économie (PIB en baisse de 7% en 2009 après -3% en 2008) et le système bancaire dans une crise profonde, de laquelle ce dernier n’aurait pu se relever sans l’intervention de l’Etat et des institutions supranationales.

– L’aide internationale

En novembre 2010, sur la pression de la Banque centrale européenne, le gouvernement irlandais s’est résigné à faire appel à l’aide internationale. Le plan de sauvetage représente EUR 85 milliards dont EUR 45 milliards prêtés conjointement par le FMI et l’Union européenne. Au total, l’aide internationale se monte à 55% du PIB irlandais. Dans le cas de la Grèce, il s’agit de 50%. Chaque tranche du programme irlandais est libérée après une évaluation trimestrielle1 de la Troïka (Union européenne, Commission européenne et FMI). A l’occasion de la réunion des chefs d’Etat de la zone euro, qui s’est tenue le 21 juillet 2011, l’Irlande est parvenue à négocier une réduction d’environ 2,5% de son taux d’emprunt portant sur les 17,5 milliards accordés par le Fonds européen de Stabilisation financière (FESF) ainsi qu’un allongement de la maturité du prêt, de 7,5 ans initialement à une durée comprise entre 15 et 30 ans. En termes de charges d’intérêt, cela correspond à une économie cumulée de EUR 900 millions entre 2012 et 2015 (i.e. 0,6% du PIB). Les mêmes nouvelles conditions sont accordées par le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark sur les prêts bilatéraux consentis à l’Irlande. Ces modifications favorables des termes de l’aide irlandaise ont un impact positif sur le profil d’ajustement des finances publiques du pays et leur soutenabilité à moyen terme.

– De cigale en fourmi

La crise a modifié en profondeur le comportement des ménages. Depuis l’automne 2010, ces derniers privilégient le désendettement et la reconstitution de leur épargne (leur dette est supérieure à 130% du PIB, principalement contractée sous la forme d’emprunts hypothécaires, dont 86% sont à taux fixe). A la veille de la crise, le taux d’épargne des ménages était de 2,2%. En 2010, il a bondi à plus de 19%, alors que sa moyenne de long terme est inférieure à 6%.

L’activité devrait donc continuer de se redresser sans le soutien de la consommation privée, qui ne représentait plus que 62% du PNB à la fin du premier semestre 2011 contre 65% fin 2009. Celle-ci continue de reculer depuis son effondrement de 2008-2009. Au premier semestre 2011, elle s’inscrivait en baisse de 2,5% g.a. après environ – 1% en 2010. En glissement annuel, les ventes au détail se replient depuis le début de l’année, après s’être redressées au premier semestre 2010, en dépit même du ralentissement du déclin du revenu disponible brut des ménages. La consommation privée devrait commencer à se redresser en 2013, une fois le gros des efforts de désendettement passé et les conditions sur le marché du travail améliorées.

Pour l’heure, la reprise est trop faible pour permettre une progression de l’emploi, qui continue de se contracter mais à un moindre rythme (-2,1% g.a. au deuxième trimestre 2011 contre -8,7% au troisième trimestre). Les secteurs les plus exposés à la demande interne sont ceux qui accusent les plus forts replis. Au deuxième trimestre 2011, l’emploi dans le secteur de la construction plongeait encore de 16% g.a. (au plus fort de la crise immobilière, au deuxième trimestre 2009, il se contractait de 36% g.a.). Dans le secteur du commerce de gros et de détail, la chute de l’emploi s’est nettement amortie. Ce dernier ne reculait plus que d’environ 1,5% g.a. au deuxième trimestre 2001, contre -10,2% au deuxième trimestre 2009. A contrario, l’emploi progresse dans les secteurs exportateurs, les plus exposés à la demande mondiale. Ainsi, dans les technologies de l’information, l’emploi progressait de 1% au deuxième trimestre 2011. Plus généralement, le repli de l’emploi est en partie compensé par la baisse continue du taux de participation. Mais les enquêtes PMI ne sont guère encourageantes à cet égard. Les intentions d’embauche reculent dans le secteur manufacturier depuis mai 2011 et dans les services depuis avril 2007.

