par Jorgen Kjaersgaard, Head of European Credit chez AllianceBernstein (AB)
Mario Draghi a donné le coup d’envoi de la réduction du programme d’achat d’obligations de la Banque centrale européenne en réduisant l'assouplissement quantitatif actuel des obligations souveraines à 30 milliards par mois. Jusqu’à maintenant, le président de la BCE avait habilement manœuvré pour éviter un « taper tantrum » sur les marchés obligataires européens. Mais le déclenchement du processus de diminution de l’assouplissement quantitatif va très probablement créer un certain nombre de problèmes.
Malgré les ventes prévues, nous pensons que les obligations émises par les entreprises européennes offrent des perspectives très réjouissantes, en particulier en Italie et en Espagne. Nous observons également une faible évolution vers des taux plus élevés, notamment pour les obligations à 10 ans, qui devraient restées stables. À condition que leur exposition aux marchés obligataires européens soit correctement diversifiée, les investisseurs européens en quête de revenu devraient pouvoir identifier différents filons à exploiter.
Un havre de paix ?
Les investisseurs doivent garder à l'esprit que les obligations d’entreprises européennes bénéficient d’une plus grande imperméabilité – particulièrement celles qui, du fait de leur échéance courte ou moyenne, sont moins vulnérables à une faible baisse des cours que connaissent les obligations à durée plus longue, provoquée par une accentuation de la courbe des rendements.
Les taux d’intérêts négatifs et l’assouplissement quantitatif ont incité les investisseurs à se priver de la sécurité offerte par les obligations d’État pour se réorienter vers les actifs à plus haut rendement. Conséquence : la demande régionale en crédit a largement dépassé l’offre disponible. Ce soutien d’ordre technique ne va pas s’évaporer instantanément. Les liquidités ne devraient pas non plus se muer soudainement en un investissement attrayant puisque la BCE a exprimé son intention de ne pas augmenter ses taux d’intérêts dans l’immédiat.
Il est également important que les investisseurs reconnaissent que la BCE a entamé les discussions relatives à cette réduction, les perspectives économiques de la région s’étant considérablement améliorées. Cet environnement économique plus favorable devrait avoir un impact positif sur le marché du crédit européen, en aidant davantage les entreprises à prospérer et à se doter de dispositifs de protection efficaces contre la hausse modérée du coût du crédit qui résulterait de la fin de l’assouplissement quantitatif. Le taux de défaut devrait donc rester bas.
Sous l’effet des achats relevant de l’assouplissement quantitatif, une partie du crédit européen s’est renchéri. Mais nous pensons possible d’identifier des poches résiduelles de valeur encore inexploitées – par exemple les obligations à haut rendement émises par un petit nombre d’entreprises européennes productrices de biens d’équipement. Le rendement de ces titres est attrayant et les entreprises sous-jacentes sont idéalement positionnées pour profiter de la forte croissance qui s’annonce en Europe, mais aussi de leur propre position dominante sur leur marché et de leur capacité à générer des flux de trésorerie disponibles à toutes les étapes du cycle. Par ailleurs, le fait que le QE des entreprises de la BCE se maintienne à un rythme inchangé début 2018 devrait bénéficier à des crédits à court et à moyen termes ainsi qu'à des valeurs financières et cycliques.
Les obligations gagnantes ?
La réduction de l’assouplissement quantitatif va certainement donner un coup de pouce à certaines obligations. L’aplatissement de la courbe des rendements a résolument comprimé la marge bénéficiaire des banques européennes. Celles-ci sont en effet particulièrement sensibles à la forme de cette courbe puisqu’elles empruntent à court terme pour prêter à long terme. Leur rendement devrait donc s’améliorer en cas d’accentuation de cette courbe, et le volume de leurs créances devrait augmenter à la faveur de la reprise de l’économie régionale. Les investisseurs seraient donc bien avisés de cibler les titres davantage subordonnés émis par les banques européennes qui ont été le plus fortement recapitalisées.