par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis AM
Depuis le tremblement de terre le 11 mars dernier, la situation du Japon suscite de nombreux commentaires et interrogations. Au-delà du drame humain, il convient de réfléchir aux évolutions possibles de l'économie nippone. Plusieurs interrogations subsistent en effet : celle de la reconstruction, de la diffusion des conséquences du tremblement de terre vers le reste du monde et enfin, celles liées au nucléaire.
En 1995, l'impact immédiat du tremblement de terre de Kobe avait été un repli de – 2,6 % de la production industrielle au niveau national en janvier de la même cette année. On avait néanmoins enregistré un rebond significatif dès février (+ 2,2 %) et mars (+ 0,95 %). cette capacité à réagir s'est aussi retrouvée dans une dynamique de reconstruction rapide. 15 mois après le tremblement de terre, 98 % de la capacité productive du secteur manufacturier avait été remise sur pied.
Les études précises sur l'impact de tels événements (tsunamis, tremblements de terre…) sont récentes puisque, la première date de 1993. Elles démontrent que, dans ce type de situation, la capacité de réaction d'un pays touché est très dépendante de son niveau de développement. Des institutions fortes et structurées permettent de sélectionner rapidement les projets prioritaires et leurs modalités de mise en route. Un capital humain éduqué facilite la mise en œuvre de la reconstruction. En effet, la production résulte de la mise en œuvre d'une combinaison du travail et du capital. Lors d'un tremblement de terre, le capital détruit doit être remplacé par du travail et plus ce capital humain est éduqué, mieux il s'adapte à cette nouvelle combinaison. En d'autres termes, plus un pays est développé, plus sa capacité à réagir est rapide.
Sur un autre plan, l'impact de la reconstruction aura un effet positif sur la productivité puisque les nouveaux équipements installés incorporeront davantage de progrès technique. Cela facilitera l'élimination du choc et le retour à une situation économique plus favorable.
Le Japon devrait donc reconstruire rapidement son économie même si l'ampleur du choc récemment subi est bien supérieure à celle de Kobe. À court terme, néanmoins, il est probable que l'activité nippone s'infléchisse avant de repartir. Il se peut également que le Japon soit touché par des arbitrages régionaux liés à une redistribution de l'activité. Si, au niveau global, l'activité d’un pays développé peut être relativement épargnée, la région qui a subi le choc peut voir son activité durablement pénalisée.
La diffusion vers le reste du monde
Le Japon est la 3e économie mondiale et le ralentissement qu'il subira à court terme pourrait pénaliser l'activité globale.
Sur ce point, deux éclairages distincts mais complémentaires peuvent être apportés : n les exportations des grands pays industrialisés vers le Japon sont assez réduites. Les exportations de biens et services des États-Unis vers le Japon représentent par exemple 6 % de leurs exportations en 2010 contre environ 2 % des exportations (hors zone euro) pour la zone euro. Ainsi, le ralentissement n'aura pas d'effet mécanique marquant pour les pays industrialisés occidentaux. Côté chinois, les exportations vers le Japon se situent légèrement En-deçà de 8 % de ses exportations totales. Parmi les pays avancés, l'Australie sera la plus touchée en raison de l’importance de ses exportations de matières premières vers le pays du soleil levant.
En d'autres termes, l'effet direct d'une réduction des exportations à destination du Japon sera limité et n’inversera pas la tendance globale de l'activité, d'autant que celle-ci est robuste si l'on en croit les premières informations conjoncturelles disponibles pour 2011.
– Les indicateurs d'enquêtes du type PMI donnent en effet les signaux d'une activité dont la progression est soutenue et assez bien distribuée géographiquement. la situation économique globale est plutôt bonne ; chaque région du monde en bénéficiant. Cette dynamique permettra de compenser l'éventuel impact négatif en provenance du Japon.
Deux réflexions supplémentaires :
– A court terme, du fait d'une globalisation plus forte qu'en 1995, des mouvements d'ajustement pourront s'opérer, liés, d’une part, à la non disponibilité immédiate des stocks de produits japonais et d’autre part, à la production de produits substituables à ceux fabriqués au Japon dans des pays de la région (Corée du sud, Taïwan…).
– Un dernier point important réside dans le financement de la reconstruction. Le rapatriement des capitaux japonais peut être envisagé, le Japon ayant une position extérieure nette* très largement positive. les placements effectués dans le reste du monde, notamment en obligations, pourraient être vendus en fonction des besoins.
La question du nucléaire
Cette question revêt deux aspects cruciaux :
- Le premier est l'impact que pourrait avoir un choc nucléaire si la centrale de Fukushima n'était pas maîtrisée. Cet article s’est essentiellement appuyé sur l'hypothèse de cette maîtrise. Si cela n'était pas le cas, l’aversion au risque beaucoup plus marquée à l’égard du Japon ne se limiterait pas aux marchés financiers. Elle pourrait créer un coup d'arrêt dans le redressement de l'économie nippone. À noter cependant : l’emploi du conditionnel se justifie ici comme en témoigne le contre-exemple de 2001 où une plus grande aversion au risque était attendue pour l'ensemble des économies occidentales après les attentats du 11 septembre mais ne s’est finalement pas matérialisée.
- Le second point porte sur la remise en cause du nucléaire comme source d'énergie. Les besoins d'énergie supplémentaires sont très importants pour le développement des pays émergents et une remise en cause du nucléaire nécessiterait de lui trouver des énergies alternatives telles que le gaz, le pétrole ou encore le charbon. Cela se traduirait par un renchérissement du prix de ces matières premières et par une recrudescence des émissions de co2.