Fin 2007, le taux de chômage était inférieur à 5%. Trois ans plus tard, il approchait 15%, incitant de nombreux Irlandais à quitter l’île. En 2010, environ 75 000 Irlandais ont émigré à l’étranger. Depuis le début 2011, le taux de chômage ne baisse que progressivement. Il s’est établi à 14,3% en septembre dernier, son repli étant uniquement lié au recul du taux de participation. Plus de la moitié des chômeurs sont en recherche d’emploi depuis plus d’un an, et plus du quart depuis plus de deux ans. Le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de 24% en un an. Toutefois, en dépit des réductions budgétaires qui touchent tous les ministères (à l’exception de la recherche et de l’innovation) les allocations chômage n’ont pas été abaissées.

– Une économie tournée vers le monde

L’lrlande a désormais un fonctionnement à deux vitesses. D’un côté, les entreprises nationales, concentrées dans les services financiers et les technologies d’information ainsi que dans le secteur manufacturier, dépendent d'une consommation intérieure atone, laminée par les mesures d'austérité budgétaire, l’effondrement du marché immobilier et la crise du système bancaire. De l'autre côté, des multinationales exportatrices, installées dans l’île pour bénéficier, entre autres, d’un taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés à 12,54%, le plus bas de la zone euro, sont en bonne santé. En outre, des gains de productivité substantiels ont été obtenus, dans le secteur privé, grâce à l’effet conjugué de la baisse de l’emploi, de la réduction des heures travaillées, de la baisse des coûts unitaires salariaux et d’un différentiel d’inflation toujours favorable avec la zone euro, même après sa sortie de déflation (de mars 2009 à décembre 2010).

L’Irlande est une petite économie très ouverte et désormais très compétitive. Fin 2010, les exportations irlandaises constituaient 100% du PIB et les investissements directs étrangers (IDE) 10%. Cette même année, l’Irlande affichait un excédent commercial de EUR 43,5 milliards, représentant 31% du PIB, le troisième plus important de la zone euro, bien que le pays se situe à la dix-septième place au regard de la taille de son économie. En 2011, la reprise devrait être essentiellement tirée par les exportations, principalement de produits technologiques à haute valeur ajoutée, de produits pharmaceutiques et agricoles. Toutefois, ses principaux partenaires commerciaux sont la zone euro, le Royaume-Uni et les Etats-Unis (environ 80% de ses exportations totales). L’Irlande est donc très sensible à ces économies dont l’activité devrait marquer le pas au deuxième semestre.

Les enquêtes dans le secteur manufacturier indiquent effectivement que l’activité a faiblement progressé au troisième trimestre 2011 et les indicateurs les plus avancés, comme les nouvelles commandes, suggèrent même qu’elle pourrait se contracter au quatrième trimestre, en raison d’un moindre dynamisme des commandes à l’exportation qui ne compenserait pas la morosité de la demande interne. Au deuxième trimestre, la production manufacturière ne progressait plus que de 1% g.a., contre près de 15% au quatrième trimestre 2010.

Dans les services, l’activité se poursuit à un rythme relativement soutenu, toutefois les perspectives ne sont pas encourageantes. L’indice de nouvelle activité de l’enquête PMI services se situe sous 50, en zone de contraction depuis mai et ne cesse de reculer. A 47,5 en septembre, il se retrouvait à son niveau le plus bas depuis décembre 2010. 

 Banques : état des lieux

Le marché immobilier a bénéficié pendant de nombreuses années de l’accès à un financement bon marché, via des taux d’intérêt réels très faibles, voire négatifs, de l’augmentation rapide du revenu des ménages et de la globalisation des marchés financiers. A la veille de la crise, les prix immobiliers progressaient de plus de 15% en glissement annuel, tandis que l’investissement immobilier représentait 14% du PNB irlandais, deux fois plus en moyenne que dans l’Union à 15. Les secteurs immobilier et de la construction ont exercé un effet d’éviction sur le reste de l’économie, en particulier sur le secteur marchand. Cette évolution s’est reflétée dans la balance courante. A partir de 2003, celle-ci s’est inscrite progressivement dans le rouge.

L’explosion de la bulle immobilière en 2007 a directement touché le système bancaire irlandais, qui avait largement contribué à son financement, prêtant à long terme en euro et empruntant à court terme en devise, ce qui représente une exposition massive au risque de change. Les actifs nets en devises du système bancaire irlandais ont ainsi explosé entre 2003 et 2007, de 10% du PNB à 60%.

