par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
La BCE passera-t-elle son tour en juin ? La réponse semble être positive. En effet, JC Trichet n’a pas clairement ouvert la porte à une hausse de taux, lors de sa conférence de presse, en omettant dans son discours la fameuse expression « strong vigilance » qui précède en général tout resserrement monétaire.
Mais il continue cependant de souligner que les risques sur l’inflation restent orientés à la hausse et que la politique monétaire est encore « accommodante » (vs « très accommodante » lorsqu’il souhaite augmenter les taux). Au total, il semblerait qu’une hausse de taux ne soit pas programmée pour le mois de juin mais plutôt pour début juillet.
En mars, JC Trichet avait déclaré qu’à ce moment-là le comité n’avait pas décidé que la hausse d’avril serait la première d’une série de resserrements monétaires, excluant l’idée que le cycle de hausses de taux commençait. Mais qu’entend-on par cycle ? Une hausse tous les deux ou trois mois ?
Par ailleurs, la situation évoluant, la BCE se donne le droit de changer d’avis, serait-ce le sens de la phrase qui a été ajoutée au discours stipulant que « maintenir la stabilité des prix à moyen terme est le principe qui nous guide, que nous appliquons quand nous analysons de nouvelles informations, pour former notre jugement et décider d’un éventuel ajustement de l’orientation accommodante de la politique monétaire ».
A ce stade, le discours de la BCE n’évolue guère que ce soit sur la croissance ou sur l’inflation : sur la première, Trichet reste positif soulignant que « les statistiques récentes confirment la dynamique positive sous-jacente de l’activité ».
Selon lui, les risques sur la croissance restent équilibrés tout en précisant que l’incertitude est forte. Sur l’inflation, les risques restent orientés à la hausse.
De notre côté, nous avons sensiblement revu nos prévisions à la hausse au cours des derniers mois. Concernant la croissance, nous pensons désormais que la zone euro pourrait enregistrer une croissance de 1,5% en 2011 (vs 1,2% précédemment), principalement en raison du dynamisme de l’Allemagne que nous avions sous-estimé (2,7% attendu en 2011) alors que la croissance dans les autres pays serait beaucoup plus modeste. La croissance française progresserait de 1,5% en 2011 (pas de révision), la déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur des entreprises (qui n’a pas encore eu lieu) s’ajoutant à la faiblesse du pouvoir d’achat liée au renchérissement du pétrole. Les pays périphériques subiraient les effets négatifs des plans d’austérité mis en place : la Grèce resterait en récession, le Portugal y reviendrait (après une année dans le vert en 2010) alors que l’Espagne et l’Irlande pourraient renouer avec une très faible croissance. L’optimisme de la BCE peut se justifier par un optimisme sur l’Allemagne mais clairement pas sur les perspectives pour l’Europe du sud qui restent très dégradées.
Sur le front de l’inflation, nous avons, à nouveau, revu à la hausse nos projections de prix du pétrole (de 100$ pour le brent en moyenne en 2011 à 116$) et en corollaire d’inflation (de 2,3% précédemment à 2,6%). L’inflation de la zone euro atteindrait un pic proche de 3% cet été mais le passage sous 2% en début d’année 2012 serait de courte durée…
En effet, le prix du pétrole se stabiliserait autour de 115$ le baril en 2012. Au total, le choc pétrolier ne serait plus si temporaire qu’initialement anticipé impliquant davantage de transmission dans les prix des produits finis et aux autres secteurs de l’économie, le fameux « pass through ». En d’autres termes, l’inflation sous-jacente devrait augmenter fin 2011 et en 2012. Pour autant, la persistance du taux de chômage à un niveau élevé constitue toujours, selon nous, un frein crédible à tout dérapage des salaires dans la zone euro.
Ainsi, il nous semble que dans ce contexte, la BCE pourrait être tentée de relever encore deux fois le taux refi cette année le portant à 1,75% fin 2011 (vs 1,50% dans notre scénario précédent) avant de faire une pause au premier semestre 2012. Puisqu’une hausse en juin semble maintenant peu probable, elle devrait selon toute vraisemblance avoir lieu en juillet. Si la BCE s’en tient à ses déclarations du mois de mars (pas de cycle), la troisième hausse de taux aurait plutôt lieu en fin d’année (décembre) laissant quatre comités de statu quo entre les deux mouvements, ce qui est assez proche des anticipations de marché.
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