par Juliette Cohen, Stratégiste chez CPR AM
Dans le cadre de l’accord de Paris, plusieurs pays ou zones ont annoncé avoir un objectif de neutralité carbone à horizon 2050 (Union européenne ou Japon, par exemple) ou 2060 (Chine). Parmi les mécanismes mis en place, les marchés du carbone ou système d’échange de droits d’émissions, et la taxe carbone, visent tous deux à réduire les émissions de CO2 en faisant payer les émetteurs pour les inciter à agir en ce sens. Dans les marchés du carbone, les autorités mettent un plafond (« cap ») aux émissions et allouent des droits à polluer et c’est ensuite un marché d‘échange qui fixe le prix du carbone. Dans le cadre d‘une taxe carbone, ce sont les pouvoirs publics qui déterminent directement le prix du carbone. Nous nous focaliserons dans ce texte sur les marchés du carbone.
C’est dans l’Union Européenne que le système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) a vu le jour en premier, en 2005 . D’autres zones ont ensuite suivi : Nouvelle-Zélande (2008), Suisse (2008), Kazakhstan (2013), Corée du sud (2015), Australie (2016), Canada (2019), Mexique (expérimentation de 3 ans à partir de 2020). Par ailleurs, plusieurs collectivités locales ont également lancé ce type d’initiatives au Canada, aux Etats-Unis, en Chine et au Japon.
Globalement, les mécanismes ETS se sont développés plus rapidement que les taxes « carbone ». Mais certains pays ont mis en place les deux mécanismes à l’instar de la France avec la Contribution Climat-Energie lancée en 2014. D’autres pays comme l’Allemagne ont appliqué un système national d’échange de droit sur des secteurs qui n’étaient pas couverts par le système européen afin d’accélérer la baisse de leurs émissions.
La Banque mondiale indiquait fin 2020 que les systèmes d’échange de quotas en fonctionnement couvraient 3,9% des émissions totales de gaz à effet de serre (GES). En Europe, les secteurs concernés par le marché EU ETS représentent un peu moins de la moitié des émissions de l’UE.
Depuis sa création en 2005, il a fallu procéder à de nombreux ajustements pour renforcer l’efficacité du marché européen. De nouvelles mesures devraient être adoptées à l’été 2021 afin de mettre le marché en adéquation avec les nouveaux objectifs climatiques de l’Union européenne.
Sans entrer dans le détail technique du marché d’échange de droits à polluer européen, revenons sur ses principales caractéristiques, son historique et les enjeux des prochains aménagements.
Un champ d’application qui a ciblé en priorité le secteur de l’énergie et l’industrie
Le marché du carbone européen comprend tous les pays de l’Union européenne mais aussi l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège qui ont choisi d’y participer. Depuis le 1er janvier 2020, les systèmes de l’Union européenne et de la Suisse sont reliés par une reconnaissance mutuelle qui permet aux entreprises de restituer des quotas de l’un ou l’autre système. Le marché européen couvre aujourd’hui 11 000 installations des secteurs de l’énergie, de l’industrie et du transport aérien intra-européen ce qui représente environ 40% des émissions de GES de la zone.
Un système de plafonnement des émissions et d’échange de quotas (« Cap and trade »)
Dans le cadre d’un marché du carbone, un plafond global des émissions de GES des installations du système est fixé. Ce plafond baisse dans le temps pour faire baisser le total des émissions. A l’intérieur de ce plafond, les entreprises reçoivent gratuitement ou achètent des quotas d'émission, qu'elles peuvent échanger les unes avec les autres au besoin. Un quota représente le droit d’émettre une tonne de CO2. La limite du nombre total de quotas disponibles garantit leur valeur. Dans le cadre du système européen, deux limites existent, une pour les installations fixes et une pour le secteur de l’aviation.
Chaque année, une entreprise doit restituer suffisamment de quotas pour couvrir toutes ses émissions sinon des amendes lui sont imposées. Si une entreprise réduit ses émissions, elle peut conserver les quotas excédentaires pour couvrir ses besoins futurs ou bien les vendre à une autre entreprise en manque de quotas. L’objectif est d’inciter les entreprises à faire les investissements pour réduire leurs émissions.
Ce système cherche à obtenir un résultat environnemental en matière de réduction des émissions de GES tout en laissant aux entreprises le choix sur le lieu et la manière de réaliser cette baisse.