par Christophe Morel, Chef Economiste chez Groupama AM
Le Brexit est d’abord un choc négatif pour la croissance du Royaume-Uni. L’impact économique sur le « reste du monde » reste à ce stade incertain et transite par le canal financier (surtout, le marché des changes). Reste que les politiques économiques sont et seront de plus en plus accommodantes. Le pire n’est donc jamais certain …
L’impact du Brexit sur la croissance du Royaume-Uni transitera à court terme essentiellement au travers de la hausse de l’incertitude qui pénalisera l’investissement ; la baisse de la livre sterling ne constituera pas tout de suite un soutien aux exportations, mais pèsera sur la consommation via l’inflation importée. Au total, nous évaluons que le Brexit coûterait environ 1.5% de croissance au Royaume-Uni sur les deux prochaines années.
Le Royaume-Uni ne représentant qu’à peine 2.5% du PIB mondial, l’impact sur le « reste du monde » via le canal commercial est limité. En revanche, au vu de la forte instabilité financière, la contagion du Brexit aux autres pays s’effectuerait via la hausse de l’incertitude (perceptible dans les primes de risque sur les actifs risqués) et les variations de change :
- pour la Zone euro, la transmission a lieu par la hausse des incertitudes qui limiterait la reprise de l’investissement.
- pour les États-Unis, le facteur de contagion est surtout l’appréciation du dollar qui pénaliserait les exportations.
A ce stade, le choc n’est pas de nature à nous conduire à réviser notre perspective de croissance en Zone euro et aux États-Unis au-delà de 2/10ème de point sur une année glissante.
Si le Brexit n’en constitue pas moins un choc supplémentaire dans un environnement de croissance modérée et fragile, le reste du monde paraît aujourd’hui plus à même d’absorber un choc exogène grâce à des politiques monétaires et budgétaires de plus en plus accommodantes.
Les banques centrales restent un pare-feu et ne prendront aucun risque avec la reprise. La politique monétaire très accommodante soutient un cycle global haussier dans la construction. En particulier, dans la Zone euro, l’activité dans la construction n’est plus un « frein » et deviendra même un support à la croissance, ce qui soutiendra la consommation via les effets multiplicateurs.
Surtout, l’évolution des états d’esprit sur le rôle de la politique budgétaire/fiscale (FMI, G7, Commission européenne) se traduit désormais en actes. Au Japon, le report de la TVA nous conduit à réviser la croissance 2017 de +0.6% à +1.1%. En Zone euro, la baisse des taux apparents permise par le quantitative easing génère de la « surprise » positive sur les déficits publics ; une partie de cette « cagnotte budgétaire » sera utilisée pour soutenir la croissance (dans le cas français, 3/5 serait réinjectée en 2017). Par rapport à l’exercice de l’hiver 2015, la Commission européenne anticipe une réduction de l’effort structurel de 2/10ème en 2017 en Zone euro, ce qui soutiendra d’autant la croissance l’année prochaine.
Au final, le Brexit est un événement majeur dont les causes sont multiples et souvent anciennes : la hausse des inégalités, la croissance seulement par le levier, la reprise de l’emploi seulement dans la précarité. Ce choc semble à ce stade absorbable si on a recours à l’outil budgétaire. Reste que dans un environnement d’instabilité financière, il faut garder un œil vigilant sur l’évolution du dollar, du yen et du pétrole qui sont les facteurs principaux de contagion au reste du monde.