– De la crise de liquidité à la crise systémique

Pour éviter la faillite de son système bancaire2, l’Etat irlandais est intervenu directement auprès de ses banques. Il a décidé, dans un premier temps, une extension du système de garantie des dépôts, portant sur EUR 375 milliards, 240% du PIB et s’appliquant à tout type de dépôts, y compris les dépôts interbancaires, les obligations, les titres de dettes de première catégorie mais aussi certaines dettes subordonnées. Dans un deuxième temps, lorsqu’il devint évident qu’il ne s’agissait plus uniquement d’une crise de liquidité mais bien d’une crise systémique, l’Etat prit des participations partielles ou totales3 dans le capital des banques affectées. Ces dernières furent tout d’abord financées sur les liquidités du Fonds de Réserve nationale des Retraites (National Pension Reform Fund – NPRF4). Les autorités ont recapitalisé AIB et BoI et nationalisé Anglo en janvier 2009.

Une structure de défaisance des créances toxiques, principalement liées aux opérations immobilières, a été mise sur pied en avril 2009, la NAMA (National Asset Management Agency). A ce jour, la NAMA a racheté plus de EUR 70 milliards d’actifs aux banques participantes, sa capacité maximale d’achat d’actifs étant de 80 milliards. La NAMA les a acquis avec une décote moyenne de 58%. Si elle venait à faire des profits, elle les reverserait à l’Etat.

Ces décisions n’ont toutefois pas suffi à restaurer la confiance dans le système bancaire. L’accès aux marchés de capitaux devenait de plus en plus difficile pour les banques irlandaises. Les primes sur swaps de défaut de crédit (CDS) s’étaient inscrites à un nouveau record de 519 points de base, à l’automne 2010. L’écart de rendement entre le papier à 10 ans irlandais et le Bund allemand de même échéance avait atteint 461 points de base, un plus haut depuis la création de l'euro. Les banques irlandaises recourraient, massivement, aux facilités de financement de la Banque centrale européenne et aux allocations d’urgence de liquidité de la Banque centrale irlandaise. Fin 2010, les autorités de l’île ont dû faire appel à l’aide internationale.

Entre fin 2010 et mai 2011, les banques nationales ont réduit leurs engagements de EUR 7,2 milliards, (dont EUR 4,4 milliards de liquidation d’emprunts, de EUR 1,8 milliard de ventes d’actifs). Au total, 10% des objectifs fixés pour fin 2013 ont été atteints à ce jour. D’ici à 2013, le ratio de prêts sur dépôts devrait passer de 180% à fin 20105 à environ 120%. La réalisation de cet objectif nécessite la vente de EUR 73 milliards d’actifs dont 70% sont détenus hors d’Irlande. Dans son rapport de septembre 2011, la Commission européenne estime que les ventes d’actifs, qui ont été faibles jusqu’au milieu d’année, pourraient progresser significativement au second semestre 2011.

– Des tests de résistance plus stressés que ceux des autres pays européens

La restructuration des bilans bancaires a pris un tournant décisif avec la publication du Prudential Capital Assessment Review (PCAR) et du Prudential Liquidity Assessment Review (PLAR) en mars 2011, menés par la Banque centrale d’Irlande avec le concours de BlackRock. Ces tests de résistance ont donné une estimation transparente et rigoureuse des besoins en fonds propres des banques. En outre, ils reposaient sur des hypothèses conservatrices et des paramètres stricts (pour une revue exhaustive des résultats des stress tests, voir Céline Choulet in Ecoweek 11-14 «Banques irlandaises : un soutien à double tranchant»). Après leur publication, les banques irlandaises se sont recapitalisées à hauteur EUR 24 milliards dont 16,5 milliards sous forme d’argent public. Les tests de résistance conduits, par la suite, par l’Autorité bancaire européenne (EBA) ont indiqué que les banques irlandaises ne nécessitaient pas d’efforts supplémentaires de recapitalisation par rapport aux exigences du PLAR 2011.

Le Département des Finances irlandais a joué, jusqu’à présent, un rôle central. Il a élaboré un nouveau cadre de gouvernance qui doit permettre une appréciation plus prudente des portefeuilles de créances douteuses, une transparence renforcée de la situation du système bancaire, la publication de nouvelles lignes de conduite pour évaluer les collatéraux bancaires et l’introduction d’une centrale de renseignement sur les crédits.

