par Franck Dixmier, Global CIO Fixed Income chez AllianzGI
- Très en retard, la BCE devrait agir fort lors de sa prochaine réunion de politique monétaire, avec une première hausse de taux de 50bp. Face à une inflation qui continue d’augmenter, et la chute de l’euro face au dollar, la BCE n’a d’autre choix que de passer à une action vigoureuse.
- Christine Lagarde devrait également donner des précisions sur l’outil anti-fragmentation annoncé en juin. Le moindre doute des marchés quant à la détermination de la BCE à utiliser un mécanisme ad-hoc alimenterait la hausse des spreads entre pays de la zone euro.
Très en retard dans la normalisation de sa politique monétaire, la Banque centrale européenne ne peut plus attendre. Christine Lagarde, sa présidente, devrait donc adopter un ton hawkish, et passer enfin à l’action, avec une première hausse de taux de 50bp, contrairement aux 25bp anticipés par les marchés. Difficile en effet d’imaginer de passer l’été en taux négatifs alors que l’inflation n’en finit pas de progresser en zone euro, avec 8,6% en mai et un pic encore devant nous. La chute de l’euro contre le dollar -qui renchérit les prix des matières premières- est un argument supplémentaire pour la Banque Centrale de démontrer sa détermination.
Par ailleurs, la BCE ne doit pas analyser la chute brutale des anticipations d’inflation des dernières semaines comme un allègement de la pression à augmenter les taux vite et fort. Certes, le 5Y5Y swap inflation, après un pic à 2,50% début mai est tombé à 2% mi-juillet, soit la cible de la BCE et des niveaux proches de ceux atteints avant l’invasion de l’Ukraine. Mais cette baisse est fragile. Elle est davantage le résultat de mécanismes de marchés, qui donnent plus d’importance aux risques de récession que d’inflation, qu’une réelle conviction du retour de cette dernière à des niveaux proches du mandat de la BCE. Le risque de désancrage des anticipations n’a pas disparu, et la BCE ne peut baisser la garde.
Enfin, attendre davantage serait risquer de remplacer le concept de « normalisation » de la politique monétaire retenu par l’institution de Francfort par celui de politique « monétaire restrictive », avec une action encore plus déterminée.
La BCE devrait également donner des détails sur l’outil anti-fragmentation annoncé lors de la réunion d’urgence du 15 juin. Cette annonce avait bien été comprise par les marchés, et avait permis la compression des spreads BTP/Bund, passés d’un pic à mi-juin de 240bp à 185bp début juillet.
Les investisseurs sont dans l’attente de son officialisation afin d’en comprendre les modalités et sa portée. Mais on ne peut écarter le risque que Christine Lagarde ne s’en tienne encore qu’à des déclarations, alors que des voix s’élèvent déjà à la Bundesbank pour exprimer des réserves sur la légitimité d’un tel mécanisme. Il serait pourtant naïf de penser qu’une simple annonce suffise à maintenir des spreads compatibles avec la bonne transmission de la politique monétaire. Au moindre doute sur la volonté de la banque centrale de mettre en place un mécanisme pour des montants potentiellement illimités, la sanction des marchés pourrait être sévère en allant tester la détermination de la BCE. Si effectivement cette réunion n’apporte pas de confirmation officielle, le risque de déception des marchés sera important, avec à la clé des tensions à attendre sur les spreads.
En termes d’impact de marché, nous estimons que la prochaine réunion de la BCE pourrait continuer à entretenir une volatilité élevée sur le marché des taux ; après le rally obligataire impressionnant de ces dernières semaines, une hausse de 50bp accompagnée d’un discours offensif de la BCE devrait orienter les rendements à la hausse.