par Maarten-Jan Bakkum, Senior Strategist Emerging Markets chez NN IP
En termes de politique économique, la présidente brésilienne Dilma n’aurait pas pu faire pire au cours des six dernières années. Néanmoins, il aurait mieux valu qu’elle ne soit pas destituée. La probabilité de réformes aurait alors été faible et il y aurait peut-être eu une crise de la dette, mais à plus long terme, ceci aurait été moins dommageable que la destitution. Le Brésil aurait pu prendre un nouveau départ après les élections de 2018, avec un gouvernement élu démocratiquement et les réformes qui s’imposent.
Maintenant, le pays a un nouveau gouvernement qui a pris le pouvoir de manière incorrecte, avec peu de soutien au sein de la population. Or, ce gouvernement devra prendre des mesures drastiques qui affecteront la plupart des Brésiliens. Sous le prétexte d’une lutte légitime contre la corruption, Dilma – contre qui aucune preuve de corruption ou de détournement de fonds publics n’a été trouvée – a été destituée par des individus qui ont été accusés eux-mêmes de corruption. Ceci semble un climat propice à l’instabilité politique et, surtout, aux troubles sociaux. La jeune démocratie brésilienne est ainsi confrontée à une crise existentielle qui n’a probablement pas encore atteint son apogée.
Les marchés financiers ont une approche très différente de la crise brésilienne. Les investisseurs ont un horizon à court terme. Les seules choses qui leur importent à l’heure actuelle sont les perspectives de réformes et d’austérité. La composition du gouvernement temporaire de Michel Temer et les annonces de mesures économiques incitent les investisseurs, surtout brésiliens, à croire que des mesures fermes seront prises pour enrayer le déficit budgétaire, restaurer le climat d’investissement et, par conséquent, mettre fin à la récession. On peut toutefois se demander si le nouveau gouvernement pourra rapidement mettre en œuvre les réformes. Beaucoup de points demeurent obscurs : les intentions de Temer et de son équipe (veulent-ils réellement s’attaquer aux principaux problèmes ou voudront-ils d’abord assurer des positions politiques et des contrats à leurs relations), le temps dont Temer disposera avant d’être lui-même soit destitué (le nouveau président a déjà été accusé de fraude électorale et de corruption) et la mesure dans laquelle la menace de troubles sociaux aura un impact sur l’efficacité du gouvernement.
Entre-temps, la récession se poursuit. Le chômage a grimpé en flèche et dépasse 10%. De nombreux ménages brésiliens connaissent de sérieux problèmes financiers car ils ne peuvent pas rembourser leurs dettes. Les sociétés hésitent à investir, non seulement en raison de la récession ou de la difficulté à obtenir des crédits, mais aussi parce que l’incertitude politique est considérable. On ignore combien de temps ce gouvernement restera au pouvoir et ce qu’il réalisera, mais également qui sera élu président en 2018. La plupart des membres réputés des principaux partis politiques sont suspectés d’implication dans les nombreux scandales de corruption qui font actuellement l’objet d’une investigation. Cela signifie que l’élection d’un ‘outsider’, quelqu’un qui ne serait pas issu du sérail politique, à la présidence est une réelle possibilité. Pour le milieu des affaires brésilien, ceci est une pensée perturbante qui n’incite guère à investir