par Ken Van Weyenberg, Investment Specialist chez Dexia Asset Management
Le fléchissement de la croissance mondiale observé depuis le début de l’année a également affecté les pays émergents durant ces derniers mois. Néanmoins, l’amélioration récente de la dynamique économique et les valorisations attrayantes indiquent que le moment est venu de relever l’exposition aux marchés émergents.
Ces douze derniers mois ont sans conteste été positifs pour les marchés d’actions. En dépit d’une évolution volatile, l’indice MSCI Europe affiche même un rendement de quelques 10 % depuis le début de l’année. Avec un rendement d’environ 9 %, les marchés émergents ne restent que légèrement en retrait même si cette performance n’est pas directement attribuable aux pays de la zone BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine).
Les bonnes performances sont principalement le fait de plus petits marchés, plus « défensifs », tels que ceux du sud-est asiatique (comme l’Indonésie, le Vietnam, les Philippines et la Malaisie), le Mexique ou la Turquie. Les BRIC ont sous-performé en raison de la proportion beaucoup plus élevée des secteurs cycliques dans ces pays et des problèmes touchant leur marché domestique. Depuis septembre toutefois, les investisseurs peuvent se réjouir des nouvelles mesures de relance des banques centrales américaine et européenne et de la diminution du nombre de révisions des bénéfices à la baisse dans les pays émergents.
L’économie chinoise retrouve des couleurs
Par ailleurs, le rebond des marchés émergents depuis septembre n’est pas uniquement imputable aux interventions des banques centrales occidentales et aux attentes légèrement plus positives des analystes concernant les marchés émergents. La Chine joue également un rôle important dans cette reprise dans la mesure où de nombreux investisseurs excluent à présent clairement la possibilité d’un atterrissage forcé de l’économie. Le ralentissement de la croissance économique chinoise n’est pas aussi marqué que ce que pensent nombre d’investisseurs. La croissance s’élevait d’ailleurs toujours à 7,7 % aux trois premiers trimestres de l’année dont 7,4 % sur les trois derniers mois. Ces chiffres répondent largement aux attentes du premier ministre chinois, Wen Jiabao, qui a prévu une croissance de 7,5 % pour l’ensemble de l’année. Alors que le FMI mise sur une croissance de l’économie mondiale de 3,3 % en 2012, il n’est dès lors nullement question d’effondrement de l’économie chinoise.
Qui plus est, plusieurs indicateurs économiques signalent une reprise de la croissance économique chinoise après huit trimestres successifs de ralentissement de la croissance. L’indice d’activité du secteur industriel est l’un des indicateurs les plus consultés. Les mesures officielles du Bureau national des statistiques indiquent de toute évidence une accélération de l’activité économique au sein du secteur industriel, avec un PMI de 50,6 en novembre. Cette augmentation de l’activité a par ailleurs été confirmée par l’indice PMI publié par HSBC. Cet indice est à présent supérieur à 50, le seuil qui distingue la croissance de la récession. Il serait prématuré de crier victoire mais ces indicateurs sont en tout cas prometteurs.
L’amélioration de la dynamique économique s’est en outre traduite par une hausse sensible de la production industrielle (+9,6 % en glissement annuel), des exportations (+11,6 % en glissement annuel) et des ventes de détail (+14,5 % en glissement annuel). Cette embellie se reflète également dans l’Economic Surprise Index, qui représente dans quelle mesure les indicateurs économiques publiés sont supérieurs ou non aux attentes.
Pas besoin de mesures d’assouplissement
Les statistiques économiques actuelles n’indiquent pas un besoin immédiat de mesures supplémentaires de soutien monétaire même si les responsables politiques chinois disposent de suffisamment de moyens et de marges de manœuvre pour intervenir. L’inflation est pour l’instant sous contrôle. Il est même question de désinflation puisque le taux d’inflation chinois s’établit à 1,7 %, un chiffre largement inférieur à l’objectif de 4 % de la Banque centrale chinoise.
De surcroît, la baisse de près de 3 % des prix à la production n’annonce pas de risque inflationniste à moyen terme. La marge est donc suffisamment grande dans l’hypothèse où un nouvel assouplissement monétaire devait s’avérer nécessaire pour soutenir l’économie chinoise. Le taux de réserves obligatoires (reserve requirement ratio) des grandes banques chinoises confirme nos propos. Ces réserves représentent actuellement 20 % des fonds propres. Autrement dit, la politique monétaire chinoise n’est pas réellement souple pour l’instant. Durant la crise de 2008-2009, le taux de réserves obligatoires a été ramené à moins de 16 % pour soutenir l’économie. Le même constat s’applique au taux directeur de la People’s Bank of China, dont le taux à 1 an est pour l’instant de 6 %. Lors de la crise de 2008 – 2009, ce taux a été rapidement abaissé, passant de près de 7,5 % à 5,3 %, pour redonner du souffle à l’économie.
Le groupe de réflexion chinois CASS (Chinese Academy of Social Sciences) est en tout cas un fervent défenseur des mesures de relance de la croissance prises par l’État chinois. Il prévoit une accélération de la croissance économique chinoise qui devrait atteindre 8,2 % en 2013 et prône une augmentation des investissements publics dans les infrastructures et une suppression des impôts qui freinent la croissance économique.
Valorisations très attrayantes
La solidité de la croissance économique mondiale a toujours été déterminante pour la croissance des entreprises des pays émergents (en Chine également). Les sociétés des pays émergents ont besoin d’une croissance soutenue pour pouvoir égaler leurs homologues des pays occidentaux. Le ralentissement de la croissance a entraîné de nombreuses révisions à la baisse des bénéfices. La croissance des bénéfices attendue de 13 % dans les pays émergents reste certes soutenue mais en Chine, celle-ci atteint « seulement » 9 % selon l’IBES. Ces prévisions pèchent peut-être par un excès de pessimisme et les bénéfices des entreprises chinoises pourraient dépasser les attentes en cas de croissance économique mondiale meilleure que prévue.
Quoi qu’il en soit, le marché intègre déjà en grande partie un ralentissement de la croissance des bénéfices en Chine à la suite du fléchissement de la croissance mondiale et de l’atterrissage en douceur de l’économie chinoise. Les actions chinoises (MSCI China) se négocient selon un ratio cours/bénéfices prévisionnel de 9,4 pour 2013. C’est même moins que les 10,6 de la zone euro (MSCI EMU). Le ratio cours/valeur comptable attendu pour 2013 est également faible (1,37) et comparable lui- aussi avec celui de la zone euro.
Le potentiel à long terme reste énorme
Tout porte à croire que la Bourse chinoise rebondira au cours des prochains mois. Tous les éléments, dont l’amélioration de la dynamique économique et le niveau attrayant des valorisations relatives, sont réunis pour soutenir une reprise du marché chinois. La relance de l’économie chinoise aura par ailleurs un impact considérable sur les autres pays émergents. En plus d’une exposition à long terme aux pays émergents au sein d’un portefeuille bien diversifié, nous privilégions également une surpondération sur les marchés émergents avec une forte conviction sur les actions chinoises.