par Steven Bell, Chief Economiste chez BMO Global Asset Management
Au fur et à mesure de l’avancée de la pandémie, nous en apprenons plus sur le virus COVID-19 et la dynamique de sa propagation, car les courbes illustrant le nombre de nouveaux cas et du nombre de décès enregistrés en Italie comme en Espagne semblent suivre les mêmes schémas qu'en Chine et en Corée du Sud. Les États-Unis en sont à un stade plus précoce de la pandémie, même si le taux de mortalité quotidien semble déjà avoir ralenti à New York, l'État le plus touché jusque lors outre-Atlantique.
Les démocraties d'Europe et des États-Unis ont besoin de plus de temps pour déployer pleinement, efficacement et de manière coordonnée les mesures de confinement telles que celles qui ont pu être mises en œuvre en Asie. Si elles n’y parviennent pas, leurs exécutifs seront confrontés à des décisions très difficiles pour déterminer quand et comment lever leurs confinements respectifs.
L'incertitude s’est également levée quant aux dommages économiques causés par la pandémie. Pour autant, moins d’incertitude dans ce domaine ne signifie pas que nous allons dans le bon sens. Les prévisionnistes ont finalement réalisé l’ampleur des impacts économiques consécutifs à la pandémie. La semaine dernière, je vous indiquais qu’un premier record hebdomadaire avait été battu avec 4 millions de nouvelles demandes d’allocations chômage. Deux fois plus d'Américains ont déposé une première demande d'allocation chômage cette semaine à savoir 6,5 millions de demandes supplémentaires, un chiffre sans précédent.
Autre triste record qui se profile : on s’attend désormais à ce que la croissance économique chute d'au moins 10 % en Europe et aux États-Unis pour le trimestre en cours.
Les banques centrales voient large, mais pas les taux d'intérêt
Les banques centrales du monde entier ont inondé les marchés de liquidités et les mesures « non conventionnelles » sont devenues la norme, les gouvernements ayant annoncé d'énormes plans budgétaires. Le Japon est le dernier à rejoindre la liste. Les déficits publics dépasseront 10% des économies de la plupart des pays ayant déjà lancé leurs mesures; même si l’on pourrait être plus proche de 20% dans le cas des États-Unis.
Nous nous attendons à ce que l'Eurogroupe annonce, cette semaine, un certain nombre de mesures représentant plus de 500 milliards d'euros pour combattre les répercussions de l'épidémie de coronavirus. Beaucoup craignent qu'en raison de tout cela, les taux d'intérêt n'augmentent et que des programmes d'austérité mondiaux ne soient mis en place une fois que le monde se sera remis du virus. Je n’en suis pas si sûr. Il est vrai que la dette publique sera beaucoup plus élevée et que les taux d'intérêt pourraient être un peu plus élevés, mais les forces qui ont maintenu les taux bas avant la pandémie en sortiront très certainement renforcées elles aussi.
La reprise économique reste une inconnue
La politique budgétaire et monétaire peut venir atténuer les effets de la récession massive dans le sillage de la pandémie de COVID-19, mais seule la fin du confinement permettra d’amorcer une éventuelle reprise économique. Les chiffres en provenance de Chine semblent prometteurs avec un niveau de production revenu à 80-90% des niveaux d’avant-crise. La dynamique de consommation est plus lente à redémarrer, en partie parce que les consommateurs confinés ont dû puiser dans leur épargne, mais la dynamique semble se réamorcer.
Pour le reste du monde, tout dépendra du moment où l’on parviendra à stopper clairement la propagation du virus. Il ne suffira pas d’essayer de le contenir au mieux. Certains experts, y compris ceux qui conseillent le gouvernement britannique, s'attendent à ce que le confinement passe par des phases successives de durcissement et d’assouplissement sur une période pouvant aller jusqu'à un an. Si tel est le cas, la reprise de l’économie sera relativement lente comparativement à la soudaineté de son arrêt provoqué par la mise en place du confinement. La réponse la plus honnête est d’admettre que nous ne détenons tout simplement pas de réponses définitives. Toutefois, en nous basant sur les évaluations parmi les plus pessimistes, nous devrions assister à une reprise économique vigoureuse au cours de la dernière partie l’année 2020. Cela devrait se poursuivre jusqu'en 2021.
Qu'est-ce que tout cela signifie pour les marchés ?
Les dividendes sont réduits, les bénéfices s'effondrent, les défauts de paiement vont se multiplier. Mais les marchés sont tournés vers l'avenir : ils sont convaincus que la situation actuelle se révélera temporaire – et je les suis sur ce point – et que la dynamique haussière reprendra à l’issue de la crise. Le S&P 500 se situe dans une fourchette de négociation relativement plus étroite depuis que les États-Unis ont adopté leur package budgétaire exceptionnel. Les marchés pourraient bien exiger des signes indiquant que les confinements qui ont cours en Europe seront assouplis. Il y aura des obstacles, mais je pense toujours que nous nous dirigerons vers le mieux.