En outre, le rôle de la Banque centrale irlandaise a été renforcé, tant du point de vue du respect des exigences réglementaires que de l’intervention ponctuelle auprès du système bancaire (cf. annexe 1). Par ailleurs, une unité spéciale a été créée au sein du Département des Finances pour exercer un rôle de conseil auprès du gouvernement dans le domaine des risques systémiques et des mesures afférentes pour limiter ces derniers. Enfin, un conseil de gestion économique, un comité de stabilité bancaire et un comité de désendettement ont été mis sur pied. L’implication du Département des Finances est plus directe et pragmatique désormais et correspond probablement à cette première étape du processus de restructuration du secteur bancaire national, en particulier en ce qui concerne son désendettement qui est clé pour réduire la dépendance du secteur bancaire au refinancement auprès de la BCE. A l’échelle des banques, les membres du conseil et les dirigeants ont été progressivement remplacés. Aucun président ou directeur général en fonction en 2009 ne siège aujourd’hui aux mêmes fonctions. Du gouverneur de la Banque centrale irlandaise aux dirigeants des principales banques encore présentes, on ne trouve que des « nouvelles têtes ».

Un fois recapitalisé et restructuré, le secteur bancaire irlandais devrait reposer sur deux banques universelles, BoI et AIB-EBS, sans oublier ILP, et sera reprivatisé.

Assainissement des finances publiques

La récession et la crise bancaire ont profondément modifié la situation des finances publiques irlandaises qui affichaient encore, fin 2007, une santé à toute épreuve avec un solde des administrations publiques en équilibre et un ratio de dette sur PIB de 25%. Le déficit public a atteint 32% en 2010 (11,9%, hors mesures de recapitalisation du système bancaire). De même la dette publique a explosé. A 25% du PIB en 2007, elle s’établissait à 95% en 2010.

– Après le pain blanc, le pain noir

A l’automne 2008, les autorités publiques mirent en place les premières mesures d’austérité visant à rectifier les déséquilibres, en ligne avec la procédure européenne de déficit excessif. Entre 2008 et 2010, l’ensemble de celles-ci s’est monté à EUR 14 milliards, 9% du PIB. Dans la fonction publique, les coupes successives de salaires ont atteint 14,5% pour la seule année 2010 et un gel de quatre ans à partir de 2011 a été convenu. Une baisse de salaires de 10% pour les nouveaux entrants a été décidée. En outre, la réforme des retraites pour les nouveaux fonctionnaires dans la fonction publique à partir de 2011 a été votée fin septembre 2011. La pension versée sera calculée à partir des rémunérations moyennes perçues sur l’ensemble de la carrière (et non plus à partir de la rémunération de la dernière année) et ajustée sur l’inflation. Enfin l’âge de départ à la retraite sera progressivement repoussé de 66 ans à 70 ans. Par ailleurs, aucun départ à la retraite ne sera remplacé. La Commission européenne estime que la charge des retraites dans le secteur public sera ainsi diminuée de 35%.

En novembre 2010, l’accord avec l’Union européenne et le Fond monétaire international a entraîné la mise en œuvre d’un nouveau programme d’austérité pour ramener le déficit sous 3% du PIB en 2015. Deux tiers des nouvelles mesures correspondent à des coupes de dépenses (de fonctionnement et d’investissement). Entre 2011 et 2014, l’ensemble des mesures de consolidation, introduites par le Plan de Reprise nationale, représente EUR 15 milliards d’économies, 10% du PIB, dont EUR 5,3 milliards ont été introduits en 2011.

