Volatilité et croissance molle en Europe poussent à la sélectivité

par Cédric de Fonclare, gérant du fonds Jupiter European Opportunities Sicav

Si le sauvetage, prévisible, de l’Espagne donnera un coup de fouet aux marchés européens, celui-ci devrait être de courte durée. Une saison des résultats mitigée promet de la volatilité à court terme, tandis que les inquiétudes à propos d’une croissance européenne molle mettent en lumière la nécessité d’être investi dans des entreprises ayant un bilan sain, des liquidités suffisantes et une très bonne visibilité sur les profits à venir.

Les marchés actions européens devraient réagir favorablement quand le gouvernement espagnol demandera enfin l’assistance de ses comparses de la zone Euro pour sauver ses finances. Cela sera perçu comme un pas supplémentaire vers un allègement de la montagne d’incertitudes qui pèse si lourdement sur l’Europe depuis début 2010, date à laquelle la Grèce demandait son premier sauvetage. Il est prouvé1 que les investisseurs internationaux sont depuis quelques mois plus enclins à investir leur argent dans la région, mais ils le font après une longue période pendant laquelle ils sont restés fortement sous- exposés aux actions européennes. Le cas est différent pour les investisseurs européens. Ils montrent traditionnellement un appétit pour les actions moindre que leurs homologues anglais ou américains, et le climat macroéconomique actuel n’est guère propice à un renversement de la situation.

Ce qui est clair, c’est que les décisions prises par les hommes politiques et banquiers centraux européens pour juguler la crise de la dette actuelle ne sont que des mesures provisoires. Les problèmes fondamentaux qui se cachent derrière la crise ne sont pas résolus et il n’existe pas de moyen rapide de les régler. Les pays de la zone euro doivent faire baisser leur niveau d’endettement et cela prendra du temps. Des mesures d’austérité vont devoir être imposées et cela affectera les taux de croissance européens.

Une saison des résultats mitigée promet de la volatilité à court terme

Premièrement, il est donc vital que les prévisions de croissance molle sous-tendent toute stratégie d’investissement sur l’Europe. En second lieu, les investisseurs en actions européennes doivent réaliser qu’ils vont être confrontés à quelques défis à court terme. Les prochaines annonces de résultats devraient engendrer de la volatilité sur les marchés, avec des bénéfices en deçà des prévisions et des perspectives plus faibles qu’attendues.

Quand les entreprises européennes avaient annoncé leurs perspectives plus tôt cette année, beaucoup d’entre elles avaient pris en compte un rétablissement économique en Asie, plus particulièrement en Chine au second semestre. Ce redressement ne s’est finalement pas matérialisé et il n’y a pas suffisamment de croissance ailleurs dans le monde pour compenser cela. L’Europe du Sud reste faible et cette faiblesse s’est propagée jusqu’au cœur de l’Europe. Une note plus claire a été apportée par l’Amérique du Nord mais la croissance là-bas n’a pas été assez rapide pour compenser le ralentissement des économies, autrefois en forte croissance, asiatiques. Nous pensons que les entreprises ont été trop optimistes à propos de 2013 et que les précédentes prévisions de croissance à deux chiffres sont irréalistes étant donné le climat actuel. Pour les quelques investisseurs qui ont raté le récent rallye (l’Euro Stoxx 50 a pris 20% par rapport à son plus bas niveau de juin), toute prochaine chute des cours pourrait être une opportunité de revenir sur le marché.

Les « gagnants » dans un environnement de croissance faible

Cette combinaison de volatilité à court terme et d’environnement de croissance faible demande de faire appel aux compétences de stocks pickers talentueux pour sélectionner des valeurs européennes. Les entreprises européennes les mieux positionnées pour prospérer sont celles en bonne santé financière et ayant un niveau de flux de trésorerie leur permettant de financer leur croissance. Il faut qu’elles puissent être capables d’allouer du capital dans les régions du monde à croissance rapide. Il faut qu’elles puissent s’assurer de tirer une part significative de leurs revenus de régions autres que les économies européennes stagnantes. L’éditeur de logiciel allemand SAP est un bon exemple d’entreprise ayant ces caractéristiques. A une moindre échelle et bien qu’il ne soit pas très à la mode, le spécialiste du duty-free Dufry possède une visibilité sur ses profits qui le rend potentiellement attractif dans le climat actuel.

Enfin, une autre tendance est l’appétit renouvelé des entreprises à externaliser certains services ou activités. Parmi les compagnies bénéficiant de ce mouvement, on peut nommer les entreprises de certification comme SGS et Intertek.

Que faut-il éviter?

A l’opposé, nous pensons qu’il est mieux d’éviter les secteurs politiquement sensibles ou qui pourraient devenir surtaxés par des gouvernements à court d’argent pour les aider à réduire leurs déficits. Les banques, les fournisseurs de services publics et les compagnies de téléphonie sont les cibles les plus flagrantes.

Une autre thématique a été d’acheter les valeurs qui ont été à la traîne cette année, principalement les actions d’Europe du Sud, mais cette stratégie s’est déjà largement essoufflée, selon nous. En regardant plus précisément les ratios P/E prévisionnels, on voit que l’Espagne est devenue presque aussi chère que l’Allemagne. Mais l’incertitude entourant l’économie espagnole et le profil de croissance de certaines de ces entreprises espagnoles continuent de les rendre structurellement moins attractives que beaucoup d’entreprises allemandes.

Prévisions pour les actions européennes

Les réponses politiques à la crise de la zone euro devraient continuer à guider le contexte du quatrième trimestre 2012 et de l’année 2013. Cependant, nous pensons que les investisseurs internationaux devront augmenter leurs investissements en actions européennes, après avoir été structurellement sous exposés à la région pendant une période relativement longue. Etant donné l’incertitude qui entoure les perspectives de résultats, nous devrions continuer à surpondérer notre portefeuille en activités ayant une visibilité anormalement élevée et de bonnes perspectives de croissance. Pour les investisseurs encore réticents sur le marché actions européen, il est important de se rappeler que les valeurs européennes sont relativement sous évaluées par rapport à leurs valorisations historiques, ce à quoi il faut ajouter la perspectives de dividendes élevés et des bilans solides.

NOTES

1 BofA Merrill Lynch Fund Manager Survey