par Christophe Morel, Chef Economiste chez Groupama Asset Management
Depuis 2008, l’économie mondiale a connu des soubresauts qui ont profondément affecté la croissance :
• Plusieurs économies ont été forcées de réduire leur taux d’investissement et d’interrompre la dynamique de crédit qui l’avait soutenu.
• Ce rééquilibrage a affecté la croissance de façon plus modérée dans les pays où la politique budgétaire est restée plus accommodante.
• Ce rééquilibrage affecte le commerce international et le prix des matières premières.
Un rééquilibrage de l’économie mondiale encore en cours
Un cycle de croissance mondiale élevée s’est interrompu en 2008. Il avait été soutenu par un accroissement des déficits extérieurs aux États-Unis et dans plusieurs pays de la zone euro, situation symptomatique d’une demande interne dynamique et d’un boom de l’immobilier financé à crédit et facilité par des taux d’intérêt bas.
Le niveau atteint par ces déséquilibres a été à l’origine d’ajustements successifs.
– En 2008, crise des subprimes aux États-Unis : interruption du boom du crédit.
– En 2011, crise de la zone euro : les pays dont les déficits extérieurs s’étaient accrus avant 2008 (Espagne, Portugal, Irlande, Grèce…) ont été les plus touchés et sont entrés dans un long rééquilibrage de leur économie, encore en cours.
– Un troisième ajustement débute : la Chine devra sortir d’une période où elle a beaucoup investi, ce qui a fait augmenter sa dette.
Ce rééquilibrage provoque une longue période de croissance faible
La diminution durable de l’investissement affecte la croissance. Cette crise a également entrainé un accroissement des dettes publiques dans les pays développés. La rapidité avec laquelle la croissance a redémarré ensuite est liée à la réponse choisie par chaque pays face à cette dette plus élevée :
– Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon ont pu maintenir des déficits élevés plus longtemps, bénéficiant de l’achat de dettes publiques par leurs banques centrales.
– Dans la zone euro, l’absence d’achat de dettes publiques par la BCE a laissé chaque pays réagir seul face aux tensions connues (ou non) sur les taux :
- Les pays qui se sont sentis contraints de consolider le plus brutalement leurs déficits ont vu leur sortie de crise retardée (France, Italie).
- Ceux qui se sont laissés plus de temps (Espagne, en raison d’une dette initiale faible, pays aidés financièrement par la troika, dont l’Irlande) ont connu un meilleur redémarrage de leur croissance.
Un environnement négatif pour le commerce international et les matières premières
La croissance mondiale a été soutenue jusqu’en 2010 par le plan de relance adopté en 2009 par la Chine. La crise de la zone euro, puis les premières mesures destinées à faire sortir la Chine d’une croissance fondée sur l’investissement, ont provoqué une stagnation du commerce mondial et pesé sur le cours des matières premières :
– Le rééquilibrage signifie que la croissance de chaque pays devient plus autonome : elle dépend moins de l’extérieur et, dans le même temps, est un soutien plus faible pour l’extérieur.
– Dans les matières premières, les capacités de production ont répondu à un accroissement temporaire des prix en 2007-08 (puis en 2010) :
- Ces investissements ont été financés à crédit, expliquant en partie l’accroissement de la dette des pays émergents sur cette période.
- La baisse durable des importations de pétrole aux États-Unis et de métaux en Chine affectent le prix des matières premières. Les pays exportateurs (Brésil, Russie…) subissent des pertes de pouvoir d’achat, dommageables pour leur consommation et leur croissance.
Cette baisse du prix du pétrole est une vraie bonne nouvelle pour la conjoncture des pays développés.