Le dernier rapport de la Commission européenne (septembre 2011) sur le programme de stabilisation des finances publiques irlandaises souligne les progrès faits par l’administration pour honorer ses engagements. En particulier, les recettes fiscales du premier semestre 2011 sont supérieures de 0,3% aux prévisions de la Commission européenne du printemps dernier. Par ailleurs, les dépenses du premier semestre sont, elles aussi, inférieures de 1,5% aux prévisions. Pour l’ensemble de l’année, la Commission anticipe un repli du déficit budgétaire à 10,2%, inférieur à l’objectif affiché (10,6%). En outre, ces nouvelles prévisions tiennent compte à la fois des mesures prises dans le cadre de l’Initiative pour l’Emploi 2011-2014, qui sont neutres d’un point de vue budgétaire, et des données du premier semestre pour les rentrées fiscales. A l’occasion du prochain budget, où devrait être présenté le plan de consolidation des finances publiques pour 2011 – 2015, le gouvernement pourrait annoncer des économies proches de EUR 4 milliards, à comparer avec EUR 3,6 milliards annoncés. Ce plan présentera les prévisions de dépenses et de recettes annuelles sur la période ainsi que les ajustements nécessaires pour respecter les engagements pris dans le cadre de la procédure de déficit excessif. Le Conseil consultatif budgétaire irlandais (L’IFAC est un organisme indépendant chargé de conseiller le gouvernement en matière budgétaire, créé dans la foulée du plan d'aide international) recommande une réduction du déficit à 8,4% du PIB en 2012, soit 0,2 point sous celle prévue dans le programme de stabilisation des finances publiques. L’IFAC prône à terme un déficit de 1% en 2015, alors que l’objectif actuel est de 2,8%.

Selon le programme de consolidation budgétaire et compte tenu des hypothèses de croissance retenues (2,8% en moyenne sur la période 2013-2015, après 0,6% en 2011 et 1,9% en 2012), le déficit devrait, sans trop de difficultés, être ramené de 7,5% en 2013 à moins de 3% en 2015. Par ailleurs, le ratio de dette publique rapportée au PIB devrait se stabiliser à partir de 2013, autour de 119%, pour commencer à reculer l’année suivante.

L’Etat doit encore préciser la manière dont il entend se désengager des actifs nationalisés, ce qui devrait, d’une part contribuer à renforcer la compétitivité globale de l’économie et, d’autre part, réduire les besoins de financement de l’Etat.

Un avenir plus vert ?

La mise en œuvre de la réforme du secteur financier se poursuit. Elle donnera naissance à un secteur bancaire plus concentré, capable de financer l’économie irlandaise. La réduction de la taille des bilans limitera aussi la dépendance des banques vis-à-vis de la Banque centrale européenne, via les opérations de refinancement6.

La conduite des examens PCAR/PLAR 2011 a contribué à renforcer la confiance dans le secteur. De ce point de vue, la nature des relations entretenues entre l’Etat-actionnaire et les comités de direction des banques, renouvelés récemment, sera déterminante. Elle aura une influence sur l’intérêt que pourront porter, à l’avenir, les investisseurs étrangers aux institutions financières de l’île, une fois restructurées et reformatées aux besoins de financement de l’économie irlandaise. Par ailleurs, la décision d’appliquer à l’Irlande les mêmes conditions que celles accordées à la Grèce pour son second plan d’aide à la suite de la réunion des chefs d’Etat de la zone euro, le 21 juillet (abaissement du taux d’emprunt de l’aide internationale couplé à l’allongement de sa maturité) devrait lui permettre de ne pas retourner sur les marchés obligataires avant longtemps, à savoir le deuxième semestre 2013, voire 2014.

En conséquence, l’écart de taux à 10 ans avec le Bund allemand s’est nettement rétréci, revenant vers 600 points de base, ses niveaux de novembre 2010. Il avait atteint, mi-juillet, un pic de près de 1200 points, à la suite de l’abaissement par Moody’s de la note de l’Irlande à Ba17, reléguant l’île à la catégorie des investissements dits « spéculatifs », avec des perspectives négatives. L’agence de notation a justifié sa décision par «la probabilité croissante que, à l’issue du programme actuel de soutien de l’UE et du FMI, fin 2013, l’Irlande ait besoin de nouveaux financements supranationaux avant de pouvoir revenir sur les marchés de capitaux». L’agence reconnaissait toutefois que « le pays a fait preuve d’un engagement fort en faveur de la consolidation budgétaire et qu’il a, jusqu’à présent, atteint les objectifs de son programme ». Fitch et Standard & Poor’s ont, quant à elles, conservé, l’une comme l’autre, leur notation inchangée, à BBB+, trois crans au-dessus de la catégorie des investissements spéculatifs, assorti de perspectives stables.

Certains risques demeurent. D’une part, le pays reste exposé, certes moins que d’autres, au risque de contagion de la crise de la dette souveraine dans la zone euro. Seule une consolidation réussie de ses finances publiques, une hausse de la compétitivité et un retour durable à une croissance plus équilibrée pourront convaincre les marchés financiers du bien-fondé des décisions prises par le gouvernement irlandais pour assurer la soutenabilité à moyen terme de ses finances publiques.

