La BCE l’arme au pied

par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, Xavier d’Ornellas, Gérant Associé Pôle Gestion Flexible, avec la participation de Jean-Michel Mourette, économiste

Les derniers chiffres de conjoncture nous confortent dans notre opinion positive exprimée ici à diverses reprises : l’économie mondiale, notamment dans les pays développés, a retrouvé une évolution favorable. Même les pays émergents qui connaissent aujourd’hui un net ralentissement, restent sur des rythmes de croissance élevés. Pourtant, beaucoup de commentateurs ne continuent de voir que le verre à moitié vide, et occultent les progrès réalisés.

Rappelons qu’en 2008 le système financier a failli sauter et que, sans les plans de sauvetages massifs organisés par les Etats et les banques centrales, nous aurions probablement connu une grande dépression comme dans les années 30. Le coût de ce sauvetage est immense, et nous n’avons pas fini de payer la facture, mais que ce serait-il passé sans ce plan d’ampleur ?

Le quantitative easing illimité initié par la Federal Reserve américaine, vite imitée par les Banques d’Angleterre et du Japon, a permis à ces pays de sortir de situations économiques très précaires. La croissance américaine, qui devrait approcher les 3% cette année autorise même un arrêt progressif, et pour l’instant bien supporté, de cette politique expansionniste. Voyons le chemin parcouru et intéressons nous à l’avenir.

Aujourd’hui, parmi les pays développés, seule la zone euro n’a pas eu recours à cette arme monétaire. La BCE tient la plus grande partie de son ADN de la banque centrale du pays leader, l’Allemagne, gardienne de l’orthodoxie monétaire. L’austérité était imposée, pour réduire le train de vie des Etats, restaurer les finances publiques des pays cigales et retrouver de la compétitivité. Seul l’objectif comptait et cette politique a provoqué une profonde récession dans l’Europe périphérique.

Aujourd’hui, nous entrons dans une deuxième phase pour relancer la machine. L’Espagne, le Portugal ont annoncé des baisses d’impôts ainsi que l’Italie, dont le nouveau 1er ministre est apprécié de Madame Merkel. Pendant sa dernière conférence de presse, Monsieur Draghi a expliqué que désormais l’une des tâches prioritaires de la BCE serait de remettre en route les activités de crédit, oxygène de l’économie, et que le niveau de l’euro devenait un sujet de préoccupation. Les marchés ont entendu le message puisque le dollar est immédiatement remonté. Alors que l’économie se stabilise en Europe, soutenue notamment par la croissance dans le reste du monde, ce changement de politique ne peut que contribuer à restaurer la confiance. Si notre rythme d’activité reste encore à des niveaux trop bas pour permettre au chômage de refluer et aux déficits de se résorber, la dynamique est enclenchée.

Les marchés, toujours en mal de sujets d’inquiétude, regardent de près l’inflation qui continue de baisser (0,5%, niveau très en deçà de l’objectif de 2% de la BCE) et y voient un risque de déflation. Le Japon, où la Banque Centrale et les politiques n’ont rien fait pendant des années pour enrayer le phénomène, en sort à peine au bout de 20 ans. Le parallèle est tentant mais nous ne pensons pas que la situation européenne soit aujourd’hui comparable. Certains Etats, comme l’Espagne, ont besoin d’une inflation inférieure de 1% à la moyenne européenne pour regagner de la compétitivité. Des prix très bas font leur affaire. Les intérêts sont donc divergents entre les pays, ce qui est le propre d’une zone hétérogène comme l’Europe et qui rend compliqué une politique monétaire optimale. Par ailleurs la saisonnalité et les décalages statistiques actuellement défavorables, devraient entraîner par la suite des chiffres d’inflation un peu plus élevés.

Notre conviction est que la BCE est aujourd’hui l’arme au pied et peut agir à tout moment si les menaces déflationnistes globales en Europe se précisaient. Paradoxalement, cette intervention serait une bonne nouvelle pour les marchés, provoquant probablement une hausse des actions, le maintien de taux très bas, et la baisse de l’euro.

Quelles que soient les raisons, surcroit d’activité se traduisant par une hausse des résultats des sociétés, ou intervention de la BCE, notre scénario positif sur les actions, particulièrement en Europe, se trouve conforté. Les secteurs ou les sociétés ayant la possibilité de maintenir ou d’accroître leurs prix deviennent des choix privilégiés. Ce concept du pricing-power est le thème d’investissement de notre fond Amplégest Multicaps.