La croissance des pays BRIC est-elle durable ?

par Mark Mobius, Ph.D. Président de Templeton Emerging Markets Group

Au premier semestre 2012, les principaux pays émergents ont globalement affiché une croissance économique plus faible que prévu. Certains observateurs affirment que ce ralentissement n'est pas seulement de nature cyclique.

Ils pensent que les pays émergents pourraient avoir du mal à maintenir des taux de croissance élevés de leur PIB par habitant au-delà d'un certain point, car les bénéfices liés aux transferts de technologie, aux faibles coûts de la main-d'œuvre et aux gains de productivité faciles ont tendance à disparaître avant que l'accumulation de capital technologique ne permette une transition vers un modèle économique basé sur des salaires élevés et une productivité accrue. Nous ne sommes pas convaincus par cet argument, ni pour les pays BRIC, ni pour les pays émergents en général.

Nous pensons que le ralentissement économique en Chine est quasiment inévitable, étant donné que la main d'œuvre a atteint une taille record dans le pays et que la migration des travailleurs de l'agriculture vers le secteur industriel se fait à un rythme moins soutenu. Dans ce contexte, les prévisions tablant sur une croissance annuelle de 7 à 8 %, contre 10 % en moyenne ces dernières années, sont selon nous tout à fait raisonnables. De plus, ces taux restent bien supérieurs aux prévisions dans les pays développés. La politique du gouvernement est déjà en train de faire passer le pays d'une économie étatique, axée sur les exportations à forte intensité en main-d'œuvre, à un modèle économique davantage basé sur la consommation intérieure, l'expertise technologique et le savoir-faire des entreprises. L'endettement des ménages, y compris les prêts hypothécaires, était très bas ces derniers temps, et en dehors des logements haut de gamme dans les grandes villes, aucune surabondance de logements n'est venue faire pression sur les prix. Dans ces circonstances, nous ne voyons aucune raison pour que la Chine ne finisse pas par devenir une économie développée.

Contrairement à la Chine, la population active en Inde devrait continuer à s'accroître fortement durant les dix prochaines années, et les réserves de main-d'œuvre parmi la population rurale reste importante. Cependant, toujours à l'inverse de la Chine, le gouvernement indien a eu des difficultés à mettre en œuvre les projets d'investissement et d'infrastructure nécessaires, et les investisseurs sont inquiets des récents mouvements de protestation anti-capitalistes. Ces obstacles à la croissance sont facilement surmontables, selon nous, si les autorités en ont la volonté ; nous sommes donc optimistes quant au potentiel de croissance économique de l'Inde, dans la mesure où ces obstacles sont écartés ou résolus.

La Russie, comme la Chine, devrait voir sa population en âge de travailler diminuer. Cependant, la classe moyenne russe devrait s'accroître, puisque l'économie bénéficie de la richesse produite par les exportations de matières premières, ce qui devrait entraîner une croissance considérable des entreprises fournissant des biens et services de consommation à ce marché en plein essor. De plus, le gouvernement a récemment annoncé des réformes économiques ambitieuses visant à atténuer la dépendance de la Russie aux exportations de matières premières. Son intégration imminente au sein de l'Organisation mondiale du commerce pourrait soutenir la croissance russe, comme en Chine à partir de 2001.

Au Brésil, la croissance du PIB ces dernières années a été inférieure à celle des trois autres pays BRIC, et la tradition populiste et interventionniste du gouvernement, associée aux politiques nationalistes dans certains grands secteurs, notamment l'énergie, tend à ralentir et à compliquer les programmes d'investissement. Le gouvernement est intervenu pour débloquer certains freins à la croissance, notamment en réduisant les coûts des retraites des fonctionnaires et relançant des privatisations. Dans le même temps, la consommation intérieure devrait considérablement augmenter, grâce à la population active jeune et dynamique du pays, entraînant ainsi une diversification progressive de l'économie.

Les pays BRIC sont loin de représenter la totalité des marchés émergents. Sur le plan du développement économique, tout un groupe de nouvelles économies se trouve derrière les pays BRIC, comme l'Indonésie, le Vietnam, l'Égypte, la Turquie, le Nigeria et l'Afrique du Sud, et ils bénéficient tous, chacun à sa façon, d'une main-d'œuvre jeune et bon marché et de ressources naturelles abondantes leur permettant de doper leur croissance économique. La montée en puissance de ces économies pourrait non seulement permettre de compenser tout recul de la croissance, qui pourrait survenir en raison de la maturation des économies BRIC, mais également, en apportant des ressources et des marchés supplémentaires, aider les pays émergents les plus établis à résister à l'impact d'une croissance sclérosée et d'un ralentissement de la demande dans les pays développés.

C'est pour cette raison que nous pensons que les pays émergents en général, et les pays BRIC en particulier, devraient continuer à afficher une croissance économique solide dans les années à venir.