Pour l’heure, le pays est engagé dans la bonne voie. Toutefois, la poursuite de la politique actuelle d’austérité pourrait provoquer, tôt ou tard, un effet de lassitude dans la population.

D’autre part, les fondamentaux économiques de l’île sont encore fragiles. Au-delà des facteurs qui pèsent sur le revenu disponible des ménages et la demande interne (évolution incertaine du marché immobilier8, conditions de crédit tendues, anticipations de resserrement de la politique monétaire européenne), la reprise irlandaise est fortement dépendante de la vigueur de ses exportations et donc de celles de ses principaux partenaires commerciaux. Un ralentissement de la croissance irlandaise, à 1% en moyenne entre 2012 et 2015 (l’OCDE évalue la croissance potentielle à 2,8%), rendrait plus difficile le respect des engagements 2011 du programme de stabilité et des objectifs du plan d’aide internationale.

NOTES

  1. La dernière mission de la Troïka, en juillet 2011, a rendu un avis favorable sur le programme de stabilisation irlandais. Jusqu’à présent, l’Union européenne et le Fonds monétaire International ont versé EUR 22,2 milliards (dont EUR 17,8 milliards au premier trimestre 2011 et EUR 4 milliards au deuxième trimestre 2011) dans le cadre de leur programme d’aide, soit 14,3% du PIB irlandais. Ce montant correspond à un tiers de l’aide internationale prévue dans le programme (EUR 67,5 milliards). Quinze milliards ont été financés sur les fonds européens : 11,4 par le Mécanisme européen de Stabilité et 3,6 par le Fonds européen de Stabilité Financière. Le paiement des tranches suivantes du deuxième semestre 2011 ont été confirmées au cours de la mission conjointe de l’Union européenne et du FMI : EUR 4,5 milliards au troisième trimestre 2011 et 11,5 au T4 2011. Le principe du versement des tranches pour 2012 et 2013, respectivement EUR 19 et 10,3 milliards, a été approuvé.
  2. Avant la crise, le système bancaire irlandais comptait trois principaux établissements (Bank of Ireland (BoI), Anglo Irish Bank (Anglo) et Allied irish Bank (AIB)) et trois autres établissements de plus petite taille (Education Building Society (EBS), Irish Nationawide Building Society (INBS) et Irish Life and Permanent (ILP).
  3. L’Etat a recapitalisé ses banques pour plus de EUR 46 milliards : EUR 35,6 milliards pour Anglo Irish bank, Irish Nationwide Building Society et Educational Building Society d’une part et EUR 10,7 milliards investis par le NPRF dans Allied Irish Bank (EUR 7,2 mds) et Bank of Ireland (EUR 3,5 mds).
  4. En 2001, le gouvernement irlandais a mis sur pied le Fonds national de Réserve des Retraites (National Pension Reserve Fund – NPRF). Celui-ci devait être abondé chaque année par l’Etat, à hauteur de 1% du PNB. En 2007, la valeur du NPRF était de EUR21 milliards. En 2009, le gouvernement a décidé qu’une partie de ces actifs pourrait être utilisée pour recapitaliser les banques en difficulté et financer certaines dépenses d’investissement. Fin 2010, compte tenu de ces dispositions, l’actif du NRPF n’était plus valorisé qu’à EUR 5,3 milliards.
  5. L’actif total des institutions financières irlandaises représentait près de onze fois le PIB national en 2010.
  6. La restructuration de l’activité bancaire a comme contrepartie la cession d’actifs, sources de croissance, à l’international comme sur le plan national. Elle limite la diversification géographique et qualitative (prêts immobiliers aux résidents) de l’encours de prêts en portefeuille.
  7. L’Irlande a perdu son triple AAA en avril 2009.
  8. Le marché ne semble pas avoir atteint son point bas. La baisse se poursuit. En août dernier, les prix immobiliers reculaient encore de 1,6% m/m, 13,9% g.a. sur l’île. C’est à Dublin que la décrue était la plus marquée (-3,8% m/m, 14,9% g.a.). Il reste une offre pléthorique d’espaces commerciaux et de bureaux qui devrait contribuer à déprimer l’investissement immobilier au cours des prochains trimestres.

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