Italie : le “catenaccio” budgétaire de Berlusconi

par Cédric Thellier, économiste chez Natixis

Devant la défiance des marchés vis-à-vis de la dégradation des finances publiques européennes, les gouvernements annoncent à tour de rôle des plans de consolidation budgétaire. Après la Grèce, le Portugal et l’Espagne, l’Italie a dévoilé cette semaine sa feuille de route en vue de respecter les engagements pris auprès de la Commission européenne en début d’année, visant à ramener son déficit public sous l’objectif fixé dans le Pacte de Stabilité et de Croissance, soit moins de 3% dès 2012.

Les points essentiels du plan italien sont les suivants :

  • Un collectif budgétaire de 25 milliards d’EUR, soit 1,5 point de PIB, portant sur les années fiscales 2011 et 2012. En effet, comparativement à ses homologues européens, le plan de relance national avait été modeste en 2009 (de l’ordre de 0,3 à 0,4 point de PIB), et l’ouverture du déficit public relativement modérée, s’affichant à 5,3% soit un point de mieux que la zone euro dans son ensemble. L’urgence et l’ampleur de la consolidation requise sont donc nettement moindres qu’en Grèce par exemple.
  • L’essentiel (2/3) des mesures portent sur la maîtrise des dépenses, avec au menu : gel des salaires et des embauches dans la fonction publique, report de certains départs en retraite pour les agents de l’Etat mais aussi dans le secteur privé, diminution des transferts vers les collectivités locales, réduction de 10% des budgets ministériels, baisse de 10% du traitement des ministres…
  • Du côté des recettes (1/3), le gouvernement ne veut pas « prendre dans les poches des ménages » et n’augmentera donc pas les impôts. Toutefois, une taxe additionnelle de 10% frappera les bonus et autres stock-options. Mais, en substance, le surplus attendu de recettes fiscales doit passer par une meilleure efficacité du système actuel. Ce qui se traduira par un renforcement de la lutte contre la fraude et une « chasse au gaspi ».

Si ce plan annoncé a reçu le soutien du FMI, de la Commission européenne mais aussi des agences de notation, en l’occurrence Moody’s a estimé qu’il devrait rassurer les marchés sur la volonté du pays de réduire ses déficits, la partie n’est pas encore gagnée sur le plan politique pour le gouvernement. Loin s’en faut. En effet, malgré certaines mesures symboliques (taxation des bonus et stock-options, réduction du traitement des ministres), l’opposition et les syndicats sont montés au créneau et une grève générale est déjà programmée pour le mois de juin. Les critiques visent notamment les coupes budgétaires qui affecteront des domaines aussi sensibles que la santé et l’éducation.

Or l’éducation renvoie à un problème structurel de l’économie transalpine : les faibles gains de productivité qui pèsent sur sa compétitivité et limitent le potentiel de croissance. Et c’est bien là que le bât blesse.

Certes, les finances publiques italiennes ne sont pas en si mauvaise santé que d’aucuns pourraient le penser ou le faire accroire. En réalité, le pays affiche l’une des meilleures performances de la zone euro en termes de solde budgétaire primaire (hors charge d’intérêts sur la dette), l’excédent traditionnellement enregistré n’ayant été remis en cause qu’avec la récession historique de 2009. Il n’empêche, le fardeau de la dette publique, qui ponctionne près de 5 points de PIB par an (70 mds EUR), ne sera pas réduit sans un retour de la croissance. Sur ce point, les prévisions du gouvernement sont clairement optimistes : 1% en 2010, 1,5% en 2011 et 2% en 2012, lorsque nous tablons respectivement sur 0,6%, 0,5% et 1%. Les rentrées fiscales seront donc nettement moindres qu’attendu.

La rigueur des italiens est certes plus notoire en termes de jeu défensif dans le monde du football qu’en termes de gestion des finances publiques – ils font même mieux que les Allemands en la matière1. Néanmoins, même en accordant le bénéfice du doute au gouvernement Berlusconi sur la concrétisation et l’efficacité du plan de consolidation annoncé, le retour du déficit budgétaire sous les 3% à horizon 2012 est peu probable, faute de croissance soutenue.

L’équipe Berlusconi ne semble donc pas en mesure de remporter le match de la consolidation budgétaire au terme du temps réglementaire. Toutefois, l’arbitre bruxellois fera probablement jouer les prolongations (1 an, 2 ans ?) et là, il faudra être décisif !

NOTES

  1. L’Inter Milan a récemment battu le Bayern Munich en finale de la Ligue des Champions 2 buts à 0 !!

Retrouvez les études économiques de Natixis