par Sophie Mametz et Thuy Anh Nguyen, économistes chez Natixis
Le recul de la demande privée suite au retournement de la conjoncture internationale a dégradé fortement le solde courant japonais. Pour la première fois depuis 1996, au mois de janvier, ce pays a enregistré un déficit de la balance courante. Nous revenons plus en détail sur les causes de ce déficit, pour ensuite appréhender le nouvel équilibre de la balance des paiements.
Tout d’abord, rappelons que le compte courant se compose de trois parties : le commerce de marchandises (exportations et importations de biens) et de services ; les revenus d’investissement (i.e le paiement des intérêts et des dividendes des avoirs et engagements financiers entre les pays) ; les transferts unilatéraux (i.e. autre type de transaction sans contrepartie mesurable comme l’aide étrangère,…).
Le déficit courant est surtout lié au déficit commercial et à la baisse du surplus du compte de revenu.
Premièrement, pour le troisième mois consécutif la balance commerciale s’est inscrite en baisse (JPY -844,4 Mds en février contre JPY -197,9 Mds en janvier). Ce fort repli résulte de la détérioration de la demande étrangère en raison de l’ampleur de la crise globale. Le Japon est un des plus grands exportateurs. Or, depuis octobre 2008, les exportations totales japonaises reculent fortement (-49,4% en février, après -45,7% et -35% en GA respectivement en janvier et décembre). Les importations se sont inscrites en baisse de -31,9% en GA en janvier contre -21,5% en GA en décembre. Le recul des exportations, plus marqué que celui des importations, a ainsi pénalisé le solde commercial.
Deuxièmement, nous constatons aussi une importante baisse des surplus de revenus d’investissements de -31,5% en GA pour s’établir à 992,4 Mds de yens. Il s’agit de la plus forte baisse depuis l’an 2000. Cela n’a rien de surprenant dans le contexte de crise financière globale : les rendements financiers des pays étrangers ont fortement reculé, faisant baisser les revenus des investissements en portefeuille des japonais.
La baisse des profits des entreprises japonaises (-57% en GA en T4 2008, soit le plus bas niveau depuis 1974) vient contraindre les dépenses des entreprises, et notamment leur politique d’investissements directs à l’étranger ce qui entraîne le fort repli des revenus à partir de ces investissements directs (-20,5% en GA en janvier). Du côté du compte financier, les chiffres publiés pour ce mois de janvier nous confirment un net recul des flux de capitaux entre le Japon et le reste du monde, montrant que le Japon n’est plus en position de créditeur vis-à-vis du reste du monde. En fait, le compte financier est devenu de plus en plus déficitaire traduisant de fortes baisses de ses trois postes, i.e, investissements directs, investissements en portefeuille et autres investissements, ce dernier comprenant les prêts, les crédits commerciaux et dépôts (les engagements sont supérieurs aux avoirs).
Globalement, les comptes courant et financier sont récemment devenus déficitaires, plaçant le Japon en position de débiteur vis-à–vis du reste du monde. Compte tenu de la dégradation des variables macroéconomiques fondamentales (la contraction du PIB et l’ampleur du déficit courant), les pressions à l’appréciation de la monnaie domestique devraient donc s’atténuer. Même si à l’heure actuelle, le yen est une valeur « refuge » dans ce contexte de risques élevés, cette devise devrait se déprécier dans une perspective de plus long terme (100-104-110 prévus à 3-6 mois et un an).